Résumés
Résumé
Cet article se donne pour objectif de comprendre, en mobilisant les cadres d’analyse de la sociologie des professions interactionnistes, le rôle des multi régulations sur l’identité des enseignants-chercheurs exerçant à l’Université d’Artois (France). L’analyse repose sur des données issues d’une enquête par questionnaire s’adressant à trois grandes catégories d’acteurs : personnels enseignants (n = 405), dont les enseignants-chercheurs au coeur de cet article (n = 105), étudiants (n = 820) et acteurs socio-économiques du territoire (n = 155). Le traitement de ces données permet de faire émerger trois grandes formes identitaires. La première se construit autour de la figure du savant : elle prend appui le plus fortement sur les missions historiques de l’université; la recherche et la démocratisation de l’enseignement supérieur sont constitutives de la deuxième forme identitaire; la troisième forme montre l’importance accordée à la formation, à la professionnalisation et à l’insertion professionnelle des étudiants. Cette figure s’ancre profondément sur son territoire, concevant l’université d’abord comme un pôle de formation.
Mots-clés :
- territoire,
- identité professionnelle,
- proximité,
- enseignants-chercheurs,
- acteurs socio-économiques
Corps de l’article
Introduction
Interroger le monde de l’université française et des universitaires sous le prisme de la question de l’identité professionnelle des enseignants-chercheurs apparaît d’autant plus pertinent que le paysage universitaire a profondément changé (Musselin, 2022), voyant les activités professionnelles de cette catégorie d’acteurs considérablement évoluer. La massification de l’université française a suscité un questionnement sur des professions établies aux prises avec de nouveaux enjeux.
Le nombre d’étudiants du supérieur est en effet passé en France de 310 000 en 1960 à 2 600 000 en 2020 sous les effets multiples d’un élargissement de l’accès au baccalauréat (diplôme conditionnant l’accès au supérieur) et de l’offre de formation du supérieur, des aspirations plus importantes à un haut niveau de diplomation auxquels s’ajoutent, sur les vingt dernières années, un accroissement du nombre d’étudiants étrangers (Dauphin, 2017; Systèmes d’informations et études statistiques, Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, 2023). Parallèlement, les effectifs des personnels universitaires, notamment ceux des enseignants-chercheurs, ont évolué à un rythme et à une adéquation plus ou moins adaptés[1].
Derrière l’augmentation des effectifs, ce sont également des éléments moins affichés, mais tout aussi impactant, qui apparaissent, comme les modifications des modalités d’enseignement ou l’allongement de l’année universitaire (Fave-Bonnet, 2003). C’est la tension entre l’activité de recherche et l’activité d’enseignement qui a donné lieu à une interrogation du poids respectif de l’une et de l’autre dans le travail de l’enseignant-chercheur (Fave-Bonnet, 2003). C’est aussi la nature de leurs liens reconstruits par les professionnels entre transmission d’un savoir disciplinaire et formations multiples devant plus répondre à une demande sociale et supposant des modifications des dispositifs pédagogiques qui est interrogée (Altet, 2004; Bireaud, 1990; Morlaix et Duguet, 2012).
Aujourd’hui, le questionnement de l’identité des enseignants-chercheurs doit se renouveler dans un contexte d’injonctions faites aux universités de se doter d’une identité spécifique et distinctive (Krücken et Meier, 2006). Cette demande est argumentée par une nécessité de positionner les universités en tant qu’acteurs pour développer des stratégies dans un environnement en mutation. Ce positionnement doit se réaliser dans un contexte où le paysage universitaire français est marqué par la multi régulation (Draelants et al. 2016) : régulations étatiques à l’origine de la création de nouvelles universités, dans le cadre du plan Université 2000; régulations territoriales puisque ces mêmes universités devaient contribuer à l’aménagement du territoire – l’impact de ces régulations s’est vu renforcé avec le plan Université du 3e millénaire[2], associant État et collectivités territoriales; régulations européennes avec la stratégie de Lisbonne qui, en 2000, s’est fixé comme objectif de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde capable d’une croissance économique durable » (Conseil Européen de Lisbonne, p. 1). Les conséquences sur le public étudiant se sont traduites par un accroissement des effectifs, face la plus visible d’un mouvement qualifié de troisième révolution scolaire pour le système éducatif français (Hugrée et Poullaouec, 2022; Rossignol-Brunet et al., 2022). Dans le cadre du programme européen pour la recherche et le développement Horizon 2020 (transformé en Horizon Europe pour couvrir la période 2021-2027), les financements se sont recentrés sur trois priorités : l’excellence scientifique, la primauté industrielle et les défis sociétaux.
Ces différentes régulations et leurs articulations contribuent à la redéfinition et aux transformations des organisations universitaires, et ce, d’autant plus fortement lorsque ces entités sont de petite et de moyenne taille. En effet, si ces modifications sont pensées par le législateur dans une volonté d’amélioration de la performance des universités, elles peuvent se traduire pour des universités aux moyens et ressources plus limités en enjeux de survie face aux concurrences locales (Grenier et Zeller, 2014). Survie en tant qu’entité autonome face aux incitations aux regroupements pour atteindre une taille suffisante permettant d’apparaître dans les classements internationaux ou survie en tant que lieux de recherche face au risque d’une « secondarisation » de petites et moyennes universités reléguées dans un rôle de diplomation des publics des milieux populaires (Avouac et Harari-Kermadec, 2021). Les enseignants-chercheurs voient leurs activités de travail et leur carrière largement impactées jusqu’à interroger le sens qu’il convient d’attribuer à celles-ci. C’est finalement l’identité professionnelle des enseignants-chercheurs dans ses processus de construction mêmes que cette nouvelle donne contribue à redéfinir.
