Enjeux et société
Approches transdisciplinaires
Volume 7, numéro 2, automne 2020 Approches pédagogiques innovantes Sous la direction de Jason Luckerhoff, Marc L. Johnson et François Guillemette
Sommaire (11 articles)
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Introduction : approches pédagogiques innovantes
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Innovation dans l’enseignement supérieur : des modèles aux pratiques, quels principes retenir?
Didier Paquelin
p. 10–41
RésuméFR :
Pour faire face à la diversité de même qu’aux défis et enjeux liés à l’évolution des publics, des besoins du monde socio-économique, et à la forte présence du numérique, les établissements d’enseignement supérieur et les acteurs sont interpellés dans leurs pratiques routinisées. Ce constat suppose de penser la transformation des pratiques pédagogiques au-delà d’un outillage technologique, et dans un changement paradigmatique systémique qui convoque un nouvel alignement institutionnel. Les agentivités, individuelle et collective, se trouvent fortement convoquées dans cette dynamique de coconstruction, dont le présent article analyse plusieurs dimensions dans leurs singularités et complémentarités. Éloignée des approches qui présentent l’innovation en éducation comme la minimalisation des résistances et l’action sur des leviers, l’analyse rappelle l’importance d’une verticalité managériale portant une vision et qui s’allie à une horizontalité de la confiance qui reconnaît aux acteurs leur capacité à mettre en oeuvre ce processus de reconfiguration des pratiques. Celui-ci serait dès lors conjointement régulé par l’ensemble des acteurs au sein d’un cadre sécurisé dans lequel chacun agirait selon des degrés de responsabilité reconnus et assumés.
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Passer du modèle transmissif à un modèle de l’apprentissage guidé
François Guillemette
p. 42–73
RésuméFR :
Dans une recherche-action qui mobilise l’expérience exceptionnelle de la création de l’Université de l’Ontario français (UOF), nous avons voulu comprendre ce changement fondamental qui consiste en l’adoption, par cette institution, d’une orientation pédagogique innovante dans le sens d’une rupture avec ce qui se fait dans la grande majorité des activités académiques universitaires partout dans le monde. Ce changement est un passage du paradigme binaire unilatéral de la transmission à un paradigme multilatéral trinaire d’un engagement solidaire de l’enseignant et de l’apprenant, chacun dans son rôle propre, dans une perspective de compréhension et de transformation du monde. Ce changement est aussi un passage de la passivité à une pédagogie active et expérientielle où l’enseignant est un guide essentiel à la progression de l’apprentissage des étudiants. Cet article aboutit à des recommandations qui sont offertes à toute institution d’enseignement postsecondaire qui voudrait profiter de la perspective extraordinaire d’une fondation ou d’une refondation de son institution.
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Le codesign comme nouvelle approche pédagogique dans les ateliers de conception : étude exploratoire à travers le vécu des étudiants
Sana Boudhrâa et Tomas Dorta
p. 74–107
RésuméFR :
L’enseignement dans les ateliers de projet fait face à des défis d’innovation pédagogique. L’approche pédagogique la plus commune jusqu’à maintenant est la critique, laquelle se réalise dans un environnement basé sur l’apprentissage par projet. Or l’approche que nous proposons comme stratégie pédagogique innovante se base sur le codesign actif et se positionne à l’opposée d’une approche traditionnelle basée sur la revue des projets. Elle a été appliquée à un atelier de design industriel en vue d’étudier son apport et ses caractéristiques, tel qu’ils ont été perçus par les étudiants, en comparaison avec la critique traditionnelle. Des éléments clés se distinguent tels que les nouveaux rôles de l’enseignant qui changent selon la situation (manager, designer-expert, consultant, « chalengeur »), le ressenti des étudiants (moins de stress, plus de confiance à s’exprimer et à réfléchir à haute voix, meilleure génération d’idées, environnement collaboratif) et la contribution des participants.
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L’enseignement à distance de l’entrepreneuriat : quelle expertise pédagogique?
