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Établi à Singapour en 1968, l’Institute of Southeast Asian Studiesqui souligne l’autonomie dont il jouit accueille aujourd’hui trois centres de recherche : l’asean (Association of Southeast Asian Nations) Studies Centre (asc), le Nalanda-Sriwijaya Centre et, enfin, le Singapore apec (Asia-Pacific Economic Cooperation) Study Centre. C’est le premier centre qui retiendra notre attention, puisqu’il publie un recueil intitulé asean-us Relations. What are the Talking Points ? qui fait suite à un atelier de l’asc organisé en juillet 2010. Les participants y ont débattu de trois thèmes : la coopération politique (et sans doute en filigrane militaire), alors que la mer de Chine méridionale constitue une zone géostratégique d’importance ; les questions stratégiques, le Myanmar récemment admis au sein de l’Association retenant l’attention des participants ; enfin, le développement des ressources humaines que Washington souhaiterait appuyer, Jennifer Collier Wilson, représentante de l’usaid (United States Agency for International Development, l’Agence des États-Unis pour le développement international) insistant sur le caractère apolitique de la contribution de l’Agence.

Avant de revenir sur un livre dont la recension est délicate, sans doute y a-t-il d’abord lieu de rappeler ce que cet ouvrage omet. D’ailleurs, le site Internet de l’asean (www.asean.org/asean/about-asean/history) permet au profane d’accéder rapidement à quelques éléments historiques. Une telle présentation s’appuie cependant sur le premier chapitre d’une publication de l’asean (asean at 30) qui commémore ses trente ans d’existence. Les temps ayant changé, le site Internet ne mentionne guère les circonstances de la création de l’organisation au moment où son parrain états-unien, engagé dans la guerre du Vietnam, s’inquiétait ainsi que de l’extension du communisme et de l’influence que la République populaire de Chine s’attachait à réaffirmer dans ce qui constituait sa zone de rayonnement traditionnelle. Il s’agissait aussi de pérenniser l’influence occidentale dans une région maritime à l’importance stratégique indéniable.

Revenant à la présentation historique que propose le site Internet de l’asean, il faut rappeler que, le 8 août 1967, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande fondèrent une organisation intergouvernementale (l’asean) qui se félicite maintenant de sa pérennité. D’autres régions du monde, il est vrai, peinent encore à se doter de telles structures. Au moment de sa création, l’Association souligna, dans un court texte composé de cinq articles, la volonté de ses membres d’une coopération régionale, notamment dans les domaines économique, social, culturel, technique et éducatif. L’objectif primordial n’en était pas moins la promotion de la paix et de la stabilité régionale. Les membres de l’asean insistaient sur leur attachement aux principes contenus dans la Charte de l’Organisation des Nations Unies.

Le Brunéi Darussalam s’est joint à l’Association en 1984. À la fin des années 1990, ce fut au tour du Cambodge, du Laos (seul État membre à ne pas disposer d’une façade maritime), du Myanmar et du Vietnam. L’asean consentait ainsi à accueillir des pays dont les régimes revêtaient des colorations politiques variées, tandis que la question du respect des droits humains ne figurait pas à son ordre du jour. Quant à l’admission du Myanmar, elle visait – pour schématiser – à encourager un État aux ressources naturelles convoitées à prendre le chemin de la démocratie… ou, tout au moins, à choisir, comme les neuf autres membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est, l’alliance américaine plutôt que chinoise.

asean-us Relations. What are the Talking Points ? s’apparente aux livres blancs que nombre de gouvernements, soucieux de populariser leurs thèses tout en témoignant de leur bonne foi, s’attachèrent un temps à publier. Les spécialistes de l’Asie du Sud-Est, mais aussi les profanes qui souhaiteraient acquérir quelque connaissance, s’interrogeront sur l’utilité des contributions qui y sont présentées. Et ils douteront de l’autonomie dont se flatte de jouir l’Institute of Southeast Asian Studies, qui les publie. Des onze articles présentés, trois seulement peuvent prétendre – en dépit de leur approche partisane – participer de la démarche qui motive tout chercheur. De fait, plusieurs contributeurs appartiennent au corps diplomatique ou en sont issus, et usent donc d’un langage feutré.

Ce livre vante un plus grand engagement américain aux côtés de l’Association. Il insiste tout particulièrement sur un fait inédit : la participation, au mois de novembre 2009, du président des États-Unis Barack Obama à un sommet de l’asean. La diplomatie américaine souligna ainsi l’attention qu’elle portait à l’Asie du Sud-Est, tandis que, depuis lors, les membres de l’asean ont estimé que la Maison-Blanche pouvait inciter l’Association à se doter d’institutions régionales, notamment financières, propres à attirer les investissements américains, s’opposant ainsi à l’influence chinoise croissante. Et nul d’évoquer, s’il faut en croire le recueil examiné ici, les enjeux géostratégiques et donc militaires dont l’Asie du Sud-Est est le champ.