Cet article présente les résultats d’une étude de cas, celle de l’Université[3] d’Artois, à partir de laquelle nous nous proposons de comprendre le rôle des multi régulations sur l’identité des enseignants-chercheurs et ses configurations. Nous posons l’hypothèse que la montée en puissance des acteurs socio-économiques – qu’ils relèvent de l’entreprise ou des collectivités locales – et des légitimités se référant au monde économique et social conduit à l’apparition de formes identitaires éloignées des formes historiquement valorisées au sein de la communauté scientifique. L’identité sera appréhendée comme dynamique représentationnelle, condition et conséquence de l’action, ce qui supposera une méthodologie devant moins s’attacher à la saisie d’une représentation fixée par le moment de la carrière au temps du recueil de données qu’à l’identification des ressources mobilisées et/ou mobilisables et des différentes configurations qu’elles peuvent constituer. Nous présenterons ensuite les résultats en mettant en perspective le rôle de l’établissement d’exercice et de la socialisation professionnelle (celle qui relève de l’apprentissage du métier d’enseignant-chercheur) dans la mobilisation de ressources identitaires collectives puis le rapport au métier et le poids de la socialisation académique (celle qui relève de la construction du scientifique dans une discipline) dans la structuration d’une identité individuelle. Enfin, nous analyserons les éventuels effets des régulations sur les configurations identitaires chez les enseignants-chercheurs.
1. Identités professionnelles, socialisations et enseignants-chercheurs en France
La notion d’identité traverse les disciplines scientifiques avec un degré plus ou moins important de conceptualisation. En effet, l’usage quotidien de la notion comme l’importance de son rôle social créent l’illusion d’une évidence rendant inutile un long travail de définition (Hirschman, 1980). Et, « justement parce qu’elle n’est pas anodine socialement » (Kaufmann, 2004, p. 9), le travail d’objectivation scientifique est rendu plus difficile. D’abord définie comme entité faite de stabilité et de totalité, à la suite notamment des travaux de Durkheim (1993) dans son souci d’autonomiser la sociologie des approches philosophiques et des explications « psychologiques » des faits sociaux, la notion d’identité sera de plus en plus mobilisée dans la seconde moitié du 20e siècle. À mesure de son développement, cette conception substantialiste de l’identité et, pour partie, la raison majeure de sa mobilisation se sont vues discutées jusqu’à la rupture pour aller vers l’appréhension d’une identité comme dynamique représentationnelle.
1.1 Conceptualisation de l’identité et portée heuristique pour l’interrogation du métier d’enseignant-chercheur
L’identité peut être envisagée comme un processus de définition de soi (Demazière et Dubar, 1997) dans une mise en récit. L’individu aujourd’hui est tenu à la définition de soi, du monde et de son rapport au monde. Il est tenu de définir sa singularité, de se dire à travers un récit pour soi et pour les autres et c’est un impératif d’autant plus fort pour des enseignants-chercheurs dont les étapes de la carrière sont scandées par des épisodes où la mise en scène de soi, sa qualité sont aussi normées qu’elles se doivent d’être singulières (dossiers de qualification, auditions aux concours, demandes d’avancement de carrière…). L’individu doit définir sa spécificité personnelle et doit le faire au croisement d’appartenances collectives (Kaufmann, 2004), ce qui suppose d’interroger les cadres de socialisation aujourd’hui pour comprendre ce processus. Kaufmann insiste ainsi sur la prise en compte des deux modalités qui participent de la construction sociale de l’individu. Toutes deux sont vues comme héritées d’une période historique pour s’entremêler aujourd’hui. D’abord celle qui relèverait d’une socialisation sans véritable intervention de la pensée réflexive, celle renvoyant à l’héritage des sociétés holistes où le destin social conférait le sens de la vie et où la socialisation serait intégration de valeurs et de normes. La seconde fait intervenir la subjectivité, la mise en pensée des possibles et des décisions plus ou moins conscientes sur les trajectoires.
C’est cette dernière modalité qui nous intéresse ici. Elle suppose d’accéder à l’expérience subjective des acteurs. Parce qu’elle permet de rendre compte du point de vue des différentes catégories d’acteurs, d’accéder à une expérience sociale vue de l’intérieur et à la définition de la situation par l’acteur lui-même, nous construirons notre analyse en mobilisant une approche interactionniste. L’expérience subjective de l’individu est ici conçue comme la résultante d’interactions sociales, interactions non seulement avec autrui, c’est-à-dire avec des individus physiquement présents, « mais également avec des autres plus lointains ou ayant existé comme finalement avec l’idée de quelqu’un ou de quelque chose » (Faggianelli, 2014, p. 41). L’interaction sociale ne se résume donc pas à la seule interaction face à face, mais la déborde de toute part (Hughes, 1996). Le rapport au métier des enseignants-chercheurs se construit ainsi dans les dialogues avec une idée de l’université et de la Science, à travers les interactions entre pairs et avec les autres personnels, avec les étudiants, ainsi qu’avec les autres individus et entités participant directement ou indirectement au processus de production des activités de l’enseignant-chercheur. Ce processus de construction alimente les logiques d’action des différents acteurs, chacune s’inscrivant dans un contexte spécifique. Le travail de mise en récit de soi par le sujet se mène sous le regard d’autrui, qui les infirme ou les certifie. Ce qu’il dit de lui est conditionné par le fait qu’il le réalise avec les autres, pour les autres, quand bien même ces contraintes extérieures pourront se voir intériorisées par leur transformation en impératifs personnels.
1.2 Les identités collectives comme ressources identitaires des enseignants-chercheurs
Il convient de comprendre comment s’insèrent dans ce modèle les identités collectives. Celles-ci sont souvent dites par les acteurs comme des réalités préexistantes et constitutives d’eux-mêmes se confondant finalement avec des instances de socialisation stables. Mead (2006) montrait pourtant déjà comment l’identification au groupe pouvait relever de l’intention en offrant par exemple un recours devant permettre de posséder une plus grande personnalité. Les identifications collectives seront ainsi pensées comme partant de soi et agissant sur soi en ne se référant « pas toujours à des appartenances lourdement organisées et durables. Elles ressemblent au contraire souvent à des prétextes très ponctuels » (Kaufmann, 2004, p. 123). La conception d’une identification collective se construisant sur des critères culturels unificateurs, fussent-ils locaux, résiste en effet assez mal à l’analyse approfondie. C’est bien plus les confrontations, la lutte politique, les volontés du pouvoir qui instituent les identités collectives (Castel, 1995). Une dynamique créatrice que l’on retrouve de manière très affirmée dans les organisations de travail. Celles-ci vont ensuite les donner à voir de façon substantielle. Dans les entreprises, cette construction identitaire, impulsée par les DRH (Directions de ressources humaines), passe par la définition d’une culture professionnelle faite de valeurs présentées comme spécifiques à l’entreprise, d’un construit historique, de logos et codes couleurs jusqu’à parfois la création d’un hymne (Francfort et al., 1995). Les identités collectives constituent ainsi ce que Kaufmann nomme des ressources identitaires fonctionnant comme des instruments pour l’individu, fournissant références éthiques et cognitives, l’énergie de l’action et l’estime de soi (Kaufmann, 2004). Il s’agit alors de se donner les moyens méthodologiques d’identifier les ressources identitaires mobilisées et mobilisables par les enseignants-chercheurs et les différentes configurations qu’elles peuvent constituer à travers leur articulation.
