Comptes rendusMondialisation et transnationalisme

Globalization and Food Sovereignty. Global and Local Change in the New Politics of Food, Peter Andrée, Jeffery Ayres, Michael J. Bosia et Marie-Josée Massicotte, 2014, Toronto, on, University of Toronto Press, 376 p.[Notice]

  • Claudio Brenni

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  • Claudio Brenni
    Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation, Institut d’études politiques et internationales, Université de Lausanne, Suisse

Cet ouvrage collectif traite de manière approfondie la dimension politique de l’agriculture et de l’alimentation. Partant du constat des multiples crises écologiques, économiques, sociales et sanitaires qui affligent ce secteur, les différentes contributions mettent en question l’impact de la mondialisation néolibérale sur la production et la distribution alimentaire. À partir du concept de souveraineté alimentaire, les auteurs interrogent la relation entre le processus de globalisation et ses conséquences au niveau local, en illustrant avec de nombreux exemples les réactions des différents acteurs de la société civile et de certains États. De manière générale, l’ouvrage s’inscrit dans une approche critique de la politique internationale et des processus de globalisation. L’idéologie néolibérale dominante est discutée au fil des chapitres à partir de différents points de vue, parfois interdisciplinaires. Certains chapitres se caractérisent par des considérations issues des études de genre, d’autres des études postcoloniales, de l’écologie politique ou encore de la sociologie des émergences. Dans son ensemble, l’ouvrage reste cohérent, car les différentes contributions suivent toutes le même fil rouge qui considère la souveraineté alimentaire comme un élément central du contre-mouvement de protection face aux excès de la doctrine du marché libre. Ces considérations, inspirées par le travail de Karl Polanyi, permettent de cadrer la souveraineté alimentaire comme une alternative au mainstream néolibéral. Ainsi, l’activisme au nom de la souveraineté alimentaire vise le rétablissement et le renforcement des droits garantissant plus de justice sociale, dans un mouvement de réponse aux excès du marché libre. Les droits revendiqués visent notamment l’accès à la terre, aux ressources et aux connaissances ; la protection des réalités locales contre les effets de dumping social engendrés par le libre-échange ; et une garantie de participation aux processus politiques touchant les questions agricoles et l’alimentation. Ainsi, l’horizon de cet ouvrage ne s’arrête pas simplement à l’analyse de la politisation de la question alimentaire, mais il contribue plus largement aux débats portant sur les mouvements sociaux qui s’opposent aux processus de globalisation. C’est dans cette optique qu’il interroge la relation qui existe entre la dimension locale sur laquelle agissent la plupart de ces mouvements et le niveau international de la contestation pour laquelle ils se mobilisent. La douzaine de contributions qui composent l’ouvrage sont réparties en trois sections thématiques. La première porte sur la dimension théorique du concept de souveraineté alimentaire et sur son insertion dans différentes arènes politiques. Ici, le chapitre des responsables scientifiques pose le fil rouge du livre en discutant du lien théorique entre la souveraineté alimentaire et la théorie du contre-mouvement de Karl Polanyi, et en offrant un tour d’horizon de la littérature existante dans le domaine. Toujours dans cette section, signalons également le chapitre de Michael Menser, consacré à l’évolution de la notion de souveraineté, de sa conception westphalienne à celle focalisée sur les enjeux alimentaires. La souveraineté n’est plus l’élément central de la construction de l’État-nation. Elle prend plutôt la forme d’un droit à l’autodétermination qui se traduit par une sorte de démocratie maximale permettant de définir de manière autonome un espace de reproduction écosociale pour satisfaire de façon soutenable les besoins vitaux de la communauté locale. La deuxième section est consacrée à une perspective comparative de différentes études de cas s’inspirant directement ou indirectement de la souveraineté alimentaire. Ici, les contributions évoquent une multiplicité d’acteurs – société civile, État, organisations internationales – et les tensions existant entre les niveaux local, étatique, régional et international. À ce propos, le chapitre d’Irena Knezevic, qui porte sur les réalités agricoles de l’Europe centrale et orientale dans le contexte de transition et d’intégration à l’Union européenne, analyse remarquablement les tensions entre ces différents niveaux. Enfin, la …