Marina Frangioni, Patrick Pelletier et Nathalie Lachapelle
p. 108–128
RésuméFR :
Bien que l’entrepreneuriat fasse l’objet de recherches académiques depuis près de deux siècles (Chell, 2008), son enseignement ne s’est véritablement institutionnalisé dans les écoles de gestion que depuis les années 1990 (Eyraud, 2016). Alors que cet enseignement repose le plus souvent sur des méthodes pensées pour être efficaces en mode présentiel, quelle expertise pédagogique doit-on développer pour la formation à distance? Et quelle posture professionnelle le professeur doit-il adopter pour développer cette expertise? C’est à ces questions que tente de répondre cet article qui présente les stratégies développées par l’École des sciences de l’administration (ÉSA) de l’Université TÉLUQ, une université à distance francophone associée au réseau de l’Université du Québec. Il est soutenu que la conception d’un programme d’études à distance en entrepreneuriat basé sur des approches pédagogiques innovantes visant l’acquisition de savoirs expérientiels et d’apprentissages authentiques par l’étudiant ne peut se faire sans que le professeur tire avantage des préceptes de l’approche-programme (Basque, 2017) et de la posture professionnelle du praticien-chercheur en enseignement (Bédard, 2017). Différentes propositions de recherche-action sont mises de l’avant pour construire l’expertise pédagogique nécessaire à l’enseignement à distance de l’entrepreneuriat.
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Pour innover en pédagogie universitaire, faut-il rejeter ou améliorer l’enseignement magistral?
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Marie Bocquillon
p. 129–155
RésuméFR :
L’enseignement magistral est, la plupart du temps, assimilé à l’enseignement traditionnel, si bien qu’habituellement on emploie indifféremment l’un ou l’autre des deux termes. Cette équivalence amène plusieurs auteurs à dévaloriser ce type d’enseignement pourtant largement utilisé en contexte universitaire. Plusieurs d’entre eux préconisent même de s’éloigner de cette modalité d’enseignement. Pour notre part, nous proposons d’améliorer l’enseignement magistral à la lumière des recherches sur l’enseignement efficace plutôt que de rejeter cette modalité d’enseignement.
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Littératie universitaire en milieu francophone minoritaire : vers une amélioration des habiletés scripturales
Sylvie A. Lamoureux, Marie-Josée Vignola et Johanne S. Bourdages
p. 156–183
RésuméFR :
Au cours des dernières décennies, l’expérience étudiante en milieu universitaire est apparue comme un élément essentiel quant au maintien et à la réussite des études postsecondaires. La recherche, dans ce domaine, montre l’importance de bien maîtriser la rédaction de textes universitaires pour assurer le maintien aux études en français des étudiants francophones. Dans ce contexte, la littératie universitaire émerge comme un paramètre fondamental. Peu de recherches portent sur la transition vers les études postsecondaires des francophones en milieu minoritaire et leur appropriation de la littératie universitaire. Cet article présente l’analyse de données provenant d’un projet pilote mené en contexte universitaire avec des francophones de milieux minoritaires portant sur le besoin d’appuis pédagogiques en matière de littératie universitaire. Le corpus de notre étude est constitué d’écrits d’étudiants ayant suivi un cours qui visait à s’approprier les pratiques sous-jacentes à la littératie universitaire. Les résultats ont montré que la participation au cours mène généralement à une amélioration des habiletés scripturales requises en milieu universitaire.
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Deux conditions et deux mécanismes pédagogiques favorables à la réflexion conduisant à des mobilisations et changements : étude du cas d’un cours universitaire en éducation relative à l’environnement
Virginie Boelen et Philippe Chaubet
p. 184–216
RésuméFR :
Dans un monde en crise environnementale, quelles conditions et quels mécanismes mis en place dans un cours universitaire permettent de stimuler la réflexion chez l’étudiant de façon à modifier sa manière de voir le monde et d’engager son pouvoir d’action? Quand l’avenir de l’espèce humaine et de son écosystème est en jeu, comment favoriser l’engagement écocitoyen? Ces questions sont considérées dans un cours universitaire d’éducation relative à l’environnement (ERE) destiné à éveiller les consciences et à susciter l’action réfléchie. Nous analysons un cas : les effets d’un cours spécifique d’une université du Québec. La méthode utilisée pour répondre au questionnement est l’ingénierie inverse appliquée à la réflexion. Elle reconstruit à rebours les conditions qui ont su stimuler la réflexion sur la pratique chez l’étudiant, conditions qui semblent avoir joué un rôle clé dans de nouvelles façons d’appréhender l’ERE et de vouloir y agir. Une comparaison des résultats de cette étude avec ceux obtenus dans le cadre d’autres formations universitaires, puis avec la littérature spécialisée dans le domaine des pratiques réflexives permet d’en valider la pertinence ainsi que celle de l’approche méthodologique innovante de l’ingénierie inverse de cours universitaires. L’article, enfin, rend compte de pédagogies universitaires favorables à la réflexion en tant que source de mobilisation et d’engagement, et contributrices au développement de compétences dans l’enseignement supérieur.
