Corps de l’article

Le Mexique, qui avait jusqu’à présent lié son destin à celui de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), est à la recherche d’un nouvel élan à travers sa participation aux dynamiques commerciales croissantes qui ont lieu depuis quelques années dans la région du Pacifique. Le pays souhaite avant tout préserver sa position en tant que plateforme incontournable du commerce et des investissements internationaux, principalement dans le cadre du fonctionnement des chaînes de valeur états-uniennes, en bénéficiant de la croissance asiatique actuelle. La question est de savoir si le Mexique possède les moyens de ses ambitions et si ses gains seraient plus importants que les inévitables pertes dues aux restructurations qu’une telle réorientation stratégique signifierait. Afin d’y parvenir, les gouvernements Calderón et Peña Nieto ont mis l’accent sur une consolidation de l’économie nationale ainsi que sur la participation et la promotion de négociations comme celles de l’Alliance du Pacifique entre pays latino-américains enclins à consolider leur présence dans la zone Pacifique, dont la mise en oeuvre a eu lieu le 20 juillet 2015, et les négociations du Partenariat transpacifique (ptp), qui a été signé le 4 février 2016 et regroupe 12 pays, dont les États-Unis d’Amérique étaient la figure de proue (Vargas 2016 ; Renwick 2015). Dans un premier temps, nous analyserons les raisons tant externes qu’internes qui ont incité l’administration mexicaine à intégrer l’initiative du ptp. Dans un deuxième temps, nous tenterons de clarifier les opportunités susceptibles de se présenter pour le Mexique dans le cas d’une ratification du ptp en cours. Dans un troisième temps, nous nous intéresserons aux conséquences et aux risques potentiels d’un tel accord sur l’économie mexicaine. Enfin, nous tenterons de tirer quelques conclusions en nous basant sur l’expérience de l’Aléna ; dans cette même partie, il sera également question des grands questionnements qui font suite à l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

I – L’adhésion du Mexique au Partenariat transpacifique

A – Le rôle des États-Unis dans l’adhésion du Mexique au ptp

Initialement, le Mexique n’était pas en faveur de l’accord de libre-échange du ptp étant donné les pertes que ce projet pourrait engendrer pour le pays s’il venait à perdre son monopole en termes d’accès privilégié au marché des États-Unis. En effet, le ptp peut s’assimiler à un élargissement de l’Aléna à neuf nouveaux membres, dont certains se positionnent d’ores et déjà comme des concurrents sérieux pour les exportations mexicaines vers l’Amérique du Nord ainsi que pour le maintien de la position du Mexique au sein des chaînes productives états-uniennes. Dans la mesure où l’administration Obama a commencé à assurer le leadership d’un projet qualifié comme l’une des priorités dans la politique commerciale de ce pays, et parce qu’il existe depuis plus de vingt ans une forte interdépendance économique entre ces pays, le Mexique a finalement accepté le ptp comme un fait accompli et il a accepté l’invitation des États-Unis à faire partie des négociations.

En invitant le Mexique à s’intégrer au processus, le président Barack Obama ainsi que le représentant au Commerce des États-Unis, Ron Kirk, étaient désireux de voir Mexico faire partie de la stratégie géopolitique et économique de Washington dans le Pacifique en vue de consolider l’appareil productif national vis-à-vis des puissances émergentes d’Asie et notamment la Chine (Wolverton 2012). En fait, le ptp est synonyme d’une extension, d’un approfondissement, d’une restructuration et d’une réactualisation de l’Aléna. En ce sens, il s’agit avant tout pour les États-Unis de consolider la « zone d’intégration productive » mise en place par l’Aléna au cours des presque 25 dernières années afin d’améliorer la compétitivité des chaînes productives principalement états-uniennes. L’idée est de faciliter l’intégration de produits intermédiaires provenant de certains pays d’Asie-Pacifique à travers des opérations manufacturières établies au Mexique et en même temps de convertir l’Aléna en une plateforme d’exportation compétitive vers la région. En outre, comme nous le verrons plus loin, les États-Unis préfèrent voir leurs structures manufacturières se délocaliser vers le Mexique, pays où ils exercent une certaine influence politique, plutôt que vers d’autres pays. Il semble par ailleurs que l’idée de Washington soit que, petit à petit, les produits intermédiaires introduits dans les processus productifs établis au Mexique viennent de pays considérés comme des alliés de la politique des États-Unis dans la région ; les Américains cherchent ainsi à bloquer la participation de la Chine dans la consolidation des chaînes de valeur.

De plus, pour Washington, l’appartenance du Mexique à un processus intégrationniste dont il assume la direction lui permettrait d’exercer un plus grand droit de regard sur la politique nationale du pays latino-américain ainsi que sur la politique économique extérieure de ce dernier de façon à (1) promouvoir des réformes, et autres changements, favorables aux intérêts de la « zone d’intégration », et donc des chaînes de valeur (2), mais également afin de consolider la sécurité alimentaire et énergétique états-uniennes. Nous avons d’ailleurs observé cette tendance au cours des dernières années alors que les négociations du ptp étaient en marche. En effet, de nombreuses réformes ont été entreprises par l’administration Peña Nieto, sans même qu’il y ait eu un véritable processus démocratique au niveau national : ouverture du marché du pétrole au capital privé, assouplissement des règles d’origine, incorporation de standards environnementaux et du travail, renforcement de la propriété intellectuelle, réforme éducative, réforme fiscale, etc. (Gonzalez Amador et al. 2013).