La littérature scientifique nous montre des universités qui ne peuvent être de simples ensembles de mise en oeuvre technique permettant la production, mais des systèmes sociaux (Dumay et al., 2015). La question de leur identité propre se pose alors dans un contexte paradoxal de déclin des institutions (Dubet, 2002) et de renforcement de leurs prérogatives au détriment des organisations nationales. En effet, le positionnement des universités comme ressources identitaires des enseignants-chercheurs est bien moins une évidence en France qu’en Amérique du Nord ou que dans d’autres pays européens. Les universités françaises se situent aujourd’hui entre les structures organisationnelles nationales et la tradition de la « faculté », ces deux niveaux se montrant plus fortement organisés par les disciplines scientifiques. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU) leur accordant une autonomie budgétaire, une autonomie dans la gestion des personnels, dans leur recrutement de manière croissante, et les engageant à devenir propriétaires des biens immobiliers ne date que de 2013. Nous avons mentionné plus haut à travers l’évolution des recherches françaises sur les enseignants-chercheurs une partie des transformations des politiques publiques en matière d’enseignement supérieur et d’organisation de la recherche. Draelants, Dumay et Dahan (2016) voient ces transformations constituer une injonction à une identité organisationnelle. Celle-ci doit permettre le développement de stratégies en modelant les universités en « organisation rationnelle ».
Pour autant, cette identité organisationnelle ne s’impose pas dans des universités qui étaient dépourvues de toute identité, mais tend à se substituer à une identité traditionnelle qui relevait d’une identité institutionnelle. Draelants, Dumay et Dahan (2016) rappellent ainsi que progressivement, les universités ont eu à développer des outils de gestion de leurs ressources, à chercher des financements complémentaires hors dotations des pouvoirs publics. Elles ont été incitées par le pouvoir politique à prendre part à l’économie de la connaissance à travers des politiques éducatives ambitionnant d’être des leviers économiques et une recherche devant participer à la compétitivité économique à travers l’innovation, que celle-ci se joue au niveau régional, national ou international. L’inflation des certifications a de son côté contribué à la concurrence entre les universités. De plus,
L’introduction de nouveaux modes de gestion et d’évaluation de la recherche et des formations, l’appel à une articulation plus étroite entre le monde universitaire et le tissu économique local, la publication très médiatisée des classements internationaux sont en effet autant de défis auxquels les universités contemporaines font face
Draelants et al., 2016, p. 1
Ajoutons que cette incitation se porte sur des organisations universitaires locales aux contours mouvants. Elles peuvent voir en effet des entrées ou sorties de composantes, des parcours de formation partagés entre universités différentes. Les rapprochements entre universités avec la création d’entités visant à l’union plus ou moins forte de plusieurs universités avec, le cas échéant, d’autres types d’établissements du supérieur à travers des alliances, des communautés, sont fréquents et dotés d’une espérance de vie plus ou moins longue.
Ce sont les conséquences de ces nouvelles régulations visant à faire des universités des organisations rationnelles dotées d’une identité propre que nous cherchons à appréhender dans ce qu’elles donnent à voir comme ressources à la construction d’identités professionnelles des enseignants-chercheurs. C’est en particulier le développement des liens avec les acteurs économiques locaux que nous interrogerons, en posant que ces liens, par leur existence et leur nature, sont potentiellement appelés à constituer des ressources mobilisables pour la construction d’identités professionnelles des enseignants-chercheurs. Celles-ci, dans leur manière de se combiner avec les ressources qu’offraient et qu’offrent encore l’université comme institution, produiront des configurations différentes.
2. Une enquête par questionnaire
Les données ont été recueillies dans une université française que l’on qualifierait de petite ou moyenne taille suivant les références : l’Université d’Artois. Celle-ci compte, au moment de l’enquête, un peu plus de 10 000 étudiants distribués sur 5 sites du nord de la France (Arras, Béthune, Douai, Lens et Liévin) (voir également infra pour une présentation plus détaillée de l’établissement). L’enquête par questionnaire a concerné trois populations : les étudiants (n = 820), les personnels (n = 405), dont les enseignants-chercheurs (n = 105, soit le tiers de la population mère qui s’élève à 318)[4], et les acteurs économiques (n = 155). La catégorie « personnels » est constituée des personnels administratifs, techniques et enseignants. Les enseignants relèvent de plusieurs statuts en plus des enseignants-chercheurs : les doctorants vacataires, les doctorants ou jeunes docteurs attachés temporaires de recherche et d’enseignement, des vacataires recrutés parmi les professionnels d’un secteur, des enseignants du premier et second degré (fortement présents dans la composante de formation des professeurs des écoles et dans les composantes participant à la formation des professeurs des lycées et des collèges). La population des acteurs économiques du territoire a été ciblée parce que relevant de deux secteurs d’où sont issus deux « clusters » au sein desquels l’Université d’Artois est membre fondateur : le cluster Senior (secteur du sanitaire et du social), et le cluster Pôle numérique culturel Louvre Lens Vallée (secteur culturel). Les clusters sont des réseaux d’entreprises relevant d’un même segment de marché et fortement ancrées localement pouvant associer des collectivités locales et des universités en vue de contribuer à des innovations. Trois questionnaires ont été réalisés dans un projet scientifique plus large sur l’identité de l’Université d’Artois. Ils sont constitués pour partie de questions identiques (celles que nous traiterons ici) et de questions spécifiques à la population interrogée. La passation du questionnaire s’est déroulée majoritairement en ligne, puis en face à face pour obtenir une représentativité par site au regard des effectifs des populations mères.
