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Ce livre est une compilation d’un ensemble de notes de cours en géographie économique donnés dans plusieurs universités anglo-saxonnes. Il prend son origine dans l’élaboration d’un guide par sujets pour le programme de formation continue de l’Université de Londres, publié en 2009. L’ouvrage a pour ambition d’apporter une contribution à l’analyse des processus économiques globaux par une synthèse générale de la littérature.
L’auteur amorce son texte par une description de l’instabilité de l’économie monde telle qu’elle est exprimée par la récente crise économique et financière. Concrètement, Sokol aborde la question de la croissance des inégalités à différentes échelles géographiques : globale, continentale, nationale et locale.
Avant d’aborder ce qui constitue l’un des thèmes essentiels de la géographie économique, Sokol s’efforce de la définir. Il y parvient fort mal, résultat assez compréhensible dans la mesure où l’auteur met en application les concepts traditionnels de la géographie : espace, lieu, échelle, avant d’aborder l’étude des approches proprement dites de la géographie économique. Bien qu’une telle approche comporte des mérites et puisse être utilisée avec efficacité, elle répond plutôt ici à une démarche pour l’essentiel inutile parce que mal intégrée à l’analyse. Ainsi, à moins de définir clairement chaque concept, on voit mal comment l’auteur peut prétendre expliquer l’importance et la fonction de la géographie économique dans la compréhension des processus économiques globaux. Hélas, ce problème se retrouve dans tout le manuscrit lorsque Sokol tente de présenter trois champs théoriques qui ont marqué la discipline : le néokeynésianisme, le marxisme et l’économie spatiale.
En ce qui concerne l’approche néokeynésienne, l’étude porte sur la théorie de localisation, le phénomène de distance et les mesures d’accessibilité. Sokol souligne là, apparemment sans le savoir, ce qui constitue l’une des grandes caractéristiques des inégalités économiques. Sans vraiment en expliquer adéquatement les mécanismes, Sokol évoque la façon dont les processus d’accumulation de connexions entre infrastructures, production économique et environnement construit intensifient les conditions de maillage ou de réseaux de l’économie monde. En menant une réflexion plus poussée, l’auteur aurait compris que non seulement ces développements ont permis de réduire les temps et les coûts de transport, mais qu’ils ont également permis de soutenir la globalisation des marchés.
S’agissant de l’approche marxiste, Sokol évoque la théorie du développement inégal en fonction de la création de la valeur, du circuit des capitaux et de la division spatiale du travail. Malgré de nombreux clichés, Sokol parvient à évoquer les modalités des crises économiques liées à l’évolution du mode de production capitaliste. Cependant, la partie consacrée au modèle centre/périphérie souffre d’une grande indigence sur le plan de l’analyse. L’auteur ne fait aucune référence aux concepts précités de géographie économique pour expliquer le fonctionnement de l’échange inégal. Une telle démarche aurait permis de comprendre que le marché de l’emploi peut être très précaire, car la circulation du capital permet une diversification dans les processus manufacturés et autorise une grande flexibilité dans la localisation de la production. L’exploitation du prolétariat est donc associée à l’introduction de nouveaux réseaux, à des changements dans les structures industrielles et à l’émergence, au déclin ou à l’abandon de nombreux secteurs d’emploi.
La section de l’ouvrage consacrée aux nouvelles théories porte sur les impacts géographiques des changements sectoriels, des processus industriels et de l’évolution technologique où s’entremêlent cycle économique, grappe industrielle, économie du savoir, sociologie des organisations et études de genre. En ajoutant qu’il s’agit d’introduire de nouveaux concepts géographiques, Sokol a succombé à cette facilité qui consiste à énumérer les tendances théoriques à la mode dont l’unité et la cohérence au sein de la géographie économique ne sont pas assurées. Cette section, au caractère fourre-tout assez marqué, contredit ce que l’auteur avait avancé au préalable sur les concepts clés de la géographie économique. Cette section souffre des mêmes défauts que l’ensemble, à savoir une rare faiblesse de l’analyse critique et une incapacité de synthèse. Bien que l’auteur démontre une certaine familiarité avec ces nouvelles approches, force est de reconnaître son incapacité à utiliser ces théories pour expliquer les inégalités économiques mondiales.
Sur le thème des processus économiques du monde contemporain, Sokol tente d’illustrer à quel point la direction des investissements, les problèmes de gouvernance, le corporatisme, les processus urbains, les marchés financiers, les technologies de l’information et les mouvements migratoires forgent les géographies économiques du monde. Mais, en raison de la structure discontinue et éclatée de cette section, le lecteur n’est pas en mesure de faire un bilan des mécanismes fondés sur des concepts ou des théories de géographie économique qui permettraient d’expliquer ces processus.
Toute l’argumentation de Sokol s’amenuise considérablement dans la partie consacrée aux défis politiques, où l’étude devient très faible. L’objectif consiste à lier les concepts théoriques à des exemples concrets de processus économiques contemporains afin d’identifier les défis politiques que soulèvent ces processus. Sokol assimile de façon erronée les théories de localisation, d’échange inégal et d’économie spatiale aux options politiques fondées sur le néolibéralisme, le socialisme et la troisième voie. L’auteur ne semble pas prendre conscience de la principale contribution de la géographie économique, à savoir l’étude des relations entre État, corporations et citoyens dans la gestion économique des territoires. Cette relation est à la source même de l’économie géographique.
La lecture de cet ouvrage est extrêmement décevante. Sokol fait preuve d’une méconnaissance presque totale de la littérature sur le sujet. Il a ignoré toutes les références pertinentes aux pionniers des théories de géographie économique. La faiblesse de la bibliographie est impressionnante. Y figurent à l’honneur des dictionnaires, des ouvrages secondaires médiocres et des sites Internet consultés en une seule journée. Les nombreux constats conceptuels et théoriques qui parsèment le livre semblent s’inspirer d’articles de Wikipédia. Les données des tableaux datent de plus d’une décennie. On ne trouve qu’une seule carte, non datée, sans échelle et contenant d’importantes erreurs. Les illustrations sont inutiles et s’adressent davantage à des enfants.
Au total, l’ouvrage a peut-être le mérite de souligner que l’effondrement des finances mondiales, la pauvreté et les inégalités croissantes procèdent des mêmes politiques néolibérales, mises en oeuvre dans le monde par les mêmes acteurs. Sokol disposait d’un magnifique sujet, mais il est fort regrettable que celui-ci n’ait pas fait l’objet d’une présentation plus sérieuse. La véritable analyse des crises économiques fondée sur la géographie reste à faire.