Il est important de souligner que l’ensemble des investissements étrangers provenant des États-Unis, mais aussi d’autres pays comme le Japon ou encore la Corée du Sud, présentent un intérêt dans l’intégration du Mexique aux dynamiques intégrationnistes du Pacifique. C’est notamment vrai pour certains secteurs, dont les chaînes de valeur sont très présentes, comme celui de l’automobile ou encore l’industrie pharmaceutique. Par exemple, des entreprises comme Pfizer ou encore Johnson & Johnson ont à de nombreuses reprises fait part de leur intérêt de voir le Mexique intégrer le ptp (Castro 2013). En effet, depuis une dizaine d’années, de nombreuses structures productives intègrent, et cela de manière croissante, de nombreux produits intermédiaires provenant d’Asie.

B – L’intérêt du Mexique

L’administration de Felipe Calderón a modifié sa position concernant le ptp à la fin du mandat présidentiel de 2012. Les motifs avancés par Mexico furent principalement d’ordre macroéconomique et géopolitique (Granados 2015). En fait, si l’administration Calderón ne voulait pas manquer le train de l’histoire, il faut aussi constater que le pays n’avait pas réellement d’autre choix que d’accepter l’inéluctable afin de préserver ses intérêts fondamentaux. Par ailleurs, si on analyse cette décision sous l’angle du continuum politique, on voit que celle-ci répond à deux prémisses qui animent le processus d’ouverture du pays depuis les années 1980 : une forte conviction au sein de l’élite politico-économique concernant les avantages du libre-échange et le fait que le protectionnisme affecte l’économie nationale (Granados 2015). Ce sont ces mêmes prémisses qui expliquent l’ouverture accélérée du Mexique et le cinquième rang que ce pays occupe aujourd’hui au sein des économies les plus ouvertes du G20, ce qui est apprécié par les investisseurs non seulement productifs, mais aussi financiers. Il est donc hors de question de remettre en cause cette stratégie qui a montré ces avantages sur le plan macroéconomique. De fait, dans une entrevue de Peña Nieto réalisée par la revue Foreign Affairs, le président souligne que deux initiatives reflètent ces prémisses lorsqu’on analyse l’actuelle politique extérieure du pays : d’une part, l’Alliance du Pacifique (ap) et, d’autre part, le ptp (Peña Nieto 2014). Il est d’ailleurs intéressant de constater que les deux processus intégrationnistes se complètent dans la mesure où le Mexique cherche à instrumentaliser l’ap afin de consolider sa voix au sein du ptp en présentant une stratégie commune pour les quatre pays membres (Elms 2013). Il est à noter que ces derniers ont signé un accord de libre-échange avec les États-Unis et qu’ils partagent le même paradigme en relation avec la politique économique extérieure.

En droite ligne avec ce qui précède, la décision du gouvernement mexicain d’intégrer les négociations en vue du ptp cherche à concrétiser l’un des objectifs annoncés dans le Plan national de développement 2013-2018 visant à se rapprocher de l’Asie en raison du fort niveau de croissance dans cette région (Leon-Manriquez et Tziliapango 2015). Même si ce rapprochement est opéré sous l’égide de Washington, il n’en reste pas moins qu’il répond à un intérêt de la part de l’alliance politico-économique actuellement au pouvoir dans le pays (Granados 2015). Il faut considérer que l’augmentation des exportations mexicaines vers l’Asie a été de 20,2 % au cours de la période 2007-2012, ce qui est beaucoup plus que les 8,2 % d’augmentation totale des exportations du pays (Granados 2015). Les exportations vers l’Asie ne représentent même pas 5 % des exportations totales. En comparaison, les importations provenant de la même région correspondent à 25 % du total (Barnes 2014). L’accès à la région est devenu tellement important dans le maintien, ou éventuellement dans la consolidation, de la compétitivité nationale que le ministère de l’Économie du Mexique a récemment fait savoir que, dans le cas d’un éventuel échec du processus de ratification du ptp, lié à la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles de novembre 2016, le pays poursuivrait son rapprochement avec l’Asie, notamment par l’intermédiaire de l’ap (Oxford Business Group 2015). Cette éventualité a été rappelée par le ministre de l’Économie, Ildefonso Guajardo Villarreal, lors du récent sommet de l’Apec à Lima en novembre 2016.