Il s’agissait d’accéder à l’expérience subjective des enseignants-chercheurs, et donc à leur définition de soi. Cette définition de soi est le produit d’interactions s’inscrivant dans des situations et contextes de travail, s’actualisant dans des pratiques et dans des jeux de rôles, ces dimensions entrant – ou non – en tension avec les conceptions du métier et les finalités attribuées à l’université et à la Science. Elles mobiliseront – ou non – certaines ressources identitaires collectives. Ce sont 80 questions se distribuant dans les cinq dimensions suivantes qui ont été posées : « vous et l’université », « vos activités professionnelles », « vos pratiques d’enseignement », « vos relations avec les acteurs du territoire » et « votre parcours ». L’objectif du recueil de données auprès de cette population était d’analyser les interactions avec les enseignants-chercheurs et leur rôle dans la définition de soi de ces derniers.
Les données ont été traitées avec le logiciel Sphinx IQ. Le traitement est quantitatif, donnant lieu à des tris à plat et croisés ainsi qu’à des analyses factorielles des correspondances (AFC). Ce dernier type de traitement a particulièrement été utile pour dégager des formes identitaires, formes qui sont présentées dans la partie suivante. Le traitement repose également sur des données qualitatives, des questions ouvertes ayant été insérées dans le questionnaire. Des analyses lexicales et sémantiques ont pu être réalisées et les résultats sont exposés ci-après sous la forme de nuages de mots. Les données qui sont présentées mettent en avant des résultats significatifs, au travers d’un faisceau d’indicateurs convergents, issus des résultats relatifs aux 80 questions du questionnaire complétées par les enseignants-chercheurs et le croisement des questions communes posées à chacune des trois catégories d’acteurs enquêtés. Les résultats de ces traitements sont cependant à considérer avec prudence au vu, d’une part, du nombre de répondants et, d’autre part, du nombre de non-réponses.
3. Ressources identitaires des enseignants-chercheurs et tensions entre catégories d’acteurs
La nécessité aujourd’hui pour l’acteur de produire du sens sur ses pratiques sociales n’épargne pas un monde social aussi pluriséculaire que l’université. Dubet rappelle en effet que les conduites individuelles et collectives sont aujourd’hui dominées par l’hétérogénéité de leurs principes constitutifs conduisant les acteurs à construire « le sens de leurs pratiques au sein même de cette hétérogénéité » (1995, p. 15). Les enseignants-chercheurs sont également soumis à une pluralité de principes générateurs des pratiques professionnelles. Ceux-ci peuvent se révéler potentiellement contradictoires et supposent un travail de construction. Construction du sens de ces actions et nécessité d’une mise en récit leur donnent une cohérence personnalisée et doivent être mises en scène régulièrement au travers de moments qui jalonnent la carrière. Les questions sur les missions de l’Université d’Artois et sur les mots associés à celle-ci permettent d’obtenir les indicateurs du sens attribué par chacun, sens qu’en retour les acteurs mobilisent pour définir leur identité. Le sens attribué par les autres catégories d’acteurs (autres personnels de l’Université d’Artois, étudiants et acteurs socio-économiques) montre que chacun ne construit pas du sens isolément, dans une forme de vide social, mais avec les autres, adoptant le leur, ou le discutant, dans l’intention de faire corps ou de se distinguer.
Dans chacun des trois questionnaires, la question suivante était posée : « Quels sont les mots auxquels vous pensez pour qualifier l’Université d’Artois ? (3 mots maximum) ». L’analyse lexicale et sémantique réalisée à partir du logiciel Sphinx IQ permet d’obtenir le nuage des mots utilisés par les enquêtés (Figure 1). Ces derniers – les personnels de l’université, tout comme les étudiants et les acteurs du territoire – définissent l’établissement comme une université de proximité, associant fortement cette spécificité à la qualité des relations humaines et à la qualité de la formation.
Figure 1
Qualifications de l’Université d’Artois selon les catégories d’acteurs. Aperçu lexical et sémantique[5] (personnels de l’Université d’Artois n = 405, acteurs du territoire n = 155, étudiants n = 820)
Ce premier traitement a été affiné pour appréhender les éventuelles spécificités des qualificatifs de l’établissement selon les catégories de personnels. Une ligne de tension apparaît alors entre les enseignants-chercheurs et les autres catégories de personnels : les premiers évoquent massivement la recherche alors que les autres mentionnent significativement la formation et l’enseignement. C’est d’ailleurs la recherche que les enseignants-chercheurs disent apprécier le plus (53,8 % contre 28,8 % pour l’enseignement), tout en indiquant qu’ils sont amenés à donner la priorité à l’enseignement étant donné la charge de travail qui y est associée[6]. En outre, lorsque l’on demande aux enseignants-chercheurs à quelles activités professionnelles ils aimeraient donner la priorité, 43,5 % d’entre eux indiquent la recherche contre 21,7 % pour l’enseignement. Les caractéristiques du public étudiant qui est accueilli, un public de proximité constitué à près de 45 % de boursiers, tout comme l’augmentation de leur nombre (près de 3 000 de plus en 10 ans), permettent de comprendre, au-delà d’une évolution du ratio enseignant-chercheur/étudiant, cette charge de travail. La proximité, si elle est associée dans un premier temps à des termes mélioratifs, recouvre donc également une autre réalité liée à la spécificité des publics accueillis, entravant l’activité de recherche, activité qui reste la plus valorisante pour les enseignants-chercheurs.
L’analyse de la définition des missions que devrait assurer l’établissement par ces derniers permet d’identifier d’autres tensions. Les enquêtés ont eu à classer par ordre d’importance jusqu’à trois missions que leur université devrait se donner prioritairement dans les prochaines années parmi les dix propositions listées dans le questionnaire (Figure 2). Un item « autre » était également proposé, suivi d’une question ouverte permettant d’apporter des précisions. Seuls deux répondants ont sélectionné cet item. Nous ne l’avons donc pas fait apparaître. Le graphique de la figure 2 présente le classement en fonction du score d’importance résultant du classement des missions.
