À cause de leur proximité avec les ressources naturelles, les communautés rurales s’inscrivent dans la question hautement stratégique de l’avenir énergétique des économies des différentes sociétés de la planète. Pourtant, le rôle des milieux ruraux est rarement pris en compte, voire négligé, quand vient le temps d’adopter une stratégie globale de production d’énergie. L’émergence de la filière du vent en territoire québécois en est un exemple patent. Dès les balbutiements de la production d’électricité éolienne au Québec, nous pouvions observer une forte adhésion de la population à l’éolien qui bénéficie d’un préjugé plutôt favorable. Toutefois, devant l’épreuve des faits, la valeur symbolique de l’énergie éolienne a subi de durs revers au tournant des années 2000. Le sens de l’éolien s’est complexifié : d’une source symbolique de production alternative d’énergie qu’il était, il devient une activité réelle de production. L’éolien prend ainsi un nouveau visage, celui associé à la hauteur imposante des machines, à la puissance de ces dernières en termes de mégawatts et, rentabilité oblige, en chiffres d’affaires qui se mesurent en dizaines de millions. Le vocabulaire associé à la filière éolienne se renouvelle en conséquence. Le vert et le propre auxquels on aspire font place à la « prospection », au « gisement », à la « rentabilité » et au « claim » qui, eux, sont contestés. Ce texte met en lumière un processus d’autonomisation de la part d’une communauté rurale et les nombreux apprentissages qu’ont accumulés les acteurs locaux à cette occasion. Il dévoile l’émergence d’une innovation sociale avec l’implantation d’un parc éolien de régime communal (partiel), le projet Viger-Denonville dans la MRC de Rivière-du-Loup. Dans le cas étudié, l’innovation sociale représente une adaptation, voire une réponse de la communauté confrontée aux volontés d’une entreprise exogène et du gouvernement central. Dans un premier temps, nous relaterons la généalogie du déploiement de la filière éolienne sur le territoire de la MRC de Rivière-du-Loup, un déploiement caractérisé par deux projets selon des modèles économiques différents (libéral et solidaire). Puis, nous aborderons les identités en place et l’émergence de tensions sociales au sein des communautés concernées. Nous discuterons ensuite des résultats de la résistance qui s’est concrétisée dans la réalisation d’un parc éolien de régime communal (partiel) et de l’émergence d’une très large coalition régionale des territoires de l’Est du Québec en vue de nouveaux projets éoliens. En lien avec la quête de nouvelles modalités de création de richesse par l’éolien, la conclusion illustrera comment les récentes mesures d’austérité affectent la communauté étudiée et quelles formes prennent les nouvelles résistances en contexte rural québécois. Ce ne sont pas les sociétés rurales concernées qui ont fait émerger la filière éolienne. Elle leur a été imposée par le gouvernement provincial et de grandes firmes privées. Le modèle dominant qui avait été adopté misait sur des appels d’offres compétitifs au moindre coût lancés par Hydro-Québec. L’objectif consistant à vendre la ressource éolienne au moindre coût afin d’en tirer le meilleur profit, une course aux sites propices s’est engagée entre les développeurs qui, par la signature d’options auprès des propriétaires, fixaient les emplacements prometteurs. Sur le terrain, la situation était tout à fait nouvelle. Ainsi, en novembre 2004, à la surprise du milieu, une conférence de presse a été tenue à Rivière-du-Loup pour annoncer le développement, par une entreprise ontarienne, SkyPower, de la filière éolienne dans la MRC de Rivière-du-Loup. Cette entreprise avait signé un contrat de vente d’électricité de gré à gré avec la division Production d’Hydro-Québec en vue de l’implantation d’un parc éolien nommé Terravents. Aucun élu local n’avait préalablement été mis au courant du projet. Il s’agissait, à l’époque, du plus …
Parties annexes
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