Cet ouvrage collectif traite de l’évolution et de l’opérationnalisation de la théorie des rôles comme approche analytique dans l’étude de la politique étrangère. Des études de cas comparatifs portant sur les États et les institutions internationales y sont menées afin de confronter la théorie et la pratique. Dans cette optique, plusieurs techniques méthodologiques sont mobilisées, de l’analyse de discours à l’analyse de processus (process-tracing), en passant par l’analyse textuelle et l’analyse interprétative. La période d’étude empirique est celle de l’après-guerre froide, qui a l’avantage d’avoir été le théâtre de nombreux changements aussi bien dans les relations de pouvoir entre les États, avec l’avènement de l’unipolarité, que dans l’évolution de leurs régimes politiques, avec la troisième vague de démocratisation. Partant du constat que, jusqu’à un passé récent, la théorie des rôles était très peu développée dans la discipline des Relations internationales, les auteurs se sont donné pour mission de combler la lacune en appliquant à l’État le concept de rôle originellement développé par les sociologues. Ils considèrent cependant le « rôle » à la fois comme un construit social et comme un concept cognitif rationaliste, une manière d’allier les aspects idéationnels et matérialistes des relations internationales. Une telle démarche vise à réconcilier les deux traditions de recherche actuelles sur le sujet : la vision américaine, beaucoup plus positiviste, et la vision européenne largement postpositiviste. L’ouvrage est divisé en trois parties : la première, théorique, est structurée en cinq chapitres et les deux autres, empiriques, en comportent quatre chacun. Les deux premiers chapitres théoriques permettent de se faire une idée assez claire de la théorie des rôles. Dans le premier, le cadre conceptuel dans lequel sont circonscrites toutes les contributions de l’ouvrage est explicité, en même temps que la relation complexe entre « rôle » et « identité » est abordée. Dans le deuxième chapitre, l’évolution de la théorie des rôles est relatée et c’est là qu’est montré comment cette théorie permet de combler certains fossés – le problème de l’agence-structure est directement visé – qui existent entre la théorie des relations internationales et l’analyse de la politique étrangère, les deux champs d’études à l’intersection desquels elle se situe. Car, souligne Breuning, alors que la théorie des rôles permet de conceptualiser les interactions entre les acteurs et le système, il est particulièrement étonnant qu’elle ait été absente des débats théoriques sur ce problème, parmi les plus difficiles à résoudre en Relations internationales, et aussi de la littérature sur les normes, les identités et l’image. Cependant, si les théoriciens du rôle s’entendent avec les constructivistes conventionnels sur la co-constitution de l’agence et de la structure, ils reconnaissent avec les rationalistes la difficulté d’opérationnaliser cette co-constitution, de même qu’ils critiquent la trop grande propension des tenants de ce courant théorique à privilégier l’holisme au détriment de l’individualisme. La première des deux parties empiriques est consacrée à l’analyse des organisations internationales, en l’occurrence l’Organisation pour le traité de l’Atlantique Nord (otan) et l’Union européenne (ue), avec pour objectif d’expliquer certains changements dans la politique étrangère de pays comme l’Allemagne, la Pologne, la Suède et la Norvège. La conclusion de Flockart (chapitre 6) sur la question des multiples et complexes rôles que doit désormais assumer l’otan dans le nouvel environnement sécuritaire mondial est particulièrement intéressante. Pour l’auteure, si une telle évolution peut apparaître comme le signe d’une certaine faiblesse, de la quête désespérée d’une raison d’être, elle peut aussi s’expliquer par le fait que l’organisation a désormais atteint un stade de maturité et de développement qui l’y conduit. Ce qui est important, fait-elle remarquer, ce n’est …
Role Theory in International Relations. Approaches and Analyses, Sébastien Harnisch, Cornelia Frank et Hanns W. Maull, 2011, Londres et New York, Routledge, 322 p.[Notice]
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Irving Lewis
Département de science politique, Université Laval