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La région comprenant l’Afghanistan et le Pakistan subit d’importants changements stratégiques, lesquels ont notamment été mis en relief dans le présent livre. Sous la direction de Joachim Krause et Charles King Mallory, cet ouvrage collectif fait la lumière sur les enjeux stratégiques pour la communauté internationale à la suite du retrait annoncé des forces de la coalition en Afghanistan. Par ailleurs, il s’inscrit dans le large champ des relations internationales.
Dans le passé, de nombreux travaux ont déjà été menés sur les effets de l’après-11-Septembre et ses répercussions au regard de l’action menée par les États-Unis et leurs alliés à travers les missions de l’otan (North Atlantic Treaty Organization – nato) ou de la Force internationale d’assistance à la sécurité (fias) (International Security Forces – isaf) en Afghanistan. Le présent ouvrage contribue pour sa part à mettre en évidence les échecs des politiques entreprises par les puissances occidentales, et à présenter les ajustements stratégiques nécessaires pour instaurer une stabilité durable en Afghanistan. Sans jamais tomber dans la caricature des dynamiques tribales de l’Afghanistan et du Pakistan, les auteurs réussissent avec une certaine dextérité à démontrer dans cette oeuvre que le processus de paix dans ces régions ne se fera pas sans une intégration des aspirations des Afghans et Pakistanais ordinaires dans les stratégies des alliés occidentaux.
Les contributions sont classées en trois parties. La première partie est relative à l’épineux problème afghan. Ici, les auteurs dressent entre autres un tableau sociologique du fonctionnement de la vie politique de ce pays. On apprend par exemple que le problème avec la pseudo-stratégie de construction d’un État-nation en Afghanistan est lié au fait qu’il n’y a jamais vraiment eu une forme organisée d’État dans ce pays. Thomas Rutting remarque à cet effet que l’insurrection talibane est plus un symptôme qu’une cause de la déstructuration de ce pays. En plus d’une absence de stratégie claire des forces de la coalition avant 2010, les alliés ont minoré le traumatisme vécu par la population dû à plus de trente ans de conflit armé interne (et quelquefois internationalisé). On peut aisément conclure que pour les auteurs, la configuration sociologique de l’Afghanistan aurait dû être au centre de toutes les stratégies des alliés. Il s’agit d’un élément important à retenir de cet ouvrage.
En outre, la première partie est aussi l’occasion d’évaluer la stratégie de contre-insurrection (counterinsurgency) adoptée par l’administration Obama, et pilotée par le général Stanley McChrystal. Cette stratégie prévoyant des négociations avec les talibans et une date de retrait des troupes pour la fin de 2014 n’est pas exempte d’incertitudes et de critiques. Pour Anthony Cordesman, cette stratégie ne permet pas de garantir que, lorsque l’otan et la fias quitteront le pays, les talibans seront assez affaiblis pour être maîtrisés par les Forces de sécurité nationales afghanes (Afghanistan National Security Forces – ansf). Pour ce dernier encore, la transition n’assure en rien une certaine autonomie financière et économique de l’Afghanistan. Toutefois, bien que les auteurs parviennent avec justesse à présenter la prépondérance des États-Unis dans les stratégies mises en place en Afghanistan, le rôle du Conseil de sécurité des Nations Unies n’est jamais vraiment explicité. Pourtant, le mandat de l’otan et de la fias est et doit toujours être en accord avec les résolutions du Conseil de sécurité. On aurait souhaité que les auteurs, dans cette partie, évaluent les stratégies des Nations Unies quant à leurs relations avec les talibans.
La seconde partie de l’ouvrage traite de la place du Pakistan comme indispensable partenaire pour les pays occidentaux dans la politique de stabilisation de la région Afghanistan/Pakistan. Dans cette partie qui s’étend seulement sur une trentaine de pages, les auteurs s’emploient à démontrer que le Pakistan, tout comme l’Afghanistan, est un État en déliquescence (failing state). Les auteurs relèvent aussi que, compte tenu de son statut de puissance nucléaire, les conséquences de sa faillite totale pour les Occidentaux seraient plus désastreuses que celle de l’Afghanistan. Christine Fair souligne ainsi que le Pakistan pose aux Occidentaux un problème stratégique plus important que celui posé par l’Afghanistan. Néanmoins, cette seconde partie n’est pas essentielle pour comprendre l’ensemble de l’ouvrage, puisque la troisième partie du livre résume et revient sur les problèmes intérieurs du Pakistan.
Dans la troisième partie, les auteurs énumèrent quelques éléments clés à considérer par les Occidentaux pour tout changement stratégique dû au retrait des forces de la coalition en Afghanistan à la fin de l’année 2014. Anthony Cordesman estime qu’un grand jeu (« Great Game ») se jouera entre les grandes puissances (« Great Powers ») (Russie, Chine, États-Unis) dans le but de contrôler et d’influencer la région. De plus, la transition et le retrait auront des conséquences marquées sur l’économie des deux pays. Keith Crane et Victoria Greenfield relèvent que le budget de l’Afghanistan et celui du Pakistan sont très dépendants de l’aide américaine. Le lecteur sera probablement séduit par la qualité des statistiques et prévisions économiques sur l’Afghanistan et le Pakistan présentées par les auteurs dans cette partie.
Au-delà du fait de présenter les changements stratégiques actuels se produisant dans cette région du globe, l’ouvrage permet aussi de comprendre les futures interactions socioéconomiques en Afghanistan à la suite du retrait des forces de la coalition. Toutefois, l’ouvrage apparaît comme un support didactique destiné aux initiés de la science politique et des études en Relations internationales. Le profane ne trouvera pas forcément son compte ici. Par ailleurs, les auteurs ont éludé l’impact d’un probable changement stratégique dans cette région en raison des élections présidentielles de 2016 aux États-Unis qui fourniront sans doute une nouvelle administration avec, peut-être, une nouvelle politique.