L’autre raison qui a poussé le Mexique à intégrer la dynamique du ptp est son objectif de contrecarrer l’érosion de ses préférences en termes d’accès au marché états-unien ainsi que la perte de sa capacité à attirer les investissements directs étrangers (Ide) dans le domaine manufacturier (Granados 2015). En effet, l’adhésion de la Chine à l’omc, les dynamiques intégrationnistes globales et l’activisme des États-Unis sur le plan de la politique commerciale ont affecté la compétitivité du Mexique. L’idée est donc de récupérer la compétitivité acquise au cours des premières années de la mise en oeuvre de l’Aléna en permettant une consolidation de la présence du pays au sein des chaînes productives états-uniennes ainsi qu’en favorisant une intégration « contrôlée » de produits intermédiaires asiatiques au sein des processus productifs des États-Unis présents au Mexique (Ramirez Bonilla 2014). À vrai dire, tout semble montrer que l’implication du Mexique dans le ptp correspond plus à une stratégie défensive qu’à un intérêt réel pour le projet. Ne pas répondre aux attentes des chaînes de production états-uniennes affecterait gravement les fondamentaux du pays dans la mesure où celles-ci pourraient remettre en question le maintien de leurs opérations au Mexique. Demeurer en retrait remettrait en cause la participation du Mexique au sein de l’Aléna, qui est devenu la pierre angulaire du modèle de développement national dans la mesure où la dynamique régionale représente 67 % du commerce extérieur mexicain et 53 % des investissements dont le pays d’origine est soit les États-Unis, soit le Canada (Godoy 2013 ; LatAm pm 2016 ; Granados 2015). En fait, les coûts liés à une non-participation seraient bien plus élevés que ceux associés à une participation. Pour le Mexique, il s’agit avant tout de protéger son statut privilégié acquis depuis la mise en oeuvre de l’Aléna, c’est-à-dire d’éviter que d’autres pays obtiennent de meilleurs avantages pour l’accès de leurs produits aux États-Unis (Rines 2015).

Il était également fondamental pour le pays d’envoyer un signal clair concernant l’adhésion aux nouvelles dynamiques commerciales et d’ainsi conserver la confiance des investisseurs, mais aussi des agences de notation financière qui jouent un rôle clé dans la stabilité des indicateurs macroéconomiques et dans la capacité du pays à accéder au financement international. Ainsi, le Mexique, aux yeux des grands décideurs, ne se met pas en marge et reste collé aux mégatendances que tendent à récompenser les grands mouvements financiers et productifs. Finalement, force est de constater que le pays n’avait aucune autre solution que de suivre le leader états-unien (Barnes 2014).

II – Les opportunités du ptp pour le Mexique

A – Sur le plan commercial

Selon le ministre de l’Économie, Ildefonso Guajardo Villarreal, le Mexique est prêt à faire face aux défis que représente le ptp et même prêt à saisir une opportunité historique dans son avancée sur le chemin de la croissance économique ainsi que sur celui de la modernisation et de la diversification de la structure économique nationale[1]. Les avantages reconnus par son administration, et qui justifient l’implication du pays dans cette dynamique, sont les suivants : la croissance, la création d’emplois, l’innovation, les gains de productivité et de compétitivité, l’amélioration de la qualité de vie, la diminution de la pauvreté, l’amélioration de la transparence et de la bonne gouvernance, la protection de l’environnement, etc. (Secretaria de Economía, dans Grajales 2016). Sur le plan commercial, le gouvernement met en avant le fait que cet accord permettrait au pays d’avoir accès à six nouveaux marchés avec lesquels il n’existe pas encore d’accord de libre-échange malgré des relations croissantes : l’Australie, le Brunei, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam (Granados 2015). De plus, selon les autorités mexicaines, le ptp permettrait de consolider les préférences commerciales avec certains pays, comme le Chili, le Pérou et le Japon (Rines 2015).

En ce qui concerne sa relation avec le Japon, le Mexique dispose d’un accord de libre-échange en vigueur depuis 2005. Cependant, le marché japonais est resté relativement fermé vis-à-vis de certaines importations mexicaines sensibles pour l’économie nipponne, notamment dans le domaine de l’agroalimentaire. Le ptp serait donc susceptible d’éliminer les barrières qui subsistent malgré l’accord commercial en vigueur entre les deux nations. À ce titre, il est intéressant d’observer que, parallèlement aux négociations de ptp, Tokyo a accordé en 2016 un « certificat zoosanitaire d’exportation » au Mexique après avoir reconnu celui-ci en 2015 comme un espace libre de fièvre porcine classique. L’ensemble de ces mesures envoie donc des signaux positifs pour les exportations, principalement de porc mexicain, que la mise en oeuvre du ptp pourrait encore renforcer (Villafuerte 2016). À ce titre, selon le Oxford Business Group (2015), le Mexique pourrait voir ses exportations multipliées par deux dans le domaine de l’agro-industrie dans le cas d’une ratification du ptp.

