Kathia Légaré est candidate au doctorat en science politique et auxiliaire de recherche au Programme Paix et sécurité internationales de l’Institut québécois des hautes études internationales, à l’Université Laval. Richard Garon est doctorant en science politique à l’Université Laval et auxiliaire de recherche pour le Programme Paix et sécurité internationales de l’Institut québécois des hautes études internationales, à l’Université Laval. L’évolution fulgurante au cours des vingt dernières années des interventions militaires désignées sous le terme générique d’« opérations de paix » a transformé cette idée à un point tel qu’il est aujourd’hui difficile d’en discerner les caractéristiques fondamentales. La définition d’une « opération de paix » a été complètement transformée, au moment où le nombre de nouveaux acteurs engagés dans les activités de paix augmente et où les tâches accomplies par le personnel civil et les contingents militaires mobilisés pour remplir les mandats de l’onu se diversifient grandement. Alors que les opérations de maintien de la paix classiques répondaient le plus souvent à un modèle précis qui fut reproduit durant la période de la guerre froide, les opérations de paix regroupent aujourd’hui un ensemble de modèles d’intervention divers. Pour tenter d’apprécier l’hétérogénéité des nouvelles missions de paix, des auteurs comme Paul F. Diehl, William J. Durch et Trevor Findlay proposent plusieurs concepts et types distincts d’opérations selon la probabilité de recours à la force armée. La littérature contemporaine décrit amplement les transformations des opérations de paix : elle s’attarde plus particulièrement sur les nouveaux acteurs engagés dans ces missions et sur le développement de nouvelles activités, en particulier les opérations de consolidation de la paix, qui sollicitent surtout des capacités civiles. Vers le milieu des années 1990, avec la fin de la guerre froide et l’élargissement du concept de sécurité, plusieurs auteurs se sont intéressés à des sujets liés au maintien de la paix, comme la multiplication des acteurs, la diversification des activités, la spécialisation fonctionnelle ainsi que l’émergence possible d’un régime international (Fortmann et al. 1996). Les spécialistes ont par ailleurs accordé une attention particulière au phénomène dit de régionalisation ou de décentralisation de l’exécution des mandats du Conseil de sécurité (Fortna et Howard 2008 : 284-286). Comme l’ont cru plusieurs auteurs dans les années 1990, il ne s’agit ainsi pas strictement d’une redéfinition de la sécurité au niveau régional (Barnett 1995), mais plutôt d’une décentralisation beaucoup plus large : un changement fondamental dans la structure d’organisation des opérations de paix décrit dans la littérature, dont l’analyse des implications sur la façon « de faire la paix » reste à approfondir et à laquelle ce numéro spécial se consacre. Cette introduction fournit la trame des différentes contributions. Elle pose largement le problème, y situe les chapitres individuels et propose un cadre d’analyse sans pour autant mettre l’accent sur une démarche théorique ou méthodologique unique. Les opérations de paix y sont conceptualisées comme des « champs d’action collective », à l’intérieur desquels des assemblages variés d’acteurs font évoluer, à partir de leurs interventions, les pratiques en matière de gestion des menaces à la sécurité et à la paix internationales. Les opérations de paix constituent des espaces de mobilisation des efforts et des ressources internationales dirigés vers la résolution pragmatique de problèmes perçus de sécurité collective. Une fois la menace reconnue par le Conseil de sécurité, un ensemble de partenaires mobilisent leurs efforts afin d’y faire face. Il y a ainsi eu un glissement vers une approche des menaces à la sécurité par « parties prenantes », qui, contrairement à la période de la guerre froide, n’est pas fondée sur l’implication de contributeurs « neutres », n’ayant pas d’intérêts immédiats …
Parties annexes
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