Les recherches empiriques sur l’innovation sociale se font de plus en plus nombreuses et remarquées. C’est par ce moyen assuré que le concept d’innovation sociale et ses particularités peuvent être dégagés en tant que processus de changement et de transformation sociale. Ces travaux montrent également que le concept d’innovation sociale circule, qu’il est véhiculé et diffusé largement là où l’on croit que c’est un moyen d’améliorer le sort des collectivités. Des chaires de recherche y sont consacrées, des politiques publiques en font la promotion, des moyens sont mis à la disposition des citoyens afin qu’ils deviennent influents dans le développement de leur communauté. Aux États-Unis, peu après son assermentation, le président Barack Obama s’est empressé d’ouvrir un bureau de l’innovation sociale (White House Office of Social Innovation and Civic Participation to Coordinate Efforts) dans le but de trouver les initiatives les plus prometteuses pour contrer les problèmes sociaux et de les diffuser à l’ensemble du pays. À sa suite, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, croit que la crise financière et économique accroît l’importance de la créativité et de l’innovation sociale. Il dira : « La crise financière et économique a encore accru l’importance de la créativité et de l’innovation en général, et de l’innovation sociale en particulier, comme facteurs de croissance durable, de création d’emplois et de renforcement de la compétitivité. Cette réunion a contribué à forger une réflexion collective sur les moyens de promouvoir l’innovation sociale à tous les niveaux, au profit de nos citoyens comme de nos sociétés » (Déclaration du 20 janvier 2009). Au Québec, la stratégie québécoise de la recherche sur l’innovation introduit la notion d’innovation sociale pour la première fois. Mais il faudra plus, comme en témoigne la Déclaration québécoise pour l’innovation sociale, sous l’égide du Réseau québécois pour l’innovation sociale, le RQIS. La définition assez générale donnée à l’innovation sociale consiste alors à attribuer à la créativité sociale une réponse à certains besoins sociaux dans les domaines de la protection de l’enfance, de l’éducation, des moyens de transport durable, des services à domicile, des nouvelles habitudes de consommation et bien d’autres encore. L’innovation sociale repose sur un certain nombre d’acquis que montrent les projets mis en oeuvre par la société civile. Dans cette introduction, nous voudrions insister sur deux dimensions qui rejoignent les travaux présentés dans ce numéro de la revue : d’abord l’innovation sociale en tant que service aux citoyens, ensuite le processus qui conduit à la mise en place de nouveaux dispositifs relationnels entre les composantes de l’innovation sociale. Concept aux dimensions multiples, l’innovation sociale prend parfois la forme d’un service à la population qui sert l’intérêt collectif. Arrêtons-nous un instant sur cette notion à partir de l’intérêt que lui porte l’école de Lille avec les travaux précurseurs de Jean Gadrey (2003) et de Faïz Gallouj (2002). Un service est un bien immatériel, consommé là où il est produit. Il est le résultat d’une relation entre un prestataire et un bénéficiaire. C’est pourquoi l’on dira d’un service qu’il est co-produit. « Il y a production de services quand une organisation délivre le "droit d’usage" d’une capacité ou des compétences, et produit des effets utiles sur la personne ou sur ces biens » (Jean Gadrey, 2003). Le bénéficiaire est associé à la production ou à la fabrication de la prestation. Pour cela, le service, ou du moins plusieurs services, mise sur la dimension « relationnelle ». Avec l’innovation sociale, nous ajoutons que la fabrication se fait aussi en amont par des alliances entre différents acteurs qui échangent des idées, des connaissances, des ressources matérielles, financières et humaines, qui partagent …
Parties annexes
Bibliographie
- CAMPBELL, John L. (2004). Institutional Change and Globalization, Princeton, Princeton University Press, 247 p.
- COMMISSION EUROPÉENNE (2009). « Le président Barroso discute des moyens de stimuler l’innovation sociale », Communiqué de presse du 20 janvier. En ligne : IP/09/81.
- DUYMEDJIAN, Raffi et Charles-Clemens RÜLING (2011). « Towards a Foundation of Bricolage in Organization and Management Theory », Organization Studies, vol. 31, no 2, p. 133-151.
- GADREY, Jean (2003). Socio-économie des services, coll. « Repères », Paris, La Découverte, 123 p.
- GALLOUJ, Faïz (2002). « Innovation in Services and the Attendant Old and New Myth », Journal of Socio-Economics, vol. 31, no 2, p. 137-154.
- HARRISSON, Denis, Juan-Luis KLEIN et Paul LEDUC BROWNE (2009). « Social Innovation, Social Enterprise and Services », dans Faïz GALLOUJ et Faridah DJELLAL (dir.), The Handbook of Innovation and Services. A Multi-Disciplinary Perspective, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, p. 197-218.
- POL, Eduardo et Simon VILLE (2009). « Social Innovation : Buzz Word or Enduring Term ? », Journal of Socio-Economics, vol. 38, no 6, p. 878-885.