En outre, l’administration mexicaine attend du ptp une occasion de diversifier les relations commerciales du pays et passer de la nord-américanisation de son processus d’ouverture à un statut de « global trader », basé sur le modèle chilien (Rines 2015 ; Godoy 2013 ; Ramirez Bonilla 2014). Une diversification des relations commerciales est attendue aussi bien pour les exportations vers les pays industrialisés et ceux qui sont en forte croissance que pour les importations de produits intermédiaires en provenance de pays en développement, par exemple dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique. Le ptp permettrait donc d’introduire de nouveaux produits intermédiaires dans les chaînes de l’Aléna (Barnes 2014). Selon le Conseil coordinateur entrepreneurial (cce), très proche de l’administration publique dans le domaine de la politique commerciale et présent lors des négociations du ptp, un accord ouvrirait la voie à des possibilités concrètes dans au moins 19 secteurs, dont l’agro-industrie, l’industrie automobile ainsi que celle des pièces détachées, la chimie et la pharmaceutique, l’équipement électronique et électrique… Le ptp devrait également permettre de rapprocher la structure économique nationale des deux géants asiatiques non membres du ptp que sont la Chine et l’Inde, du fait des connexions existantes entre ces économies et d’autres qui sont présentes au sein du ptp, comme le Vietnam ou encore la Malaisie (Granados 2015).

Enfin, des gains sont également attendus sur le plan de la logistique, principalement grâce à la consolidation de la position du Mexique en tant que « plateforme d’accès » aux États-Unis, mais également dans la mesure où le pays pourrait servir de connexion entre l’Europe et l’Asie du fait de sa participation à un accord de libre-échange avec l’Union européenne depuis 2000 (Grajales 2015). À ce titre, des mégaprojets ont été évoqués visant à investir dans le domaine de l’infrastructure, notamment dans les ports et les voies d’accès aux États-Unis, mais aussi dans ses axes pouvant lier la côte Caraïbe à celle du Pacifique.

B – Sur le plan des investissements

L’augmentation des opportunités en termes de marché que signifierait la mise en oeuvre du ptp pourrait assurer un processus de consolidation de la présence des chaînes productives de l’Aléna au Mexique, notamment dans les secteurs automobile, électronique et aéronautique. Comme signalé auparavant, les États-Unis préfèrent délocaliser vers le Mexique, et ce, pour trois raisons principales : (1) Washington dispose d’un plus grand contrôle sur la politique publique mexicaine que sur celle des autres pays ; (2) depuis la mise en oeuvre de l’Aléna, une culture de travail commune s’est consolidée qui a permis d’obtenir des gains en matière de compétitivité ; (3) et, finalement, les deux économies sont extrêmement connectées et interdépendantes, du moins sur le plan macroéconomique. En effet, sur ce dernier point, les marchandises importées du Mexique contiennent une importante valeur provenant au départ des États-Unis (Morales et Langner 2016), ce qui, en fin de compte, aide l’emploi dans ce pays nord-américain. L’impact en termes socioéconomiques pour les États-Unis est donc plus positif dans le cas d’un investissement au Mexique que dans celui d’un investissement en Chine (Brownstein 2014 ; Hills 2014). En outre, il existe un fort intérêt de la part de Washington pour exporter vers l’Asie des biens intégrant des composantes états-uniennes, et cela, à partir des filiales établies au Mexique. Dans la mesure où une grande partie de la manufacture mexicaine comporte d’ores et déjà des produits intermédiaires « made in USA », il est effectivement réaliste de penser que le ptp bénéficierait aux États-Unis en raison de fortes dynamiques de triangulation par l’utilisation du Mexique comme base productive (Grajares 2015).

Enfin, dans le cadre d’un « Aléna élargi », ainsi que l’a montré l’expérience de l’intégration nord-américaine, le Mexique est susceptible d’offrir à l’Ide de l’ensemble des pays membres du ptp des coûts logistiques bas afin de bénéficier d’un accès facile aux États-Unis, malgré le fait que le pays occupe le 65e rang au niveau international en ce qui concerne la compétitivité des infrastructures (Villamil 2016). Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises en vue de consolider cet avantage acquis dans les dernières années. En effet, un accord a par exemple été signé avec les États-Unis en août 2016 afin de faciliter le transport aérien des marchandises ainsi que celui de passagers. Autre exemple, une nouvelle ligne de chemin de fer entre les États-Unis et le Mexique (Brownsville-Matamoros) a été inaugurée en avril 2016, ce qui ne s’était pas produit depuis plus d’un siècle (Informador.mx 2016). Nous pourrions également évoquer le lancement en juin 2016 du grand projet de construction dans le sud du pays des Zones économiques spéciales dont l’objectif clairement affiché est de générer un effet de rétention sur l’Ide, mais aussi d’attirer de nouveaux investissements en vue de préparer la participation du pays à la dynamique du Partenariat transpacifique.

III – Les conséquences et les risques du ptp

Incontestablement, de nombreuses opportunités sur le plan macroéconomique sont susceptibles de se présenter à la suite d’une éventuelle mise en oeuvre du ptp. Cependant, des risques sont également envisageables du simple fait que le pays devrait partager avec des concurrents sérieux son statut privilégié d’accès au marché états-unien qu’il avait obtenu en 1994 avec l’Aléna. Tout comme dans la partie précédente, nous commencerons par une analyse des risques sur le plan commercial, puis nous nous pencherons sur l’investissement.

