Le concept de génération est couramment utilisé en sciences sociales, mais il l’est de bien des façons. Dans les travaux portant sur l’économie sociale et solidaire, la diversité des usages que l’on en fait est également large. On y parle par exemple des « diverses générations d’entreprises d’économie sociale », de « nouvelle économie sociale » ou d’« ancienne économie sociale » (Lévesque, Malo et Girard, 1999). Pour ceux et celles qui connaissent le domaine, cette façon de distinguer les générations d’économie sociale et solidaire pose sans doute peu de problèmes. Sans connaître le détail des critères qui conduisent à faire de telles distinctions, on comprend facilement, même si c’est de façon intuitive, qu’elles puissent être faites. Dans l’ensemble des écrits faisant appel au concept de « génération », cet usage n’est cependant pas le plus courant. On se sert de ce concept en lui donnant bien d’autres sens, notamment selon le champ d’activité ou de connaissance concerné (Attias-Donfut, 1991 ; Crête et Favre, 1989 ; Foot, 1999 ; Tahon et Tremblay, 2005). En sciences sociales toujours, les auteurs qui recourent au concept de « génération » le mettent parfois en parallèle avec les notions d’âge, de cohorte et de période. Il leur arrive même d’attribuer des effets particuliers à chacune d’entre elles. Si ces distinctions peuvent être utiles, elles sont aussi assez subtiles. Parler des jeunes, des adultes ou des aînés, c’est faire référence à des segments de population qui, à tel moment, n’ont pas le même âge. Il s’agit de générations démographiques. Les effets d’âge correspondent alors à ce que l’on pourrait tout simplement appeler le vieillissement, ce dernier pouvant être aussi bien individuel que démographique. Dans le cas d’une organisation, par exemple d’une entreprise d’économie sociale, la transposition est donc facile à faire. On peut simplement la qualifier, pour reprendre les termes cités plus haut, de « nouvelle » ou d’« ancienne » en se référant à sa date de création ou à la durée de son existence. Il va de soi que cette façon de qualifier une organisation n’équivaut cependant pas à parler, comme le font Lévesque, Malo et Girard (1999), de « nouvelle économie sociale » ou d’« ancienne économie sociale ». Une organisation peut fort bien être de création récente, et donc « nouvelle », tout en s’inscrivant dans une tradition d’économie sociale qui, elle, n’est pas forcément « nouvelle ». Les choses deviennent plus compliquées lorsque l’on tente de distinguer génération et cohorte : « Une cohorte est un groupe de personnes nées à l’intérieur d’un même intervalle de temps, qui se trouvent au même stade de leur vie et qui, à mesure qu’elles mûrissent et vieillissent ensemble, partagent des expériences sociales similaires » (Braungart et Braungart, 1989, p. 20). L’idée de cohorte, en d’autres mots, renvoie en partie à celle de génération (même stade de vie, vieillir ensemble…), mais aussi à celle de période (naissance à l’intérieur d’un même intervalle de temps, partager des expériences sociales…). Comme l’explique Claudine Attias-Donfut, dans les faits, il peut cependant être « extrêmement difficile de démêler effets de cohorte et effets de période » : « Les effets de cohorte ne sont jamais que l’accumulation et l’articulation entre eux des “effets de période” successifs sur cette cohorte particulière » (Attias-Donfut, 1991, p. 117). Jean-Louis Laville, dans un article paru au début des années 1990, a par exemple pu reconnaître deux « vagues de créations de coopératives de travail » qui se sont succédé en Europe au cours des années 1970-1980, la première étant « l’oeuvre de collectifs volontaires » et la seconde étant issue de l’action …
Parties annexes
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