Essai bibliographiqueBibliographical Essay

Le phénomène djihadiste en FranceComprendre et prévenirUnderstanding and Preventing Jihadism in France[Notice]

  • Salomé Tulane

…plus d’informations

Micheron Hugo, 2020, Le jihadisme français. Quartier, Syrie, Prisons, Paris, Gallimard.

Monod Guillaume, 2018, En prison. Paroles de djihadistes, Paris, Gallimard.

Sèze Romain, 2019, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, Paris, Le Seuil.

Les attentats du 11 septembre 2001, puis les attaques meurtrières ayant tour à tour visé Madrid, Londres, Toulouse, Paris et Bruxelles, ont marqué l’actualité internationale et poussé la question du djihadisme sur le devant de la scène européenne. Dans le même temps, les mouvances djihadistes, et tout particulièrement l’organisation État islamique, ont suscité une adhésion croissante parmi les ressortissants européens, avec une prévalence marquée dans certains pays : le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique et la France représentaient 80 % du contingent européen d’islamistes ayant participé aux activités d’organisations djihadistes en Syrie (Micheron 2020 : 11). À elle seule, la France a alimenté la moitié de ce contingent (Sueur 2015 : 37). Si ce phénomène n’était alors pas nouveau, son ampleur a, elle, été sans précédent : entre 2012 et 2018, le théâtre levantin a attiré entre 1500 et 2000 candidats français. Par comparaison, on estime que les départs à l’étranger pour participer au djihad depuis les années 1980 – vers la Bosnie, la Tchétchénie, l’Afghanistan, la Somalie ou le Sahel – ne concernaient jusqu’alors guère plus d’une cinquantaine de ressortissants français par an (Sueur 2015 : 36-37). Cette évolution a donné lieu à un florilège d’ouvrages de qualité variable cherchant à rendre compte de ces problématiques : comment ces mouvances se sont-elles implantées en Europe et en France ? Qui part faire le djihad ? Pourquoi et comment prévenir ces tendances ? En 2019, Études internationales publiait une analyse des travaux de Thomas Bouvatier, David Thomson, Laurent Bonelli et Fabien Carré, dans laquelle Gilbert McLaughlin identifiait les caractéristiques sociales, politiques et psychologiques des candidats au djihad. Il évoquait également les principaux facteurs de risque de basculement dans une mouvance djihadiste ; enfin, il suggérait des pistes de sortie visant à encourager ces militants à s’en émanciper (McLaughlin 2019). Les facteurs économiques, sociaux et psychologiques mis en lumière dans les ouvrages analysés par McLaughlin ne suffisent toutefois pas à expliquer pourquoi le djihad s’enracine dans un quartier plutôt qu’un autre présentant les mêmes caractéristiques socio- économiques. Les motivations rapportées par les djihadistes pour expliquer leur conversion et leur souhait de rejoindre la Syrie méritent également davantage d’attention. Le présent essai analyse des ouvrages à même de compléter une approche ne permettant pas à elle seule de rendre compte des logiques d’implantation de la mouvance djihadiste en France et d’expliquer son succès inédit au cours des dernières années. Il s’appuie pour ce faire sur des oeuvres relevant de champs disciplinaires variés, reflétant ainsi la diversité des travaux relatifs à la question djihadiste en France. Les recherches du politologue Hugo Micheron se proposent d’expliquer pourquoi, à facteur de risque social, économique et politique jugé comparable, le djihadisme prend pied dans certains territoires français et en épargne d’autres. Il dresse ainsi une géographie, mais également une histoire du djihadisme français, en mettant en lumière l’émergence, à l’orée des années 2000, de réseaux à l’origine des filières de départs vers le Levant et de la multiplication des attentats sur le sol européen dans les années 2010. Son ouvrage repose sur une méthodologie très riche associant des études de terrain en France, en Belgique, au Kurdistan irakien, au Liban et en Turquie, ayant permis de conduire des entretiens auprès de très nombreux acteurs au fait de la mouvance djihadiste, y compris quatre-vingts islamistes français incarcérés ; il s’agit là de l’échantillon le plus large et le plus diversifié des recherches à ce jour. Le travail de Guillaume Monod, psychiatre intervenant dans les maisons d’arrêt de la région parisienne, vise quant à lui à percer les motivations des militants islamistes et à comprendre les raisons de leur …

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