Ce numéro sur « les enjeux de l’écoformation à l’ère planétaire » vise à présenter le concept d’écoformation. Ce néologisme est né dans les années 90 pour mettre en lumière le tiers oublié de nos existences : le monde dans lequel nous vivons. En situant le courant qui le porte, les différentes contributions apportent des éclairages sur les spécificités du concept et des démarches d’écoformation qui explorent comment les éléments naturels et les milieux sont aussi des sources de formation tout au long de la vie. « Écoformation », voilà un mot qui pourrait éveiller des représentations de formations socio-professionnelles pour adultes relatives à l'écologie ou à l'environnement. Or, non seulement le sens qu'il incarne est beaucoup plus vaste, mais il ambitionne surtout un changement paradigmatique dans le façonnage des relations terriennes, allant bien au-delà de l'apprentissage des savoirs et des savoir-faire de l'environnement. Si le préfixe éco- renvoie bien à l'oïkos grec qui signifie la maison, l'habitat (et tout ce qu'il contient), le radical formation prend l'acception la plus globale qui soit en tant que processus vital organisant la forme totale d’un être, dans son apparence, son organisation interne et son système relationnel. Le concept d'écoformation est né dans les années 1980 (Pineau, 2023) dans une triple filiation : Ce modèle heuristique tripolaire ouvrait alors une voie de recherche dans la formation du lien écologique. Nous sommes en relation d’habitat avec l’environnement. Nous sommes aussi en relation de parenté avec le monde non humain. Cependant, notre modernité a réduit cette relation à sa forme la plus distanciée, la plus utilitaire et instrumentale qui soit. La nature est exploitée comme unique ressource à nos besoins biologiques, sociaux et culturels, encore aujourd’hui, alors que s'aggravent les problèmes environnementaux et les bouleversements climatiques à l'échelle planétaire. Nos modes de vie occidentaux, dualistes, sont en train de rendre la terre inhabitable. Comment transformer ces rapports d’usage, violents et destructeurs, en rapport de sage soucieux de la durabilité de la vie (Pineau, 2023, p. 237) ? La question, loin d’être une figure de style, renvoie à la survie même de l’humanité. C'est en sachant comment l'environnement nous met en forme que nous saurons former un environnement viable et vivable. Ne serait-ce que par ce projet, l'écoformation a bien partie liée avec l'éducation relative à l'environnement. Comme l'écrit Lucie Sauvé (2009, p. 1), « l’éducation relative à l’environnement nous interpelle autour de questions vives ; elle répond à des inquiétudes majeures. Il nous faut apprendre à ré-habiter collectivement nos milieux de vie, de façon responsable, en fonction de valeurs sans cesse clarifiées et affirmées : apprendre à vivre ici, ensemble – entre nous, humains, et aussi avec les autres formes de vie qui partagent et composent notre environnement ». L’écoformation reste encore à la périphérie des théories et pratiques éducatives dominantes, d'où l'intérêt de cette publication. Car l’hypercrise écologique actuelle avec ses conséquences sociales et individuelles oblige à une révision radicale du paradigme disciplinaire et scolaire. La mondialisation bouleverse les équilibres écologiques, mais relance aussi les horizons interculturels des formations/transformations possibles. Le préfixe éco- semble être un opérateur majeur d’ouverture de ces nouveaux horizons. Sous l'angle de la recherche en ERE, l'écoformation fait partie du premier des trois axes dominants analysés par Yves Girault (2017-2018, p. 2) : « les recherches qui s’intéressent à la construction d’un rapport à l’environnement, celles qui portent de façon plus spécifique sur l’éducation à la citoyenneté et enfin, celles qui s’inscrivent dans le cadre de l’éducation au développement durable ». Savoir comment l'environnement nous met en forme est utile à toute action d'éducation ou de formation. Certains …
Parties annexes
Bibliographie
- Galvani, P., Pineau, G. et Taleb, M. (2015). Le feu vécu. Expériences de feux éco-transformateurs. Paris : L’Harmattan, collection « Écologie et formation ».
- Girault, Y. (2017-2018). De la prise en compte des problèmes socio-écologiques à l’évolution des principaux courants de recherche en éducation relative à l’environnement dans la francophonie. Éducation relative à l'environnement [En ligne], Volume 14(2). https://journals.openedition.org/ere/2727
- Lucas, A. M. (1980-1981). The role of science Education for the environment. Journal of Environmental Education, 12(2), p. 32-37.
- Moles, A. et Rohmer, E. (1977). Théorie des actes : vers une écologie des actions. Paris : Casterman.
- Morin, E., Motta, R. et Ciurana, E-R. (2003). Éduquer pour l’ère planétaire. La pensée complexe comme Méthode d’apprentissage dans l’erreur et l’incertitude humaines. Paris : Balland.
- Pineau, G. (2023). Genèse de l’écoformation. Du préfixe éco au vert paradigme de formation avec les environnements. Paris : L’Harmattan, collection « Écologie et formation ».
- Pineau, G. (1992). De l'air. Essai sur l'écoformation. Paris : Paideïa.
- Pineau et coll. (Dir.). (2005). Habiter la terre : Écoformation terrestre pour une conscience planétaire, Paris : L'Harmattan, collection « Écologie et formation ».
- Pineau, G. et Marie-Michèle (2012). Produire sa vie : autoformation et autobiographie. Tétraèdre, collection « Ré édition » (1re édition, 1983).
- Rousseau, J.-J. (1966). Émile ou de l'éducation. Paris : Garnier-Flammarion (1re édition : 1762).
- Sauvé, L. (2009). Vivre ensemble, sur Terre : enjeux contemporains d’une éducation relative à l’environnement. Éducation et francophonie, 37(2), 1–10.
- Sauvé, L. (2024). Une diversité de courants en éducation relative à l’environnement. Dans Lange, J.-M., Barthes, A. et Chauvigné, C. (Dir.). Dictionnaire critique des enjeux et concepts des Éducations à. Édition revue et augmentée. (113-124). Paris : L’Harmattan.
- Villemagne, C. (2005) Exploration du champ théorique et des méthodes de l'écoformation en relation avec l'éducation relative à l'environnement (ERE). Rapport de recherche. Document de recherche n° 6. UFR Arts et sciences humaines. Université François Rabelais de Tours.