A — Sur le plan commercial

Sur le plan de la politique commerciale, une des conséquences pourrait être celle d’un écart accru entre le Mexique et les dynamiques intégrationnistes latino-américaines, en dehors, bien entendu, de celles de l’ap qui s’inscrit dans la dynamique même du ptp, dans la mesure où les forces du marché accentueraient la dépendance du pays vis-à-vis des États-Unis au détriment des relations avec le reste de l’Amérique latine. Il est donc à craindre que la distance s’accentue entre les deux géants latino-américains que sont le Brésil, dont la politique extérieure est plus tournée vers son premier partenaire commercial, la Chine, et le Mexique dont le destin, comme nous l’avons mentionné, reste intimement lié à celui des États-Unis.

Sur le plan macroéconomique, les risques sont surtout à mettre sur le compte de la perte de privilèges d’accès du Mexique au marché des États-Unis en raison de la concurrence d’autres membres du ptp bien plus compétitifs sur le plan des coûts (Cerdeiro 2016). En effet, l’Aléna a clairement spécialisé le Mexique dans la production manufacturière, ce qui positionne le pays en concurrence directe avec les économies à bas coûts comme le Vietnam ou la Malaisie. Il est donc possible que le Mexique souffre d’une restructuration du commerce et de l’Ide qui porterait préjudice aux indicateurs macroéconomiques (Steinberg 2014).

Sur le plan commercial, le Mexique serait le deuxième pays à faire le plus de sacrifices en ce qui concerne les tarifs douaniers. En effet, la moyenne est de 7,8 % (le Vietnam a une moyenne de 9,5 %) et donc le pays a été bien plus protégé jusqu’à présent que ne l’ont été des économies comme celle de la Malaisie dont la moyenne des tarifs est de 6,5 %, celle du Chili qui est de 6 %, celle du Japon de 4,6 %, celle du Canada de 4,3 % ou encore celle des États-Unis qui s’élève à seulement 3,4 % (Morales 2015 ; Granados 2015). Les secteurs qui ont toujours été les mieux protégés par la politique commerciale mexicaine, et donc les plus susceptibles de souffrir de la mise en oeuvre du ptp, sont l’agroalimentaire, le textile, le secteur électrique, le papier et l’agriculture (Cerdeiro 2016).

Au cours des négociations, on a constaté une faible défense de l’administration mexicaine au profit des produits sensibles ainsi que des pme, à la différence par exemple de celle du Japon. De même, on a observé une absence de débats, ce qui est caractéristique des négociations entreprises par le Mexique depuis celles de l’Aléna (Granados 2015). Il faut tout de même noter que des périodes de transition ont été négociées et obtenues pour certains produits vulnérables comme le lait, le riz, les sardines, le café et, ici encore, le textile. Cependant, ces périodes censées préparer les secteurs vulnérables à la concurrence se sont révélées être un échec dans le cadre de l’Aléna, où le Mexique avait également obtenu une période de 14 années pour préparer certains produits agricoles clés comme le maïs ou le haricot à la concurrence nord-américaine. Or, rien n’avait été entrepris ni par l’autorité publique ni par les producteurs pour se préparer à l’ouverture. Cette situation a finalement causé, dès 2008, de graves préjudices dans de nombreux milieux socioéconomiques locaux, débouchant sur un important flux migratoire, un niveau élevé d’économie informelle et un renforcement des cartels mexicains. En nous basant sur l’expérience de l’Aléna, nous pouvons donc penser que l’histoire pourrait se répéter.

En outre, le ptp pourrait nuire à certains secteurs mexicains grands employeurs de main-d’oeuvre, principalement les plus vulnérables sur le plan de la compétitivité en raison (1) de la concurrence de pays asiatiques membres du ptp, basée sur la productivité et le bas coût de la main-d’oeuvre, (2) des nombreuses pratiques illégales, par exemple le recours au travail forcé en Malaisie dans des secteurs importants pour le Mexique, comme l’agriculture, la pêche, l’électronique, le textile ou encore l’industrie du vêtement (Granados 2015) et (3) de la présence indirecte de la Chine, au travers d’investissements productifs. Ce dernier point pourrait renforcer l’instrumentalisation de certains pays asiatiques du ptp, avec qui la Chine entretient déjà des relations commerciales, pour accéder non seulement au marché mexicain, mais aussi à celui des États-Unis (Acebras et Czerwonko 2015 ; Cerdeiro 2016). Sur ce dernier point, le cadre normatif lié à la règle d’origine qui a été négocié permettrait au Vietnam et à la Malaisie d’intégrer certains produits chinois dans les chaînes automobiles, par exemple, mais aussi dans le secteur du textile (Granados 2015 ; Rudiño 2016a). Un pays comme le Vietnam pourrait se révéler le plus important concurrent du Mexique, notamment dans les industries du textile, des vêtements, de la chaussure, de l’électronique, de l’informatique, des équipements médicaux, de la machinerie ou encore du jouet.