« Assurer un enseignement de haut niveau » et « assurer à la recherche les conditions de son développement international » font partie des missions prioritaires pour les enseignants-chercheurs ; elles sont à mettre en lien avec les missions institutionnelles historiques de l’université : la production et la transmission de connaissances, la dimension de l’internationalisation donnant à voir le rôle croissant des régulations européennes et internationales dans une société de la connaissance. L’enseignement de haut niveau apparaît également en premier pour les acteurs du territoire et en second pour les personnels de l’établissement.
Pour ces derniers, la première mission est d’ajuster l’offre de formation aux besoins du monde du travail (mission qui arrive également en deuxième par ordre de fréquence pour les acteurs du territoire) et en troisième mission, « accompagner les étudiants vers la réussite du plus grand nombre ». On voit ici le poids des régulations étatiques attribuant un rôle spécifique aux universités « de proximité ». La mise en avant de ces missions est en effet à appréhender dans l’histoire de la création de l’Université d’Artois[7] et de ce qui a été nommé en France les universités nouvelles. La fin des années 1980 et le début des années 1990 ont été marqués par une vague de création d’universités sur le territoire français dans la conjonction d’intérêts de plusieurs catégories d’acteurs, comme le montre Filâtre (1994). Les nouvelles contraintes produites par la globalisation de l’économie ont amené l’État à vouloir répondre à un coût peu compétitif de la main-d’oeuvre locale par l’innovation en développant le niveau de formation de la population. Pour l’université, la massification du supérieur – en particulier du premier cycle – ne parvient pas à être absorbée par les sites existants. Pour les collectivités locales, dotées de compétences accrues depuis les lois du début des années 1980 concernant la décentralisation du pouvoir politique et la déconcentration des administrations, l’objectif est de se positionner comme acteur du développement pour le 21e siècle en investissant dans les infrastructures réputées favorables, dont celles accueillant l’enseignement supérieur. L’Université d’Artois est ainsi créée en 1992 dans l’actualisation locale de ces enjeux : alléger la pression des effectifs d’étudiants sur les universités de la capitale régionale, Lille, et contribuer au développement du territoire arrageois face à la reconversion du bassin minier.
C’est ainsi que la préoccupation de la réussite du plus grand nombre est un des indicateurs émergents dans le classement des priorités attribuées à l’établissement par ses personnels. L’ajustement de l’offre de formation au monde du travail constitue, quant à lui, un indicateur de l’ouverture de l’université à son territoire. Elle se caractérise sous l’angle économique (et très peu sous l’angle de la cohésion sociale) et sous l’angle de la formation (la recherche étant loin derrière). L’université apparaît ainsi comme devant être au service de son territoire en fournissant des travailleurs qualifiés. Ces missions arrivent aux 3 et 4e rangs pour les enseignants-chercheurs ; pour eux l’établissement doit être en premier lieu au service des connaissances, de leur production à leur transmission, à l’instar des missions historiques de l’université.
Figure 2
Missions prioritaires attribuées à l’Université d’Artois pour les années à venir selon chaque groupe d’enquêtés (personnels Université d’Artois n = 405, enseignants-chercheurs n = 105, acteurs du territoire n = 155)
Lecture : Les premiers chiffres de la série indiquent que 56,9 % des enseignants-chercheurs estiment que l’Université d’Artois devrait tenir comme mission prioritaire dans les années à venir d’« assurer un enseignement de haut niveau » contre 51 % pour l’ensemble des personnels de l’Université d’Artois et 56,3% des acteurs du territoire
En lien avec ces missions historiques, la recherche apparaît comme une donnée structurante de leur identité pour les enseignants-chercheurs, contrairement aux autres catégories d’acteurs. Cette spécificité ne relève pourtant pas de l’exercice de la recherche hors les murs, dans des laboratoires des grandes métropoles régionales, comme Levy, Soldano et Cuntigh (2015) en font le constat. L’Université d’Artois a 17 laboratoires de recherche, dont 6 relèvent de structures régionales. Mission historique de l’université, la recherche est portée fortement par l’établissement dans une politique visant à maintenir ses enseignants-chercheurs dans ses laboratoires propres ou, à défaut, dans une entité visible au sein de laboratoires régionaux, jusque dans l’attribution des promotions. L’enjeu de l’établissement est de rester une université de plein exercice, c’est-à-dire ayant la double mission d’enseignement et de recherche, ce qu’il revendique. Pour autant, le nombre de doctorants est très faible, s’élevant en 2021, à 192 doctorants (Observatoire de la vie étudiante, Université d’Artois, 2021). Ils ne permettent pas de donner une visibilité à la recherche.
Une ligne de tension semble ainsi apparaître entre les missions attribuées par les acteurs du territoire à l’établissement d’exercice s’appuyant sur la proximité et le marché du travail, et les missions de l’université et du métier d’enseignant-chercheur, reposant sur la recherche, son développement à l’international et l’enseignement de haut niveau.
4. Socialisation de métier, socialisation d’établissement et formes identitaires des enseignants-chercheurs de l’Université d’Artois
Le choix des missions que devrait avoir l’Université d’Artois et leur classement apparaissent comme des porte-identités, c’est-à-dire des éléments organisés et stables pouvant structurer l’identité (Goffman, 1975; Kaufmann, 2004); les mots associés à l’établissement représentent le sens donné à l’université, mobilisés en retour par les acteurs pour donner sens à leurs activités. Les enseignants-chercheurs s’en saisissent différemment. Nous avons étudié ce que doit cette mobilisation différenciée aux variables suivantes : l’âge, le genre, la discipline scientifique, le site d’exercice et l’ancienneté. En ce qui concerne l’âge, seuls 2 des répondants ont moins de 30 ans, la moyenne d’âge s’élevant à près de 47 ans. Le croisement des variables âge avec missions ne permet pas de faire émerger une statistique significative, que ce soit en ce qui concerne l’ordre d’importance des missions ou de la mission à laquelle est accordée le plus d’importance. Pour ce qui est du genre, plus de 77 % sont des hommes, la place des sciences dites dures expliquant en grande partie ces spécificités (cette surreprésentation se retrouve dans la population mère). Là aussi, la relation n’est pas significative avec la variable missions. Le croisement avec la discipline scientifique montre une relation, mais elle reste peu significative. La pluridisciplinarité de l’établissement et le faible nombre d’enseignants-chercheurs par discipline ne permettent pas de tirer de l’échantillon des enseignements à partir de ce type de traitement, la population mère par discipline étant par ailleurs trop faible.
