Pour en savoir plusComptes rendus

Traité de sociologie économique, Philippe Steiner et François Vatin (dir.) (2009), Paris / Presses Universitaires de France, coll. Quadrige Manuels, 800 p.[Notice]

  • Benoît Lévesque

…plus d’informations

  • Benoît Lévesque
    Professeur émérite, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal
    levesque.benoit@uqam.ca

Deux sociologues français, Philippe Steiner et François Vatin, nous livrent le premier véritable traité de sociologie économique de langue française. Cet ouvrage collectif, qui réunit une vingtaine de contributions exclusivement franco-françaises, donne un bon aperçu des principaux travaux de cette sociologie économique. Il vise principalement à établir la pertinence d’une analyse des faits économiques à la lumière de la tradition sociologique, à commencer par celle des fondateurs (Durkheim, Mauss, Simiand), en dialogue avec « la science économique elle-même ». Outre un important premier chapitre abordant « sociologie et économie en France depuis 1945 » (Steiner et Vatin, p. 12-50), l’ouvrage collectif comprend cinq grandes parties qui regroupent chacune entre trois et cinq chapitres. La première partie porte sur le fait économique comme fait social, à partir des principaux courants de pensée de la sociologique économique : la théorie de la régulation (Boyer), l’économie des conventions (Eymard-Duvernay), l’anti-utilitarisme et le paradigme du don (Caillé), l’économie des singularités (Karpik) et la sociologie économique de la monnaie (Orléan). La seconde partie traite des représentations économiques : la formation des économistes et l’ordre symbolique marchand (Lebaron), la performativité des sciences économiques (Muniesa et Callon), la gestion comme technique économique (Chapiello et Gilbert) et le calcul économique ordinaire (Weber). La troisième partie se penche sur la construction sociale des marchés en prenant successivement en considération les services aux personnes à partir des associations (Laville), l’Internet comme espace où cohabitent non-marchand et marchand (Flichy) ainsi que la marchandisation de l’humain et de la personne (Steiner). La quatrième partie concerne la concurrence comme relation sociale, soit la coopération entre concurrents (Lazega), les entrepreneurs (Zalio) et les marchés financiers sur les plans de la concurrence et de la coopération. Enfin, la dernière partie s’intéresse à l’économie comme pratique ordinaire, abordant les usages de l’argent et les pratiques monétaires (Blanc), les mesures du travail dans la production de la valeur (Bidet et Vatin) et la consommation (Dubuisson-Quellier). Pour ces divers chapitres, qui font environ une quarantaine de pages chacun, les auteurs procèdent en trois temps : d’abord, une présentation de l’objet selon une problématique bien définie, ensuite une synthèse des principales recherches réalisées jusqu’ici et, enfin, une proposition de chantiers à entreprendre. Ce qui est nouveau pour la sociologie économique, c’est la volonté de s’attaquer au noyau dur de l’économie, soit la monnaie et le marché, y compris le marché financier. Pour l’étude de ces objets, la sociologie économique ne craint plus d’interroger les postulats et les conclusions de la théorie économique standard pour proposer de nouvelles connaissances. Il n’est pas possible de rendre compte ici de chacune des contributions, ni même des cinq grandes parties. En conséquence, nous avons choisi de proposer une synthèse à partir de trois thématiques transversales qui nous semblent pertinentes pour les lecteurs d’Économie et Solidarités, soit 1) celle de la contribution de la sociologie économique à la compréhension de l’économie, 2) celle de la place du marché dans l’analyse des phénomènes économiques et 3) celle de l’articulation de l’économique et du social à partir de la notion d’encastrement. 1) Examinons brièvement deux contributions (l’une d’un sociologue, Pierre-Paul Zalio, et l’autre d’un économiste hétérodoxe, Jérôme Blanc) qui illustrent bien la nouvelle approche de la sociologie économique. Zalio, qui mène des recherches sur les petites et moyennes entreprises, commence par examiner comment les théories économiques autrichiennes caractérisent l’entrepreneur. Dans ses recherches, Zalio découvre à la fois les dispositifs qui permettent de devenir entrepreneur et la manière dont l’entrepreneur réussit à s’imposer. Ses succès résultent de sa capacité à jouer sur plusieurs cadrages sociaux et configurations organisationnelles pour « susciter ou reproduire des écarts …