Comptes rendusÉtudes stratégiques et sécurité

Bombs and Ballots. Governance by Islamist Terrorist and Guerrilla Groups, Krista E. Wiegand, 2010, Burlington, vt, Ashgate, 187 p.[Notice]

  • Simon Petermann

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  • Simon Petermann
    Département de science politique, Université de Liège, Belgique

Le livre de Krista E. Wiegand n’est pas un simple essai. C’est un ouvrage scientifique au sens plein du terme qui associe une approche théorique avec une expérience de terrain qui fait souvent défaut lorsque des auteurs abordent les questions de terrorisme et de guérilla. Les contacts de l’auteure sur le terrain (notamment avec le Hezbollah au Liban) lui ont d’ailleurs valu quelques déboires aux États-Unis. L’originalité de son ouvrage réside dans l’étude approfondie de la manière dont certaines organisations abandonnent la violence terroriste pour se métamorphoser en organisations politiques dans un contexte particulier. Mais l’ouvrage analyse également les organisations qui combinent les deux approches pour atteindre leurs objectifs politiques. Bien que son étude soit largement focalisée sur le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien, Krista E. Wiegand analyse le comportement de diverses organisations terroristes et de guérillas qui ont adopté des stratégies diverses au cours de leur histoire. L’argument principal développé dans son livre est que l’usage de la violence politique est un choix rationnel et stratégique dans certaines conditions, alors que dans d’autres l’abandon de la violence et la participation politique relèvent tout autant d’une forme de rationalité. Il n’est d’ailleurs pas rare que coexistent ces deux rationalités. En d’autres termes, le choix d’une stratégie n’exclut pas l’autre. Ce qui finalement importe, c’est l’objectif poursuivi. Pour ouvrir son étude, l’auteure montre, à juste titre, combien il est difficile de définir les notions de terrorisme et même de violence politique. Examinant quelques-unes des définitions proposées par divers auteurs, elle reprend à son compte la définition selon laquelle le terrorisme n’est pas une idéologie, mais une violence politique non conventionnelle menée par des acteurs non étatiques qui visent des non-combattants dans le but d’atteindre des objectifs politiques. Sa définition de la guerre de guérilla est semblable sauf en ce qui concerne les personnes ciblées. Dans son premier chapitre consacré au terrorisme islamiste au Moyen-Orient, l’auteure prend soin d’établir d’utiles distinctions entre les divers groupes de radicaux islamistes selon leurs objectifs. Elle distingue ainsi entre les terroristes islamistes qui instrumentalisent la religion et se considèrent comme des combattants transnationaux (Al-Qaïda et ses affidés, par exemple), et d’autres organisations comme le Hamas, le Hezbollah, le fis algérien et le al-Gamaa al-Islamiya égyptien, dont l’inspiration religieuse est avérée, mais dont les objectifs sont prioritairement politiques plutôt que religieux et dont l’action s’inscrit à l’intérieur de frontières nationales. Wiegand prend soin de ne pas confondre les fondamentalistes religieux avec les éléments islamistes les plus radicaux. Elle poursuit sa réflexion en mettant l’accent sur les options non violentes que les organisations mettent en oeuvre, principalement en se constituant en partis politiques et en participant aux élections. Le tableau est extrêmement diversifié. Depuis plus d’un demi-siècle, le Moyen-Orient n’a connu que des dictatures militaires, des monarchies autoritaires et des systèmes à partis hégémoniques qui tolèrent rarement ou découragent les partis d’opposition (le Baath syrien, le fln algérien ou le pnd en Égypte). Ces partis laïques ont réprimé les organisations islamistes, qui risquaient de leur porter ombrage, par la force (interdiction, répression et harcèlement policiers) ou en modifiant les règles électorales de manière à ce qu’elles ne puissent participer aux élections. Malgré toutes ces mesures, le jeu politique s’est progressivement ouvert avec l’apparition de partis politiques islamistes qui ont accepté de participer au système. Cette mutation a débuté à la fin des années 1970, lorsque des islamistes commencèrent à modérer leurs objectifs et adoptèrent des positions plus pragmatiques. D’autres, moins nombreux mais plus déterminés, se tournèrent à l’époque, notamment sous l’influence de la révolution khomeyniste en Iran (1979), vers la violence sous toutes ses formes. L’auteure montre …