En revanche, le croisement des variables missions et sites d’exercice est très significatif lorsque l’on prend en compte la mission qui arrive en premier par ordre d’importance (Figure 3). L’ancienneté élevée (la moyenne atteint près de 19 ans, et seuls 4 répondants ont moins de 5 ans d’ancienneté) permet l’inscription d’une socialisation secondaire dans la durée ; elle apparaît fortement différenciée selon les sites d’exercice. Assurer un enseignement de haut niveau reste cependant central, ainsi que l’ajustement de l’offre de formation au monde du travail. Les sites d’Arras et de Liévin se distinguent par la mission de démocratisation de l’enseignement supérieur sur le territoire sous l’angle de la cohésion et du développement territorial; à l’opposé, le site de Béthune montre un lien étroit avec l’économique, que ce soit en termes d’insertion professionnelle des étudiants ou de celui d’un développement partenarial au niveau de la recherche; à proximité, le site de Lens se distingue par la mission « assurer à la recherche les conditions de son développement international ». Le site de Douai met en avant une mission très spécifique en lien avec l’Université ouverte et l’Université pour tous.
Figure 3
Les missions prioritaires en fonction du site d’exercice des enseignants-chercheurs de l’Université d’Artois (enseignants-chercheurs n = 105)
Cette différenciation des missions selon les sites s’explique par une double spécificité : en matière de formation, d’une part, et en matière de recherche, d’autre part. Les sites d’Arras et de Liévin rassemblent des formations générales en sciences humaines et sociales; le site d’Arras est par ailleurs le plus important et réunit le plus grand nombre de boursiers. Le site de Béthune regroupe un institut universitaire de technologie (IUT) et une faculté des sciences appliquées délivrant des formations professionnalisantes dans un partenariat étroit avec les partenaires économiques du territoire, tant en formation que dans le développement de la recherche appliquée. Un autre IUT et, surtout, les formations relevant des sciences et technologies sont localisés sur le site de Lens. Les laboratoires qui y sont implantés sont centrés sur la production de connaissances fondamentales en sciences dites « dures ». On ne peut donc pas évoquer un « effet site » à l’image d’un « effet établissement » tant ces sites peuvent se distinguer par les disciplines qu’ils offrent. La distribution des missions en fonction des sites prend son sens dans ces différenciations disciplinaires.
L’AFC ci-dessous (Figure 4) permet de distinguer des configurations identitaires spécifiques et le lien qu’elles entretiennent avec un ou plusieurs types de régulations. Elle est issue d’une analyse multivariée, une classification ascendante hiérarchique n’étant pas possible au vu de la base de données (faibles effectifs et beaucoup de non-réponses). Elle est construite à partir du traitement de trois questions : la première porte sur les missions prioritaires que devrait avoir l’Université d’Artois, selon leur ordre d’importance, la mission classée en premier se voyant octroyer un poids plus important (identité visée, combinant socialisation académique et socialisation professionnelle); la deuxième concerne la discipline scientifique (et, en arrière-plan, la socialisation académique et les processus de production de la recherche); la dernière a trait au site d’exercice au sein de l’établissement (en lien avec la socialisation professionnelle relevant de l’établissement d’exercice). L’AFC explique 71,82 % de la variance cumulée sur les axes 1 et 2. Les modalités « développer des partenariats entre le monde de la recherche et le monde économique » et « accompagner les étudiants pour la réussite du plus grand nombre » structurent l’axe 1. Les modalités « assurer un enseignement de haut niveau » et « ajuster l’offre de formation au monde du travail » structurent l’axe 2.
La lecture de l’AFC et l’analyse des contributions de chaque variable sur les axes 1 et 2 permettent de faire émerger trois grandes formes identitaires. Une première apparaît du côté négatif de l’axe 2 autour de l’image du scientifique s’ancrant sur trois grandes missions : « assurer un enseignement universitaire de haut niveau », « développer des partenariats entre le monde de la recherche et le monde économique » et « assurer à la recherche les conditions de son développement international ». Cette forme identitaire est la plus ancrée sur l’image du savant, l’enseignement de haut niveau étant ici un moyen de diffuser les connaissances issues de la recherche, mais la recherche étant clairement affirmée comme le coeur de métier. Une deuxième figure se construit également sur cette dernière mission (« assurer à la recherche les conditions de son développement international »), mais en se combinant à la mission « accompagner les étudiants pour la réussite du plus grand nombre ». C’est ainsi une conjonction du prestige académique et d’une utilité sociale qui se dessine. Ce qui est repris ici est la dimension du métier d’enseignant-chercheur dans sa dimension jugée la plus prestigieuse, la recherche, et la mission de démocratisation de l’enseignement supérieur pouvant enrichir le contenu d’un mandat de la profession (Hughes, 1996). C’est d’ailleurs cette mission de démocratisation qui a été très largement à l’origine de la création des universités nouvelles. Du côté positif de l’axe 2, une troisième forme identitaire apparaît montrant l’importance accordée à la formation, à la professionnalisation et à l’insertion professionnelle des étudiants. Cette figure s’ancre profondément sur son territoire, concevant l’université d’abord comme un pôle de formation.
Figure 4
Socialisation de métier, socialisation d’établissement et formes identitaires (enseignants-chercheurs n = 105)
Remarque : les numéros correspondent aux sections CNU. Afin de ne pas alourdir la représentation visuelle, les disciplines correspondantes sont indiquées en annexe.
On voit ainsi comment valeurs académiques et valeurs de l’établissement composent l’identité des enseignants-chercheurs, la définition de soi se développant dans la mise en tension de rôles relevant de cadres de socialisation différents. La socialisation universitaire première renvoie à l’idée générale de l’université et de la Science, faisant du savoir, de son processus de production (la recherche) et de diffusion (l’enseignement de haut niveau) le coeur de métier. Ces éléments identitaires restent premiers même s’ils reposent sur des conceptions de la science et des scientifiques diversifiées, ainsi que les formes identitaires présentées ci-dessus le laissent entrevoir. Ces conceptions s’offrent aujourd’hui comme un possible renforcé par leur prise en compte dans les processus d’évaluation de la recherche (Gozlan, 2015). La socialisation professionnelle se construit dans l’établissement d’exercice caractérisé par les spécificités sociales de son public, les caractéristiques socio-économiques de son territoire et les attentes territoriales en termes de montée en qualification, faisant de l’Université d’Artois d’abord un pôle de formation.
