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Les origines du droit des conflits armés sont lointaines et probablement concomitantes avec la notion de guerre. Ces règles évoluent, s’adaptent et sont modifiées en fonction des mutations de la société ou de la communauté internationale. C’est ce qui ressort du présent ouvrage, sous la direction de Vincent Chetail. Cet ouvrage a pour principal objectif, d’une part, de présenter les règles fondamentales du droit international humanitaire et, d’autre part, d’analyser les grandes évolutions majeures de cette branche du droit international. L’ouvrage collectif est composé de cinq parties.
La première partie, intitulée « La notion de conflit armé », fait la lumière sur les ambiguïtés liées à la qualification d’une situation en tant que conflit armé. En d’autres termes, quels sont les éléments constitutifs d’un conflit armé ? Quels sont les critères de différenciation entre les notions de conflit armé interne et de conflit armé international ? Quels événements précis marquent le début et la fin de l’occupation ? Cette partie, quoique fondamentale en droit international humanitaire, manque cruellement d’un intérêt actuel. Par exemple, la contribution d’Éric David dans cette partie de l’ouvrage est trop synthétique. Il a déjà par le passé produit des travaux assez exhaustifs sur la notion de conflit armé.
La deuxième partie s’attache à présenter les « nouveaux acteurs des conflits armés ». Bien que cette partie présente différentes catégories d’acteurs participants ou pouvant participer directement aux hostilités, nous ne pouvons ici que recenser une « nouvelle » catégorie d’acteurs. Il s’agit des employés des sociétés militaires privées. Aussi, dans la mesure où ils ne sont pas véritablement de nouveaux acteurs sur le plan historique ou sociologique, c’est bien leur statut ou les règles qui leur sont applicables qui laissent présager une sorte de nouveauté. Mamadou Hébié souligne qu’il n’existe pas en fait de vide juridique autour du statut de ces derniers. D’une part, ils sont des combattants dans le cas où ils appartiennent ou sont incorporés de jure ou de facto aux forces armées d’un État. D’autre part, ce sont des civils dans le cas où ils ne participent pas directement aux hostilités ou sont assimilés comme personnel civil accompagnant les forces armées. Les autres contributions dans cette partie ne font que décrire les règles applicables à certains types d’acteurs bien identifiés dans les conventions existantes.
Dans la troisième partie, l’accent est mis sur « les espaces des conflits armés », l’espace étant ici la situation ou le lieu géographique où peut se produire un conflit armé. Le cas des espaces aériens et extra-atmosphériques est traité par Mireille Couston et Géraldine Ruiz. Ces auteures affirment que le droit international humanitaire et le droit aérien s’appliquent indissociablement au conflit armé mené dans l’espace aérien. De ce fait, les parties au conflit doivent respecter les principes fondamentaux de l’objectif militaire et de la proportionnalité. Aussi, même si un flou juridique demeure quant aux règles applicables à d’éventuelles hostilités menées dans l’espace extra-atmosphérique, les auteurs estiment que le raisonnement par analogie permet de conclure que les règles applicables aux combats dans l’espace aérien s’appliqueraient aussi aux combats dans les espaces extra-atmosphériques. Ce raisonnement, bien qu’équivoque, a le mérite d’apporter une solution à un problème qui dépasse le simple cadre du droit de la conduite des hostilités.
La quatrième partie est intitulée « Les méthodes de combat ». Yves Sandoz y revient sur les principes fondamentaux concernant la conduite des hostilités. Ainsi, la conduite des hostilités demeure gouvernée par les sacro-saints principes du jus in bello et les nombreuses conventions qui l’encadrent. L’auteur s’étend aussi sur la question des cibles duales, et conclut que c’est sur les principes de précaution et de proportionnalité que doit porter le débat sur cette question. On remarque toutefois que cette partie de l’ouvrage aurait dû être intitulée « moyens et méthodes de combat », tant l’accent est mis sur les armes. En effet, deux chapitres sur les trois qui composent cette partie traitent des armes. La contribution de David Cumin porte sur le cas des agents psychotropes, lesquels sont de nouvelles armes non létales en jus in bello. Annysa Bellal et Stuart Casey-Maslen, quant à eux, se penchent sur les armes à sous-munitions en droit international. Toutefois, pour un ouvrage aussi récent que celui-ci, on aurait aimé qu’ils abordent des problématiques nouvelles, telles que les cyberattaques, les systèmes d’armement télécommandés, et les systèmes d’armement autonomes létaux.
« La juridictionnalisation du droit des conflits armés » est l’objet principal de la cinquième et dernière partie. Cette partie est l’occasion pour les auteurs de faire un état des lieux sur la jurisprudence en matière de justice pénale internationale. Olivier de Frouville et Olivia Martelly soulignent que les tribunaux mixtes sont confrontés à de nouvelles questions de droit, telles que la poursuite des enfants soldats, la poursuite des membres des opérations de maintien de la paix, le mariage forcé. Leurs Statuts et jurisprudences contribuent à renforcer la justice pénale internationale. Cette partie s’adresse plus particulièrement à ceux qui s’intéressent à la répression des crimes de guerre et du génocide.
Le droit international humanitaire est-il adapté aux conflits armés contemporains ? Le présent ouvrage nous répond par l’affirmative. Il existe un corpus de règles et de principes assez solides pour faire face aux évolutions récentes en matière de conflit armé. Toutefois, de nombreuses problématiques et cas d’espèce contemporains n’ont pas été abordés dans cette étude, notamment l’utilisation des nouvelles technologies et le droit des conflits armés.