B – Sur le plan des investissements

Il existe un risque non négligeable de délocalisation de filiales manufacturières dont pourrait souffrir le Mexique en raison du relativement bas niveau de compétitivité de l’économie mexicaine, qui se classe au 57e rang sur 144 pays (en comparaison, le Vietnam occupe le 56e rang et la Malaisie, le 18e rang) (Villafuerte 2016). Pour certains, le Mexique, en raison d’une concurrence asiatique accrue, pourrait être absorbé par la tendance déjà constatée, notamment en Amérique du Sud, de reprimarisation de l’économie. Nous pourrions donc assister à une importante croissante des exportations minières et pétrolières dans l’ensemble du commerce extérieur, ce qui rendrait le modèle de développement plus incertain (Cheong et Takayama 2015).

Par ailleurs, la volonté des autorités publiques de favoriser des politiques de rétention de l’Ide fait peser sur le pays un risque de détérioration des conditions sociales et environnementales du fait de la flexibilisation ou de la détérioration probable du cadre normatif. Par exemple, les salaires, déjà extrêmement bas par comparaison avec ceux des États-Unis, pourraient ne pas augmenter, ou très peu, par crainte de délocalisation. On pourrait également constater une dégradation de l’accès à la sécurité sociale en raison des charges que cela pourrait signifier pour les investisseurs étrangers (Cerdeiro 2016). Ces tendances ont déjà été constatées durant la dernière décennie alors que le pays souffrait d’une concurrence croissante pour attirer l’investissement direct étranger dans le domaine manufacturier. Par conséquent, il est à craindre que le ptp ne fasse que confirmer cette tendance. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer une stratégie de type « industrial upgrading », ou internalisation de la valeur ajoutée sur le modèle asiatique, dans la mesure où la stratégie privilégiée par l’administration est de tendance conformiste plus que proactive. Il est intéressant de remarquer que les autorités mexicaines ont toujours adopté une perspective de court terme, à la différence des pays d’Asie du Sud-Est qui ont tendance à choisir une consolidation planifiée de leur structure économique dans une optique de long terme, comme ce qui a pu être observé dans le cas des dragons ou des tigres asiatiques depuis les années 1960. Ce paradigme culturel bien présent au sein de l’administration mexicaine n’est en aucun cas de bon augure dans le cadre du ptp.

Avant l’arrivée de Trump au pouvoir, l’administration Obama avait déjà des visées protectionnistes. En effet, Washington souhaitait élever les standards des conditions de travail dans le cadre du ptp, dont l’intention à peine voilée était de protéger les emplois américains, mais aussi de récupérer certaines activités manufacturières. Ces mesures auraient certainement provoqué un mouvement de rapatriement de l’Ide vers les États-Unis ; c’était du moins l’objectif poursuivi (Serfati 2015 ; Irwin 2016). Dans ce sens, les pays les plus affectés auraient bien entendu été le Mexique, mais également le Vietnam ou encore la Malaisie. Cependant, certains affirment qu’une telle décision aurait pu éviter une concurrence destructrice pour le Mexique avec les pays qui présentent des bas coûts et ces mesures auraient servi finalement de mécanisme de rétention pour l’Ide dans le secteur manufacturier face à de possibles délocalisations (Diamond 2016 ; Pardinas et Wood 2016).

Dans le secteur automobile, qui est l’industrie phare de l’économie mexicaine dans la mesure où elle représente plus de 18 % des exportations du pays, les gains que pourrait apporter le ptp sont flous, malgré l’optimisme du gouvernement. Certains analystes affirment même que le Mexique pourrait perdre ce qu’il a pu obtenir avec l’Aléna (Cheong et Takayama 2015). Par exemple, si l’on prend le cas de la règle d’origine, celle-ci est de 62,5 % dans le cadre de l’Aléna. Il a donc toujours été plus difficile, dans ce contexte, pour les voitures asiatiques de pénétrer directement le marché des États-Unis, ce qui a permis au Mexique de recevoir les Ide états-uniens, mais aussi asiatiques et européens. Le pays a donc bénéficié d’un statut privilégié qui risque fort de disparaître dans le ptp. En effet, ce dernier prévoit établir que le contenu régional sera d’au moins 45 % pour les voitures et entre 35 % et 45 % pour les pièces détachées. Il est à noter que l’Association mexicaine de l’industrie automobile (Amia) a exercé une forte pression pour que la proposition japonaise de fixer le seuil de la règle d’origine à 40 % soit refusée. L’industrie automobile japonaise intègre de fait dans sa production certaines pièces provenant de pays de l’Asean non membres du ptp, ce qui pourrait nuire considérablement à l’industrie mexicaine (Ramirez Hernandez 2016). Malgré cela, il est évident que l’actuelle règle en vigueur au sein de l’Aléna sera modifiée en faveur d’autres pays, et notamment du Japon qui pourra continuer à importer certaines pièces détachées de pays comme la Thaïlande (Aichele et Felbermayr 2015). En outre, le Mexique devra subir les effets de l’élimination des tarifs douaniers actuellement en vigueur aux États-Unis et au Canada vis-à-vis de l’ensemble des pays membres du ptp, aussi bien dans le secteur automobile que dans celui des pièces détachées. Une fois de plus, il est à craindre que le Mexique ne souffre directement de la concurrence des pays asiatiques dans ses exportations vers les États-Unis.