Les acteurs du territoire, en particulier les collectivités locales, ne constituent pas un bloc monolithique dans leurs attentes à l’endroit de l’université. Niveau de compétences et spécificités locales dessinent les contours d’attentes distinctes. Les villes moyennes peuvent être en quête d’institutions d’enseignement supérieur. Les villes centres, capitales de région, cherchent à développer leur position d’attractivité lorsqu’elles ne sont pas en rivalité avec les anciennes capitales de région[8]. De leur côté, les régions ont à arbitrer entre concentration des moyens et équilibres territoriaux. De nombreuses configurations se sont ainsi dessinées et transformées. La tendance première a été un mouvement de dispersion des structures administratives pour aller vers une logique d’association pour satisfaire à une visibilité locale. Filâtre en 1994 notait déjà qu’
entre les partenaires, villes moyennes, départements, grandes villes, les négociations s’opèrent sur la base de la complémentarité et de la concurrence : selon que l’enjeu glisse d’un niveau territorial à l’autre, les logiques d’acteur et les alliances qui en résultent conduisent à un système complexe à géométrie variable où l’enjeu universitaire peut s’appauvrir, voire se trouver confiné à une dimension utilitariste si ce n’est d’opportunité politique
1994, p. 47
Le maillage territorial apparaît multiforme, concernant tant « l’adaptation de la formation à la demande locale que celle de la recherche à des thématiques régionales » (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, 2014, p. 12).
Sur les 105 enseignants-chercheurs interrogés, 88 déclarent avoir des partenaires socio-économiques. Dans le cas de l’Université d’Artois, ces relations sont surtout développées avec les collectivités locales ou l’État (pour 78,4 % des enquêtés), puis le secteur privé (69,3 %) et enfin avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire (23,9 %). Pour 53,4 % des enquêtés, il s’agit déjà de « répondre aux besoins de formation des étudiants ». « Répondre aux demandes des partenaires territoriaux » et « obtenir des financements » sont les raisons qui arrivent toutes deux en seconde position avec 38,6 % des réponses des enquêtés, suivies de très près par « favoriser une diffusion des résultats de la recherche » (37,5 %). Les acteurs du territoire, publics ou privés, se constituent en acteurs apportant leurs attentes en termes de formation et de recherche. Par leurs possibilités de financement (thèses financées, programmes de recherche…), ils contribuent à orienter la production scientifique sur des thèmes. Que ces thèmes soient de simples déclinaisons des orientations européennes et nationales ou plus situées localement lorsqu’il s’agit de collectivités territoriales, ou qu’ils répondent à des demandes de connaissances situées lorsqu’il s’agit d’acteurs privés, les acteurs du territoire sont peu sensibles aux enjeux spécifiques des disciplines scientifiques et beaucoup plus prompts à promouvoir des approches multidisciplinaires.
Ces logiques d’acteurs se croisent au sein de partenariats qui se multiplient en quantité comme en forme. Pour n’en donner que les exemples les plus significatifs, le pourcentage de professionnels en formation s’élève au minimum à 25 %; l’alternance a par ailleurs considérablement augmenté : le pourcentage d’apprentis est passé de 5,8 % en 2020-2021 à 9,8 % en 2022-23. Cette modalité permet aux étudiants de se forger une expérience professionnelle d’au moins 400 heures en entreprise. Ces liens se déclinent également avec la participation de l’établissement à des clusters ou en tant que membres décisionnaires et/ou fondateurs : le cluster Senior, celui de Louvre Lens Vallée (Pôle numérique culturel), ou encore le cluster Sport santé bien-être Vivalley. Le déploiement des conseils de perfectionnement dans l’ensemble des composantes permet de donner un rôle effectif aux professionnels quant aux formations. Un Observatoire stratégique des formations a également été créé. Organe intermédiaire entre le Conseil des composantes et la Commission formation et vie universitaire, il inclut des représentants du monde socio-économique qui participent à la définition stratégique de l’offre de formation.
Si les relations sont majoritairement perçues comme faciles avec les acteurs du territoire et réciproquement, plus de 30 % des enseignants-chercheurs estiment cependant qu’elles sont plutôt difficiles (contre 13,3 % des acteurs socio-économiques), comme en témoignent ces verbatim de réponses aux questions ouvertes : « Chacun est dans son monde »; « Cela prend des années à se construire »; « […] n’ayant pas forcément la même logique de priorités. Pour le privé, l’argent passe avant tout » ; « Tous ne voient pas les intérêts de travailler ensemble ». La qualité des relations diffère selon les motifs de partenariat et le secteur d’où sont issus les partenaires (public, privé, ou économie sociale et solidaire). Le traitement des données montre qu’elles apparaissent les plus difficiles lorsque le partenaire est issu du secteur privé et qu’il s’agit d’obtenir des financements (par exemple de thèses). Elles sont les plus faciles lorsque le partenaire est issu du secteur public ou de l’économie sociale et solidaire, et qu’il s’agit de répondre aux demandes permettant d’obtenir de part et d’autre une reconnaissance : reconnaissance universitaire avec une intégration institutionnelle des partenaires (par des conventions, par exemple), crédibilité professionnelle grâce aux liens construits avec le partenaire (dans le cadre de clusters, par exemple). Les acteurs du territoire peuvent alors devenir des « autrui significatifs » contribuant à modifier les configurations identitaires.
