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Cet ouvrage est issu d’une conférence tenue à l’Université de Rome en juillet 2008. Son objectif est ambitieux. Il vise en effet à « élucider les mythes associés à la politique étrangère de l’Union européenne » et à les « examiner dans leurs dimensions complexes et théoriques ».
Plus spécifiquement, l’ouvrage aborde l’ensemble des questions suivantes : Quelle a été l’évolution histori-que des relations entre l’ue et le reste du monde ? Quels sont les instruments mis en place par l’ue pour traiter avec les différentes parties du monde ? Quels sont les principaux objectifs que l’ue pour- suit dans d’autres parties du monde ? Quelle est la contribution de l’ue au développement des droits de l’homme, de la paix et de la démocratie ? L’ue sert-elle au développement économique de régions spécifiques du monde ? La politique extérieure de l’ue est-elle utile à la création d’une identité européenne ? Les populations étrangères sont-elles conscientes que l’ue possède une politique extérieure ? L’ue contribue-t-elle à la promotion de l’intégration régionale dans d’autres parties du monde ?
Cette longue liste d’objectifs disparates montre que cet ouvrage manque d’un fil conducteur unique. Ce livre ne contient malheureusement pas d’arguments nouveaux ni de perspectives originales. Il néglige aussi toute perspective théorique sur le sujet, à part quelques propos rhétoriques sur l’Europe comme puissance normative ou civile. Il s’agit plutôt d’un recueil hétéroclite d’articles, vingt-cinq au total, qui ont été écrits par des contributeurs venant de différents continents et horizons disciplinaires. On y trouve ainsi le pire comme le meilleur.
Ainsi, on ne recommandera pas un chapitre superficiel et militant comme celui de Khalid Emara. Ce dernier, haut fonctionnaire égyptien, se contente de bâcler quatre pages sur l’« Union pour la Méditerranée » sans amener beaucoup d’analyse. Bien entendu, il n’aborde pas la question de l’absence de démocratie dans les pays arabes comme obstacle à la mise sur pied d’une telle Union. Khalid Emara se contente d’affirmer que, pour être efficace, une « Union pour la Méditerranée » devrait suivre la voie tracée par le plan Marshall. Mais il ne donne pas la moindre explication sur les raisons, les montants, l’administration, les destinataires et les effets pervers d’un tel plan.
On trouve par contre, sous la plume d’Alfred Tovias, une réflexion bien plus approfondie sur les dimensions économiques dans cet espace méditerranéen. Non seulement l’auteur plaide pour une libéralisation des échanges économiques, mais il souligne expressément la nécessité de la part de l’ue de démanteler son protectionnisme.
Cet ouvrage contient aussi des chapitres très stimulants, comme celui d’Andrew Morarvcsik, consacré aux relations entre les États-Unis et l’Union européenne. Avant même l’entrée en fonction du président Barak Obama, ce chercheur remettait en cause certains lieux communs sur une possible dissociation du lien transatlantique. D’abord, il critique le point de vue convenu selon lequel l’âge d’or des relations transatlantiques se serait terminé avec la fin de la guerre froide. Puis, il doute de cette vérité transcendante selon laquelle le différend à propos de l’Irak marquerait un conflit de visions et de valeurs (multilatéralisme vs unilatéralisme). Enfin, il ne croit pas que l’ue ait miné les chances d’une amélioration des relations transatlantiques du fait de ses propres divisions et de son manque de consensus.
S’appuyant sur des exemples, Moravcsik écarte au contraire chacune des présuppositions sous-tendant cette perception dissociative. Ainsi, son analyse le conduit dans une direction opposée, beaucoup plus associative : à savoir que les relations transatlantiques sont plus proches et plus prometteuses que jamais. Avec l’Union européenne agissant comme une « superpuissance tranquille » et les États-Unis comme une superpuissance militaire, il pense que les deux acteurs peuvent former une équipe très forte et durable dans l’arène internationale.
L’ombre des États-Unis est également présente dans le chapitre de Finn Laursen consacré aux relations entre l’ue et le Canada. Selon cet auteur, le Canada semble relativement plus intéressé que l’ue à un approfondissement de la coopération avec l’ue, ainsi qu’à la conclusion d’un accord de libre-échange. Laursen remet aussi les relations ue-Canada dans une perspective plus large, décrivant leur développement à travers d’autres organisations internationales comme l’omc, les Nations Unies, l’otan, l’osce, etc. Laursen souhaite que des liens plus profonds se développent entre les deux acteurs. En l’absence de plus de libre-échange avec l’ue, il met en garde contre les risques que le Canada devienne de plus en plus dépendant de l’Accord de libre-échange nord-américain (alena). Il craint aussi que le Canada, comme avenue alternative à l’ue, porte davantage son attention vers d’autres régions du monde, comme l’Asie de l’Est.
On peut regretter que ce chapitre n’analyse pas plus spécifiquement les raisons de l’échec actuel des négociations entre l’ue et le Canada sur un accord économique et commercial global qui remonte déjà à mars 2004. Il aurait d’ailleurs été intéressant de comparer cette impasse avec le succès de l’accord de libre-échange entre le Canada et les pays de l’Association européenne de libre-échange (Suisse, Norvège, Islande, Liechtenstein), qui est entré en vigueur le premier juillet 2009. En se demandant pourquoi un tel accord a été possible avec ces États européens, on pourrait mieux faire ressortir les obstacles réels à la conclusion à un accord entre le Canada et l’ue.