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Anthony Chase propose une fois encore un ouvrage sur les droits de l’homme dans le monde musulman. Ce livre, qui s’inscrit pleinement dans l’étude des Relations internationales, aborde les droits de l’homme sous l’angle d’un régime international.
Il trouve un écho très fort dans l’actualité de l’année 2012 et le « printemps arabe », mais ne se limite pas à l’étude des évènements récents, proposant une analyse globale sur la construction et le sens du régime international des droits de l’homme dans le monde musulman.
Le monde musulman auquel il est fait référence ici couvre non seulement le Proche et le Moyen-Orient, mais aussi l’ensemble des populations musulmanes, majoritaires ou minoritaires. L’auteur affirme l’importance des droits de l’homme dans le monde musulman, puis s’attache à le prouver. Il montre ainsi comment les droits de l’homme sont devenus un paradigme pertinent dans le monde musulman et, plus loin, comment les acteurs ont contribué à créer le régime international des droits de l’homme. Chase explique ensuite que de nombreux acteurs non étatiques se sont emparés de ce discours. La transition est ainsi faite avec l’intégration du monde musulman dans l’espace transnational complexe. Les interactions entre islamisme et droits de l’homme sont étudiées en détail.
Sur le régime international des droits de l’homme, au-delà de l’aspect historique, Chase remet en perspective la question de l’efficacité. Il réaffirme que la force du régime ne peut se mesurer au respect – ou non – des droits de l’homme sur le terrain. Néanmoins, il souligne l’importance d’une intégration de ces droits au niveau des institutions nationales et internationales à un usage politique. Pour lui, les droits de l’homme ne sont pas un régime figé, mais sont en eux-mêmes une dynamique de changement. La conception de ces droits évolue dans le temps et dans l’espace. Pour autant, Chase ne souscrit pas au relativisme. Il argumente pour la reconnaissance des populations et des groupes sociaux comme des agents de changement. Dans cette dynamique de changement, les droits de l’homme sont un moteur, mais se trouvent également influencés. La question de l’intérêt des acteurs concernés, et notamment des États, dans la promotion du régime des droits de l’homme est également abordée.
Plus fondamentalement, le titre du livre renferme une question qui traverse l’ensemble de ses pages. Les droits de l’homme sont-ils, par nature, réformistes ou révolutionnaires ? Poussent-ils à la discussion et à des aménagements, ou à un mouvement de renversement ? Chase explique que les droits de l’homme, qui incitent les populations à définir elles-mêmes les structures politiques qui leur conviennent et les représentent, sont plutôt des facteurs de réforme. Cependant, quand ces idées se développent dans des États qui ne peuvent pas les mettre en pratique, elles ont un potentiel révolutionnaire.
La question du « printemps arabe » est envisagée, parmi d’autres exemples, et illustre largement cette idée. L’auteur explique que ces mouvements ne sont pas surprenants, car le régime international des droits de l’homme recevait un écho dans la population et parfois au niveau des gouvernements (même s’ils se contentaient souvent d’affirmations sans suite). Or, la réforme de ces régimes basés sur l’autoritarisme n’était pas possible : cela a donc amené les révolutions. Chase souligne aussitôt que ces révolutions sont différentes de ce qui a été connu jusqu’à présent, car elles ne sont pas basées sur une idéologie (qui ferait la promotion d’un modèle social, économique ou politique). Pour lui, si aucune de ces révolutions n’est encore achevée, celles-ci portent néanmoins la promesse d’un vrai changement.
D’un accès parfois difficile, car de nombreuses questions complexes sont abordées, cet ouvrage très argumenté développe des idées assez rarement mises en avant dans la littérature scientifique. La structure forte de l’ouvrage en huit chapitres (y compris l’introduction et la conclusion) permet au lecteur de suivre l’auteur dans ses intéressants raisonnements, exemples et remises en question.