Conclusion
Notre objectif était d’analyser les éventuels effets des régulations sur l’identité des enseignants-chercheurs exerçant à l’Université d’Artois ; université de petite ou de moyenne taille en fonction des références de classification choisies. C’est l’identité conçue comme expérience subjective en interaction avec les autres catégories d’acteurs et l’idée de ce que devraient être l’université et les missions de l’enseignant-chercheur que nous avons voulu appréhender, selon une approche interactionniste. Un questionnaire a été élaboré à cette fin; si le taux de réponse représente un tiers de la population mère des enseignants-chercheurs de l’université enquêtée, leur nombre n’est cependant pas très élevé et c’est là une limite de cette recherche. Pour autant, même si la mesure de leur poids relatif supposerait d’être affinée, des tendances sont identifiables. Aux possibilités de recomposition identitaire produites par les mouvements successifs de massification du supérieur et ses nécessités de réarticuler les liens recherche-enseignement au sein des universités, un déplacement significatif est ici repérable : du projet relevant de la sphère scientifique à celui répondant à la demande socio-économique se construisant dans une tension entre internationalisation de la recherche et coopération territoriale sur fond de conflits de valeurs, entre excellence scientifique et besoin économique ou social.
S’appuyant sur ces sources de reconnaissance émergent de nouvelles formes identitaires, s’éloignant des figures identitaires qui s’ancrent sur un socle académique historique, voyant perdre en puissance un « porte-identité » déterminant, les enseignants-chercheurs se trouvent ainsi pris entre des échelles de légitimité, et donc d’évaluation concurrente (Faure et al., 2005), conduisant à des recompositions identitaires. L’acceptabilité de ces recompositions repose notamment sur une dimension stratégique, devant, bien souvent, conjuguer l’obtention de financements et l’obtention de reconnaissance auprès d’acteurs devenus multiples. On le voit ici, si certaines de ces formes identitaires ont à se construire sur les spécificités d’un territoire, d’une université et des liens qu’ils peuvent construire, leur caractérisation n’exclut pas leur émergence dans de « grandes universités ». Un travail de comparaison entre universités discriminées par leur territoire économique et social, leur taille et leur position dans un marché local de l’enseignement supérieur et de la recherche, permettrait une interrogation du poids relatif de chacune de ces formes identitaires et d’identifier ainsi les spécificités des petites et moyennes universités au-delà de la spécificité de leur ancrage territorial.
Parties annexes
Annexe
Sections Conseil National des universités et disciplines apparaissant sur la figure 4
02 Droit public
05 Sciences économiques
06 Sciences de gestion
07 Sciences du langage : linguistique et phonétique générales
09 Langue et littérature françaises
12 Langues et littératures germaniques et scandinaves
14 Langues et littératures romanes : espagnol, italien, portugais, autres langues romanes
15 Langues et littératures arabes, chinoises, japonaises, hébraïques, d’autres domaines linguistiques
21 Histoire, civilisation, archéologie et art des mondes anciens et médiévaux
22 Histoire et civilisations : histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain, de l’art, de la musique
23 Géographie physique, humaine, économique et régionale
25 Mathématiques
27 Informatique
31 Chimie théorique, physique, analytique
32 Chimie organique, minérale, industrielle
60 Mécanique, génie mécanique, génie civil
61 Génie informatique, automatique et traitement du signal
63 Génie électrique, électronique, photonique et systèmes
74 Sciences et techniques des activités physiques et sportives
Notes
-
[1]
Par exemple, sur la période 1990-2016, le nombre d’étudiants du supérieur en France a augmenté de 52 %. Entre 1992 et 2016, l’effectif des enseignants-chercheurs a lui augmenté de 48,5 %. Les effectifs non titulaires (enseignants du second degré, attachés temporaires d’enseignement et de recherche…) ont eux augmenté de 77 % (Bideault & Tourbeaux, 2017).
-
[2]
Pour des compléments sur l’intention du législateur à travers ces deux plans de transformation de l’université française : https://www.senat.fr/rap/r02-241/r02-24156.html.
-
[3]
Nous indiquerons université avec un U majuscule lorsqu’il s’agit de l’établissement d’exercice, c’est-à-dire l’Université d’Artois, et avec un u minuscule lorsqu’il s’agit de l’institution.
-
[4]
Répartis ainsi : 34 PR et 71 MCF.
-
[5]
Les champs sémantiques sont documentés par les concepts détaillés – le nuage représente les principaux mots-clés (tailles proportionnelles au nombre d’occurrences des termes).
-
[6]
On retrouve dans nos données la valorisation de la recherche par les enseignants-chercheurs soulignée dans la revue de littérature quand elle montre les difficultés que ceux-ci rencontrent à concilier cette activité à la perception d’un accroissement des tâches d’enseignements (Fave-Bonnet, 2003) ou de leur changement de nature (Bireaud, 1990 ; Altet, 2004; Morlaix & Duguet, 2012). La recherche est l’activité la plus valorisée, mais également la plus valorisante comme en témoignent les processus et critères d’évaluation des enseignants-chercheurs (Bedin, 2012)
-
[7]
Précédemment antenne de l’Université de Lille, l’Université d’Artois a été créée par le décret no 91-1160 du 7 novembre 1991.
-
[8]
La loi no 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions a conduit à la fusion de nombreuses régions proches subdivisant l’organisation politique et administrative de la France en 13 régions au lieu de 22. La région Nord-Pas de Calais, dont la capitale était Lille, a fusionné avec la région Picardie, dont Amiens était la capitale. Les deux villes prétendant tout à la fois à développer leur pôle universitaire et à développer ensemble des synergies. Jeux dans lesquels l’Université d’Artois doit se repositionner.
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Liste des figures
Figure 1
Qualifications de l’Université d’Artois selon les catégories d’acteurs. Aperçu lexical et sémantique[5] (personnels de l’Université d’Artois n = 405, acteurs du territoire n = 155, étudiants n = 820)
Figure 2
Missions prioritaires attribuées à l’Université d’Artois pour les années à venir selon chaque groupe d’enquêtés (personnels Université d’Artois n = 405, enseignants-chercheurs n = 105, acteurs du territoire n = 155)
Lecture : Les premiers chiffres de la série indiquent que 56,9 % des enseignants-chercheurs estiment que l’Université d’Artois devrait tenir comme mission prioritaire dans les années à venir d’« assurer un enseignement de haut niveau » contre 51 % pour l’ensemble des personnels de l’Université d’Artois et 56,3% des acteurs du territoire
Figure 3
Les missions prioritaires en fonction du site d’exercice des enseignants-chercheurs de l’Université d’Artois (enseignants-chercheurs n = 105)
Figure 4
Socialisation de métier, socialisation d’établissement et formes identitaires (enseignants-chercheurs n = 105)