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Les communautés de pratique (CdP) comme nouvelles modalités d’apprentissage : enjeux et défis
Geneviève Demers et Diane-Gabrielle Tremblay
p. 217–244
RésuméFR :
Avec l’avènement de la nouvelle économie fondée sur la connaissance et le capital social, de plus en plus d’organisations misent sur les communautés de pratique (CdP) comme lieux d’apprentissage pouvant amener les membres vers un accroissement de leurs capacités. Notre recherche visait donc à comprendre le fonctionnement des communautés de pratique comme nouvelles modalités d’apprentissage en contexte universitaire. Nous avons procédé à une analyse comparée de deux communautés de pratique dont l’origine de création et la motivation sont très différentes. Voulant mieux comprendre ce nouveau mode d’apprentissage par CdP, nous avons observé nombre de bénéfices. Toutefois, le potentiel d’apprentissage paraît ici limité, notamment en raison des défis rencontrés en ce qui concerne particulièrement l’organisation interne des groupes, le manque de temps et de ressources, imputable notamment à l’absence de valorisation des communautés de pratique par les supérieurs et l’université.
Hors-thème
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Les influences culturelles à l’ère des réseaux sociaux numériques
Marie-Claude Lapointe, Jason Luckerhoff et Anne-Sophie Prévost
p. 245–270
RésuméFR :
Nous savons que les pairs, les institutions culturelles et scolaires, les médias, les réseaux sociaux et la famille sont des agents d’influence dans la socialisation des jeunes. L’influence familiale est considérée comme prépondérante, peu importe la génération. L’influence des enseignants semble toutefois en recul. Nous avons voulu mieux comprendre en quoi les médias sociaux et les influenceurs ont un rôle et des effets sur les pratiques, les consommations et les goûts culturels des jeunes Québécois. Dans le cadre d’une démarche qualitative et inductive, nous avons animé cinquante-deux entretiens individuels qualitatifs auprès de jeunes Québécois et nous avons ensuite soumis nos analyses provisoires à soixante-huit autres participants dans le cadre d’entretiens de groupe. Nos analyses nous permettent de comprendre que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la famille joue un rôle important dans le phénomène étudié et qu’elle n’est pas vraiment remplacée par celui des nouveaux médias. En effet, les lieux de consolidation du lien social demeurent plutôt inchangés. Les influences principales sont les personnes connues (famille, amis), en face à face et par l’intermédiaire des médias sociaux. Viennent ensuite les personnes qu’on ne connaît pas, mais que l’on retrouve dans des communautés de partage d’intérêts. Les lieux de consolidation du lien social sont encore la famille et les amis dans un premier temps, et les médias, dans un second temps.
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Pandémie de COVID-19 : de nouvelles contraintes journalistiques qui menacent le droit à l’information
Caroline Lacroix et Marie-Ève Carignan
p. 271–296
RésuméFR :
Lorsqu’elle est survenue au printemps 2020, la pandémie de COVID-19 a engendré d’importants bouleversements, notamment chez les professionnels de l’information sur lesquels une grande pression s’est exercée. Partant de la prémisse voulant que les pratiques journalistiques puissent largement influencer la qualité de l’information livrée au public, qui elle permet une meilleure compréhension des enjeux sociaux, cet article s’intéresse aux défis auxquels les journalistes québécois ont été confrontés pendant les premières semaines de la pandémie de coronavirus ainsi qu’à leurs effets sur les pratiques professionnelles. À partir d’entretiens semi-dirigés, nous explorons comment la crise sanitaire a affecté les journalistes et la façon dont ils ont dû adapter leurs pratiques professionnelles à des situations exceptionnelles pour être en mesure d’informer le public. Notre analyse démontre que cette crise a, dans un premier temps, amplifié la pression sur les journalistes par une augmentation de la charge de travail et du rythme de production ainsi que par de nouvelles difficultés limitant leur accès aux sources d’information. Elle a, dans un deuxième temps, engendré de nouveaux défis liés à la pratique du journalisme en confinement et au travail de terrain en présence d’un virus alors méconnu. De façon générale, nous pouvons affirmer que ces enjeux ont entravé les pratiques professionnelles des journalistes et menacé le droit du public à l’information.