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L’ouvrage intitulé Leçons de droit international public est le fruit d’une série de cours, initialement donnés aux étudiants de l’Institut d’études politiques de Paris et de Lille. Il présente la particularité d’être un outil à la fois juridique et pratique pour appréhender les engagements internationaux et pour saisir l’exercice des fonctions internationales de l’État et les responsabilités qui en découlent. Rédigé sous forme de leçons, ce manuel reprend, présente et réactualise les thématiques classiques du droit international. Il revient de manière méthodique sur les principes, les sources et les sujets de ce droit. Les auteurs, spécialistes en la matière, ont enrichi ces thématiques à partir des évolutions récentes de la société internationale, des relations interétatiques et des problèmes planétaires que connaît la communauté internationale au début du 21e siècle et de sa capacité d’endiguer les dangers qui menacent l’humanité.
Il est évident, dans la logique d’un manuel, qu’une part suffisante doit être consacrée aux principes élémentaires relatifs à la sémantique du concept et de son évolution, aux nouvelles tendances qui y sont liées et à la posture des États au regard du droit international. Tous les États s’y réfèrent dans l’exercice de leurs politiques étrangères, mais ils divergent souvent quant à l’usage et à l’instrumentalisation du droit international.
Quelles que soient leurs positions, les États demeurent le sujet originaire de ce droit. Depuis quelques années, on croit que la décolonisation a marqué la fin du processus de création étatique. Or, la fin du 20e siècle et le début du 21e contredisent cette croyance. L’État a toujours une grande considération chez les peuples qui aspirent à émerger sur la scène internationale. En ce sens, l’ouvrage relate le phénomène étatique dans sa globalité (naissance, reconnaissance, méconnaissance…). Les auteurs illustrent ce phénomène, à la croisée de la science politique, du droit, des relations internationales, par l’exemple de l’État palestinien. Il s’agit d’un véritable phénomène qui peut servir de modèle à la fois au processus de la création d’un État, mais aussi à son inachèvement. Au regard du droit international, on ne peut pas parler d’État palestinien mais d’autorité palestinienne. La communauté internationale dans son ensemble n’est pas encore prête à reconnaître l’existence de cet État dont le peuple aspire à son indépendance depuis le mandat britannique dans la région. Pourtant, tous les éléments constitutifs de l’État sont réunis ; un territoire, même si sa configuration n’est pas homogène, une population et une autorité. Des accords (Oslo-Washington) ont été conclus entre les autorités palestinienne et israélienne allant dans ce sens, des résolutions des Nations Unies confortent ce processus… Pourtant, la création demeure une fiction tant qu’il n’y a pas d’accord sur certaines questions ; le statut de Jérusalem, les réfugiés palestiniens de 1948 et 1967, les colonies implantées dans les territoires occupés, la délimitation des frontières du futur État palestinien, le partage de l’eau.
Les 18 leçons s’inscrivent toutes dans la problématique de « l’idée d’oeuvre » du droit international public ; à savoir le maintien de la sécurité internationale. Celui-ci peut devenir une réalité à condition que l’action des États doive converger vers trois directions : la paix, la justice et le développement. C’est autour de ce triptyque que gravitent les leçons.
Le manuel décline la problématique de la paix dans son sens général. Mettre le monde à l’abri de la guerre passe par l’application stricto sensu du non-recours à la force, de la non- intervention dans les affaires intérieures et extérieures ainsi que du règlement pacifique des différends. L’instance chargée de maintenir la paix est, sans conteste, le Conseil de sécurité, dont le rôle a connu depuis quelques années un développement considérable tant au niveau d’élaboration des résolutions que sur le plan de l’extension de ses compétences. Le Conseil joue, selon la Charte des Nations Unies, la fonction de « police internationale ». Le chapitre vii de cette charte, dans son esprit initial, cherchait à mettre en place un système de sécurité collective, mais ce dernier n’a pas vu le jour en raison du traitement des affaires qui sont éminemment politiques et idéologiques. Le Conseil exerce sa fonction de maintien de la paix de manière variée : soit il use des pouvoirs de conciliation que lui confère le chapitre vi, soit il utilise les pouvoirs de coercition attribués par le chapitre vii. Ce chapitre lui permet de qualifier les situations et de prendre les mesures adéquates (cessez-le-feu, armistice, embargo, blocus…). Les organisations régionales jouent elles-mêmes un rôle en matière de sécurité collective. Le chapitre viii marque l’intérêt d’une institutionnalisation de la sécurité au niveau régional. Cette tendance est de plus en plus suivie dans la pratique des Nations Unies. Il s’agit des résolutions concernant l’ex-Yougoslavie et, plus récemment, de la résolution 1973 (2011) concernant la Libye. De tels efforts s’avéreront vains s’ils ne sont pas accompagnés par un processus de désarmement, notamment chez les grandes puissances, et par l’arrêt de la fabrication, du stockage et de la commercialisation de certaines armes, notamment celles qui frappent sans discrimination.
Mettre le monde à l’abri de l’injustice est une condition du maintien de la paix et de la sécurité. Il ressort de l’ouvrage qu’il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal dans des circonstances données. Ainsi, le couple « justice-paix » devient une préoccupation des internationalistes en raison du lien complexe que la paix entretient avec la justice. Celle-ci peut participer activement à la promotion de la sécurité internationale de deux manières : d’abord, elle permet de régler les différends internationaux par le recours à des tiers neutres et impartiaux qui appliquent le droit international. En ce sens, les juges (Cour internationale de justice) et les arbitres règlent judiciairement le contentieux, ce qui évite aux parties de se tourner vers d’autres méthodes qui mettent la paix et la sécurité en danger, comme le recours à la guerre. Ensuite, la justice, dans certaines situations, s’acquitte de sa fonction répressive. Les crimes les plus odieux ne peuvent demeurer impunis et une paix durable ne peut être conclue et consolidée que si les auteurs de ces crimes sont susceptibles de devoir rendre compte devant la justice de leurs méfaits. Dans ce contexte, l’ouvrage traite la question de la sanction et de l’évolution de la justice pénale à travers les derniers procès des tribunaux pénaux internationaux.
Enfin, le maintien de la sécurité passe par la mise du monde à l’abri du besoin ; autrement dit, par la promotion d’un modèle de développement qui repose sur la satisfaction des besoins essentiels de l’homme et la protection de l’environnement. Il serait impensable de considérer que la paix est un état simplement caractérisé par l’absence mondiale de conflits, alors que plus d’un tiers de la population mondiale dispose de moins d’un dollar par jour pour vivre. Le manuel donne des indications sur la question de la gestion des espaces marins relevant de la souveraineté des États et de ceux qui sont qualifiés de zone internationale, notamment les fonds marins renfermant des richesses halieutiques et nécessitant une meilleure gestion de ces richesses en termes de répartition équitable et de préservation de certaines espèces. Par ailleurs, la paix exige un encadrement des relations économiques internationales. L’ouvrage en l’espèce présente les réglementations en matière d’échange des biens et services, d’investissements et d’aide au développement.
En somme, l’originalité de cet ouvrage est qu’il s’agit d’une somme de leçons qui embrassent toutes les thématiques du droit international public dans leurs aspects juridiques, politiques, économiques et humanitaires. Malgré l’ordre parfois curieux des chapitres, l’ouvrage offre un cadre théorique et méthodologique de qualité permettant d’illustrer les concepts, règles et principes de droit international par des exemples très récents de l’actualité internationale. Ce qui ne peut qu’éclairer les lecteurs étudiants ou professionnels, de même que le public non spécialiste.