Pour le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le végétal et l’environnement (GRIVE) (formé de biologistes, de géographes, de littéraires et de sémiologues), l’enjeu est de rapprocher des expériences et des expertises très éloignées les unes des autres, de décloisonner les savoirs, de jeter les bases d’un dialogue à la croisée des disciplines, de partager les regards et de tirer parti des expériences propres à chacun afin de mieux comprendre les transformations des modes de connaissance et d’appréciation du végétal. Croiser les différents prismes par lesquels le végétal est observé vise à conjuguer les connaissances scientifiques du végétal, les élans qu’il suscite dans l’imaginaire et les pratiques d’aménagement du territoire. C’est ainsi que la promenade végétale s’est imposée à nous comme objet et moyen de saisir la place, le sens et la portée du végétal au sein de nos sociétés contemporaines. Plus proches des Rêveries du Promeneur solitaire de Rousseau que des déambulations parisiennes de Baudelaire, les promenades végétales appellent à la lenteur et transforment la simple marche en balade orientée vers la découverte, l’observation et l’appréciation du milieu environnant. C’est un type de promenade dans laquelle le végétal occupe une place prépondérante, soit parce que le lieu lui-même est aménagé pour favoriser l’appréciation esthétique des plantes (jardins, parcs, coulées vertes) ou adapté pour la marche (sentiers forestiers, sentiers de grande randonnée), soit parce que l’attention du promeneur se porte avant tout sur l’aspect végétal (activités d’herborisation, de cueillette, dans le cadre de stages visant l’apprentissage ou la simple découverte, etc.). Les promenades végétales prennent de multiples formes et redéfinissent la flânerie. Se promener, c’est apprendre à prendre le temps, à regarder autour de soi, à mieux connaître les espèces végétales, à réfléchir à la place de l’être humain au sein de l’environnement. Jusqu’ici le syntagme promenade végétale ou balade végétale a surtout servi à désigner les promenades urbaines. Dans ce cas, l’aspect végétal de la promenade ne constitue que l’un des aspects du traitement de la promenade d’un point de vue urbanistique. Néanmoins, les noms donnés à différents espaces, coulée verte, trame verte, corridor vert, promenade plantée…, soulignent une volonté de placer le végétal au centre de l’attention. Comme le montre un bref examen de la revue de presse, c’est davantage la promenade urbaine qui est mobilisée que la promenade végétale. Au Québec, nous pouvons bien évidemment penser à la promenade Samuel-de Champlain à Québec ou bien encore à la Promenade Fleuve-Montagne de Montréal. Si dans le cas de la première l’espace végétal a encore la part belle, dans le cas de la promenade montréalaise, l’accent est plutôt mis sur l’inclusion de cet espace de promenade verte au centre de la ville et sur sa manière d’interagir avec elle (Beaulieu, Turgeon, & Guilbault, 2017; Colpron, 2017; Lê-Huu, 2018). Si la définition que nous proposons de la promenade végétale intègre le point de vue de l’aménagement, elle couvre néanmoins un empan beaucoup plus large : premièrement, elle ne concerne pas uniquement le milieu urbain, mais tous les milieux marqués par la présence végétale (jardins, parcs nature, forêts, champs, chemins, etc.); deuxièmement, le syntagme promenade végétale ne désigne pas forcément un lieu (coulée verte, corridor vert, etc.), il renvoie d’abord et avant tout à une interaction entre le promeneur et son milieu, à une attitude marquée par l’attention envers la composante végétale de l’environnement. En ce sens, la promenade végétale peut avoir lieu dans n’importe quel endroit pourvu que les plantes ou les arbres y soient présents. Avec le développement important des promenades végétales au cours des dernières décennies, on note un intérêt croissant pour le végétal, pour la marche, pour la …
Parties annexes
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