Le concept de l’attachement aux lieux - Place Attachment - n’est pas vraiment nouveau, mais il est éminemment porteur et inspirant dans de nombreux domaines de recherche ; il désigne cet ancrage dans un territoire à la fois réel et imaginé, physiquement délimité, mais aussi symbolique, mesuré et magnifié. Ce lieu auquel on est attaché peut prendre diverses formes : un paysage, une plage, la ruelle où l’on jouait étant enfant, un jardin public. Il y a une grande part d’affectif et de subjectivité dans ce concept de l’attachement aux lieux, qui ne devrait toutefois pas être confondu avec d’autres formes similaires de rapport au lieu comme l’esprit régional ou le sentiment d’appartenance à la nation, au territoire tout entier ou au pays, qui sont certes des sentiments légitimes, et qui se manifestent par exemple par la volonté « d’acheter localement » par solidarité avec son entourage et son voisinage - et à la limite, avec ses compatriotes. Mais le sentiment d’attachement à un endroit peut également être partagé à propos d’un espace sans signification politique, historique ou patrimoniale, et même sans attrait esthétique particulier, mais uniquement parce qu’il s’agit d’un « espace » de convergence, un carrefour, voire même un point de rencontre au croisement de deux rues d’un quartier par exemple. C’est une illustration du « lieu public » au sens le plus tangible de cette expression. D’autres concepts peuvent s’apparenter à l’attachement à un endroit. Il y a près de quarante ans, Pierre Nora avait produit une somme de sept tomes sur Les Lieux de mémoire, qui faisaient intervenir sur le plan culturel et symbolique le patrimoine et l’esprit patriotique, au sens le plus noble de ce terme. Mais les travaux de Pierre Nora - davantage centrés sur l’idée de la nation et sur les commémorations - ne sont pas mentionnés dans Place Attachment : Advances in Theory, Methods and Applications. D’ailleurs, en dépit des apparences, le concept même d’attachement à un lieu ne saurait être entièrement réduit à celui de lieu de mémoire, en dépit de nombreuses similitudes et de rapprochements possibles. Ce sont deux choses distinctes, à ne pas confondre. Quoi qu’il en soit, l’attachement à un lieu peut devenir un concept pertinent pour plusieurs disciplines comme la géographie, l’urbanisme, la sociologie et la psychologie sociale, mais aussi l’éducation à l’environnement puisque dans chacun de ces domaines, il s’agit de comprendre les liens (affectifs, symboliques, traditionnels, mémoriels et souvent quotidiens) entre l’individu et son environnement (naturel et/ou bâti). Pour définir provisoirement l’attachement au lieu (Place Attachment), le texte en page frontispice (reproduit partiellement en 4e de couverture de l’ouvrage) évoque « de puissants liens émotionnels qui se forment entre les gens et leur environnement physique » (p. iii). Cette définition concise sera reprise plus loin dans différents chapitres (voir Introduction) et dans le deuxième chapitre de David Seamon (p. 29). Toutes les reformulations subséquentes de cette définition insisteront sur la dimension émotionnelle de l’attachement au lieu, associée à un lien affectif et intangible entre l’individu et un endroit donné, en débordant le cadre strict de sa maison ou de son terrain (p. 193 et p. 226). Autrement dit, l’attachement à un lieu n’est pas un acte de propriété notarié, ni un désir d’acquérir un endroit. Le livre Place Attachment : Advances in Theory, Methods and Applications se subdivise en quinze chapitres. Le premier tiers de ceux-ci façonne un cadre théorique permettant de montrer l’utilité de ce concept qui semblera peut-être difficile à cerner. Très généreux en références, le chapitre d’ouverture fait l’historique du concept et fait remonter l’émergence de l’idée …
Pour en lire plus : Conceptualiser le sentiment d’attachement à un endroit - L’attachement aux lieux[Notice]
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Yves Laberge
Université d’Ottawa