L’agriculture, autre secteur sensible, devra faire face à une vive concurrence, ce qui pourrait compromettre la sécurité alimentaire déjà bien affaiblie par l’Aléna. En effet, la productivité mexicaine dans ce secteur est bien inférieure à celle de l’Australie, du Canada ou encore de la Nouvelle-Zélande pour des produits clés comme la viande ou encore le lait. Nous devrions donc observer à nouveau une détérioration de la production agricole mexicaine. Ainsi, le ptp devrait accentuer une tendance déjà observée dans le contexte de l’Aléna. Les craintes sont d’autant plus justifiées que le ptp autorisera le maintien des subventions ainsi que des monopoles et oligopoles. En fait, il existe une réelle préoccupation des secteurs dont les importations ont été croissantes au cours des dernières années du fait de la concurrence grandissante de nombreux pays dont certains sont membres du ptp. C’est notamment le cas pour le miel, la viande et les céréales (Solís 2016). Le lait devrait également souffrir, puisque c’est le produit qui, dans le cadre de l’Aléna, était le plus protégé ; le Mexique se verrait notamment affecté par le monopole en vigueur dans ce secteur en Nouvelle-Zélande (Burfisher et al. 2014). En outre, Mexico pourrait perdre son accord préférentiel avec Washington sur le sucre. Comme conséquence, les exportations sucrières vers le géant nord-américain pourraient chuter au profit de celles du Canada et de l’Australie (Burfisher et al. 2014).

Toujours dans le secteur agricole, il existe un risque d’importations croissantes d’huile de palme en provenance de la Malaisie qui pourraient affecter gravement les efforts gouvernementaux mexicains, notamment au Chiapas, visant à développer ce produit stratégique avec des visées sur le plan de la sécurité alimentaire, mais surtout sur celui de la sécurité énergétique (Solís 2016). Par conséquent, le déficit commercial dans le domaine agroalimentaire, déjà très important dans le cadre de l’Aléna, pourrait continuer à se creuser, affectant la stabilité du modèle de développement.

D’autres conséquences dommageables pour la stabilité du modèle national pourraient survenir dans le domaine des entreprises publiques. En effet, le ptp considère que ces dernières doivent fonctionner selon les critères de l’économie de marché. Cependant, une entreprise comme Pemex apporte aujourd’hui à l’État mexicain plus de 30 % de ses recettes budgétaires (Rudiño 2016b). Le ptp pourrait donc affecter de manière importante la capacité fiscale, dans le cas où l’État ne serait plus capable de compenser les pertes en revenus fiscaux par une consolidation de l’économie nationale, une récupération de l’économie informelle et une diminution de l’énorme évasion fiscale dont souffre le pays. Un autre domaine qui pourrait être affecté est celui de l’accès à la santé. En effet, selon l’Organisation mondiale de la santé (oms), le ptp limiterait l’accès aux médicaments dans des pays comme le Mexique et le Pérou à cause de l’existence d’une surprotection largement favorable aux brevets des laboratoires états-uniens. Dans le cas du Mexique, la période de validité d’un brevet est de vingt ans depuis 1991, mais elle pourrait être prolongée si l’on applique les règles telles qu’elles sont stipulées dans le ptp. Au Mexique, ce constat pourrait avoir des conséquences graves dans la mesure où le système de sécurité sociale est extrêmement défaillant, et par conséquent la grande majorité des individus optent pour l’achat de médicaments génériques (Granados 2015).

IV – Conclusions et conséquences possibles de l’élection de Donald Trump

Lors des négociations du Partenariat transpacifique, nous avons pu constater que la structure et le paradigme de prise de décisions de la part du Mexique étaient identiques à ce qu’il a été possible d’observer lors des négociations de l’Aléna. Les conséquences analysées pour l’accord nord-américain devraient se confirmer, à savoir une compétitivité croissante des chaînes de valeur états-uniennes débouchant sur une consolidation des indicateurs macroéconomiques du Mexique. En ce sens, il existe une importante opportunité à saisir pour solidifier l’insertion du pays dans les chaînes de valeur globales. Cependant, le renforcement de la spécialisation du pays dans la production manufacturière basée sur les bas coûts devrait contribuer à accroître dangereusement la précarité du modèle de développement et celle du tissu socioéconomique. Il pourrait s’ensuivre une accentuation du différentiel de compétitivité et de productivité avec les États-Unis, ce qui aurait pour conséquence une augmentation toujours plus grande de la brèche salariale entre les deux pays ainsi qu’une dépréciation du peso mexicain. Ces dynamiques déjà observées au cours des deux dernières décennies provoqueraient une série de conséquences néfastes pour la consolidation du modèle national : hausse de l’inflation sur les biens de première nécessité (aliments et énergie), dette souveraine dangereusement importante hypothéquant le futur de la nation, perte de sécurité alimentaire aggravant les problèmes sociaux, précarisation des emplois et économie informelle grandissante, consolidation d’une structure économique nationale non propice aux effets d’entraînement attendus par l’arrivée de l’Ide, politiques publiques bicéphales tendant à appuyer les secteurs compétitifs au sein du ptp au détriment des secteurs qui ne le sont pas, proportion croissante de la population marginalisée et développant des solutions en marge de l’autorité publique, etc. Le cercle vicieux dans lequel s’insérerait le Mexique éloignerait encore plus la possibilité d’un modèle de développement intégral et inclusif. Par conséquent, à l’image de ce qui a été constaté depuis la mise en oeuvre de l’Aléna il y a presque 25 ans, on risque de se trouver devant un tableau dans lequel le Mexique présenterait de bons résultats sur le plan macroéconomique, résutats qui occulteraient la grave détérioration du tissu socioéconomique national.

