Comptes rendusÉconomie internationale

A World of Struggle : How Power, Law, and Expertise Shape Global Political Economy, David Kennedy, 2016, Princeton Princeton University Press, 298 p.[Notice]

  • Noémie Boivin

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  • Noémie Boivin
    Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal Canada

L’économie politique internationale est généralement étudiée du point de vue de ses agents et structures. Dans A World of Struggle. How Power, Law, and Expertise Shape Global Political Economy, David Kennedy (professeur de droit et directeur de l’Institute for Global Law and Policy à la Harvard Law School) cherche à se distinguer de ces analyses macroscopiques qui, selon lui, occultent les moments où les règles de ces mêmes agents et structures sont remises en question par des individus. Grâce à une approche multidisciplinaire de l’expertise, il explore plus particulièrement le rôle des experts dans la création et la reproduction de systèmes qui favorisent une distribution inégalitaire des richesses mondiales. De cette façon, il aspire à promouvoir une pratique professionnelle plus consciente et, espère-t-il, responsable. David Kennedy explore le rôle de l’expertise, et particulièrement du droit comme pratique professionnelle, dans la reproduction de l’injustice au sein de l’économie politique internationale. Selon l’auteur, le domaine de l’économie politique internationale se caractérise par une lutte incessante entre les différents experts qui usent de la légitimité et du pouvoir de coercition que leur offre leur rôle afin de chercher à s’approprier ou à répartir une part de la richesse mondiale, laquelle peut être entendue en termes de ressources comme de pouvoir. L’argument est présenté en trois parties principales. Premièrement, David Kennedy démontre la centralité de la pratique créative, imaginative et interprétative – qu’il appelle « stories » – dans la définition et la redéfinition des frontières de la vie politique et économique. Par une interaction complexe entre savoir technique et pratique professionnelle, les experts construisent et reproduisent les agents, structures et systèmes qui caractérisent la sphère politique et économique. L’auteur soutient que cette interaction entre les experts s’exerce dans un cadre conflictuel, constante plutôt qu’exception en économie politique internationale. Les experts interagissent non seulement dans un environnement conflictuel, mais c’est surtout par cette conflictualité que la distribution du pouvoir politique et économique est possible. Deuxièmement, David Kennedy se penche plus particulièrement sur l’expertise afin de comprendre la façon dont le savoir des experts agit dans la constitution des agents et dans la formation des structures tout en servant d’outil aux individus poursuivant des projets de s’approprier et répartir des gains. L’expertise y est perçue comme un langage permettant à l’expert de légitimer la violence, la guerre et la coercition qui caractérisent l’économie politique internationale, tout en mobilisant la prétention de communiquer des résultats en toute objectivité. Troisièmement, l’auteur présente le droit – l’expertise qu’il considère lui être la plus familière – comme ayant un rôle important dans la lutte distributive, bien qu’il soit généralement associé au maintien de l’ordre, à la résolution de problèmes et à l’expression de valeurs universelles. Selon David Kennedy, dans un monde international en lutte constante, le droit n’a pas pour seul objet la régulation des éléments de base de l’économie politique internationale, mais également leur création. En effet, il présente le droit comme étant l’expertise impliquant, de par son seul pouvoir du langage, les plus hauts niveaux de légitimité et de capacité de coercition. Afin d’illustrer son argument, l’auteur utilise l’exemple du droit de la guerre. Si, d’une part, cette sphère du droit crée pour les experts un espace de lutte doctrinale et institutionnelle concernant la limitation de la guerre, elle crée de ce fait un même cadre permettant de transformer l’exercice du pouvoir et de la violence souverains en droits. Enfin, en guise de conclusion, David Kennedy formule une critique de la théorie de la réforme, qu’il considère comme étant la théorie médiane située entre, d’une part, la promotion d’un changement systémique radical et, d’autre …