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Dans un ouvrage intitulé Terrorism, Security & Human Rights. Harnessing the Rule of Law, Mahmood Monshipuri, professeur associé de relations internationales à l’Université de San Francisco, tente à son tour d’envisager les conséquences mondiales des drames du 11 septembre 2001 et de la politique étatsunienne qui y fit suite. L’étude des thèmes du terrorisme, de la sécurité et des droits humains a fait l’objet d’une abondante littérature, comme en témoignent les nombreuses références auquel le politologue a recours et la bibliographie détaillée qu’il offre au lecteur en fin de chapitre.

Monshipuri se propose cependant de relancer un débat portant sur un enjeu essentiel qui, à notre sens, rythmera à tout le moins la première moitié du 21e siècle : le sacro-saint principe de sécurité dont nombre de puissances occidentales se saisirent ; La lutte contre le terrorisme, arguèrent-elles implicitement, empêchait la parfaite garantie des droits fondamentaux de l’ensemble des populations qu’elles accueillaient sur leur sol. Parallèlement, l’Occident continuait de se faire le chantre de l’instauration d’une nécessaire démocratie dans le monde ; la guerre contre la terreur n’en succéda pas moins (à l’exception des quelques années qui suivirent la chute de l’Union soviétique) à la guerre froide ; les États-Unis, appuyés par des alliés qui, au fil du temps, exprimèrent publiquement leurs doutes affirmaient leur prééminence et l’avènement d’une ère unipolaire. Optimiste, l’auteur juge qu’une page d’histoire s’est tournée : le printemps arabe a donné naissance à « un nouveau climat d’activisme politique » ; des pays comme la Tunisie ou l’Égypte ont montré leur adhésion à « une transformation démocratique pacifique » et leur volonté de participer de la « démocratie électorale » (p. 13).

Dans son introduction, Mahmood Monshipuri souligne son attachement aux « instruments légaux » (legal instruments), tels les traités et les conventions internationales, mais aussi la diplomatie (p. 12). Et il entend traiter des « conditions » de l’utilisation de « tels outils » ; il estime que le bon usage de la diplomatie autoriserait la résolution pacifique d’antagonismes régionaux et internationaux. De fait, l’auteur insiste tout au long de son ouvrage sur l’indispensable résolution du conflit israélo-palestinien, laquelle constituerait l’une des clés à l’instauration au Proche-Orient d’une paix durable, tandis qu’elle permettrait de désamorcer une partie à tout le moins des courants islamistes radicaux. En outre, le politologue enjoint implicitement à l’Occident de consentir à l’émergence d’acteurs régionaux désormais incontournables, comme la Turquie mais également l’Iran, sur la bonne foi duquel il s’attarde (peut-être un peu longuement). Il n’en dépeint pas moins l’intense activité diplomatique dont des scènes régionales aux fragiles équilibres (tels l’Irak et ses voisins) sont les théâtres.

Plutôt que de répondre à l’impossible problématique des conditions d’usage de ce qu’il nomme les « instruments légaux », le politologue vise à rappeler à un Occident vieillissant des réalités géopolitiques et géostratégiques que celui-ci s’emploie encore à oblitérer. En effet Mahmood Monshipuri, soucieux de ménager des lecteurs dont la majorité – suppute-t-il à juste titre – a été nourrie à l’aune de la toute-puissance et de l’incontestable bonne foi des politiques étrangères occidentales, s’essaie à une analyse neutre qu’il rythme par des recommandations dont le caractère répétitif nuit à une lecture néanmoins fluide. Sans doute ce travers est-il lié à l’organisation du livre ; le politologue aurait dû envisager de regrouper, dans un même chapitre, des thèmes qui requéraient une argumentation similaire.

Idéalisme que toute realpolitik interdit ? L’objectif – en tout cas affiché – de Monshipuri est d’inciter les décideurs occidentaux à se conformer aux valeurs qu’ils professent. D’une telle orientation dépendra le regain d’un prestige considérablement terni, en particulier durant la décennie écoulée ; les États-Unis, appuyés par leurs alliés, arguaient et arguent parfois encore de la nécessaire suspension de libertés pourtant fondamentales, voire de l’usage de la torture, pour lutter contre le terrorisme… et justifient ainsi les exactions commises.

Significativement, Mahmood Monshipuri n’utilise jamais une expression à laquelle nos médias occidentaux ont recours sans jamais la définir, celle de communauté internationale. Toutefois, ce n’est que dans son dernier chapitre (qui constitue la conclusion de son étude) que Monshipuri s’autorise à quelque franchise. Serait-ce qu’il souhaitait – avant de prendre position – offrir au lecteur un tableau exhaustif des enjeux internationaux et régionaux majeurs, tandis qu’il examinait la politique américaine au lendemain du 11 septembre 2001 ? Dans ce chapitre qui se veut – comme son titre (Towards Reframing the Debate) l’indique – une prospective, l’auteur déplore l’écart considérable entre l’idéalisme déclaré de la politique étrangère étatsunienne et sa réalité, rappelant des interventions armées significatives de 1983 à 2003 (dans l’île de Grenade, au Panama, en Afghanistan et en Iraq).

Angélisme feint ? Le politologue relève que l’emploi de moyens militaires ne conduit jamais à l’avènement de la démocratie. Pour preuves récentes, les tristes sorts de l’Afghanistan et de l’Irak. De même le phénomène terrorisme ira-t-il s’aggravant si les puissances occidentales refusent de contribuer aux libertés politique et économique de peuples qui y aspirent. L’auteur ne peut cependant ignorer que la seule défense d’idéaux ne motive guère le déclenchement de conflits. Ne s’agit-il pas, pour l’Occident, sinon d’empêcher, du moins de retarder l’irrémédiable déplacement des centres politique et économique décisionnels (qu’il continue d’accueillir) vers d’autres lieux géographiques comme l’Asie, alors que les ressources énergétiques se feront rares ?