L’élection de Donald Trump à Washington est venue modifier les pronostics, dans la mesure où ce dernier s’est engagé non seulement à ne pas ratifier le ptp, mais aussi à réviser l’Aléna. Il convient de noter que, puisque Barack Obama n’a pas réussi à faire approuver le texte avant la fin de son mandat, c’est le président Trump qui héritera de la décision finale concernant l’avenir de l’accord transpacifique. Durant le sommet de l’Apec qui s’est tenu à Lima en novembre 2016, le Mexique, l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et Singapour ont convenu de poursuivre le processus de ratification malgré un possible retrait de Washington. Le Japon a même obtenu la ratification du traité au début du mois de décembre 2016. Paradoxalement, en de nombreuses occasions, le Japon a clairement indiqué qu’il écartait la possibilité de la mise en oeuvre d’un accord transpacifique sans la participation des États-Unis.

Une autre hypothèse avancée est celle d’un rapprochement du Mexique et de la Chine. En décembre 2016, l’ambassadeur de Chine au Mexique, Qiu Xiaoqi, face à la possibilité de retrait des États-Unis du ptp et à la révision de l’Aléna, a offert à Mexico la perspective d’une alliance. Les deux pays comptaient profiter de la célébration de l’année de la culture chinoise au Mexique en 2017 pour consolider une relation déjà bien profonde, principalement sur le plan commercial. En fait, l’un des scénarios possibles serait que Pékin comble le vide laissé par Washington en se rapprochant de certains pays du défunt ptp. La Chine dispose d’ores et déjà d’un mécanisme d’intégration, le rcep (Regional Comprehensive Economic Partnership), qui se veut le contrepoids du ptp au sein de l’Apec, et qui regroupe actuellement 16 pays gravitant autour de l’économie chinoise. Jusqu’à présent, ce processus d’intégration n’inclut aucun pays des Amériques. Cependant, au sommet de l’Apec à Lima, Tan Jian, un haut fonctionnaire chinois, a annoncé que le Chili et le Pérou s’étaient montrés intéressés par le rcep. Malgré tout, la perspective d’une adhésion mexicaine aux négociations du rcep est difficile à envisager, en raison des possibles réticences et des pressions politiques de la part de Washington, qui exerce une forte influence sur les décisions de politique extérieure du Mexique. Certains indices laissent tout de même croire que le ptp pourrait survivre : Wilbur Ross, qui a été nommé secrétaire au Commerce, a exprimé son appui au ptp en de nombreuses occasions et certains experts proches de Donald Trump ont clairement fait savoir au président que le ptp était un excellent mécanisme pour contenir l’influence chinoise dans la région pacifique (Kaczynski 2016). Il est donc probable que le projet ne sera pas complètement enterré avec l’arrivée du président Trump à la Maison-Blanche.

Il va de soi que, malgré les décisions que pourrait prendre la nouvelle administration Trump, la relation avec les États-Unis continuera d’être le moteur de la stratégie mexicaine. C’est surtout vrai dans la mesure où il est peu vraisemblable que Washington coupe radicalement tous ses liens avec le Mexique étant donné les synergies existantes, qui ont d’ailleurs contribué à consolider l’Aléna, que ce soit sur le plan économique, social ou même culturel. L’une des mesures prises pourrait être le rétablissement des droits de douane jusqu’à 35 % sur certains produits en provenance du Mexique, ainsi que l’avait annoncé le candidat Trump durant la campagne présidentielle. Assurément, les décisions protectionnistes que risque de prendre la nouvelle administration Trump affecteront les indicateurs macroéconomiques du Mexique dans la mesure où il sera de plus en plus difficile d’attirer de nouveaux investissements directs étrangers. Déjà, certains projets d’investissement, comme ceux de l’entreprise d’appareils de refroidissement Carrier qui devait établir une filiale à Monterrey en 2017, ont été annulés. Cependant, ainsi que l’a déjà commenté le président Enrique Peña Nieto, le Mexique se conformera aux nouvelles exigences fixées par Washington et cherchera avant tout à préserver sa relation stratégique avec son incontournable partenaire. Dans ce contexte, le futur de la politique commerciale du pays, et donc de la stabilité de son modèle, est bien entre les mains de l’administration Trump.