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Developing Countries and the wto porte sur une question de grande importance pour l’Organisation mondiale du commerce (omc), soit le rôle des pays en voie de développement au sein du cycle de Doha. Cette publication s’inscrit dans la foulée d’autres monographies sous la direction de Gary Sampson aux Presses de l’Université des Nations Unies sur des sujets similaires et dont nous avons déjà rendu compte dans les pages de cette revue.
Le livre est ambitieux et couvre un ensemble impressionnant de sujets touchant les négociations multilatérales. Ces sujets sont divisés en quatre parties : l’accès aux marchés, les questions légales, les défis que l’omc doit surmonter et le processus de négociations multilatérales. Les treize chapitres de ce livre abordent ces questions sous un angle précis. Les sujets faisant l’objet de chapitres sont la réforme du commerce des denrées agricoles, l’initiative sur le coton, l’accès aux marchés des produits non agricoles et le commerce des services. À ceux-ci s’ajoutent les mesures de traitement spécial et différencié, les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (adpic), le régionalisme, les droits de l’homme, le processus de règlement des différends et la facilitation du commerce. Les contributions sont le fait de juristes, politologues, économistes, mais aussi de diplomates et de fonctionnaires internationaux. L’objectif de l’ouvrage est de cerner l’état de la question dans ces secteurs prioritaires et d’identifier des pistes prometteuses à court et à moyen terme dans le contexte de l’impasse des négociations multilatérales de Doha. Les auteurs avaient pour mandat de cerner les avenues de politiques et d’offrir une contribution applicable à chacun de ces domaines. En somme, l’objectif est d’offrir une approche prescriptive, ambitieuse et réaliste.
Le texte suggère que la grande complexité des négociations de Doha est responsable des difficultés que rencontre le cycle. Il faut savoir que plus des deux tiers des membres de l’omc sont maintenant des pays en voie de développement. Les différentes analyses soulèvent des questions cruciales et ont le mérite de bien mettre en contexte les enjeux auxquels doivent faire face les pays en voie de développement.
Plusieurs des analystes adoptent une vision progressiste du mandat de l’omc. Ils défendent l’idée que l’omc aura pour mission de garantir non seulement le commerce, mais le développement durable. Cette conception est bien différente de la conception traditionnelle qui voit en l’omc un organisme consacré strictement au commerce et non aux questions d’environnement et de développement. Ces positions ont le mérite de stimuler une réflexion d’envergure. Soulignons que tout le mouvement altermondialiste qui a émergé de la rencontre de Seattle en 1999 continue de poser des défis à l’omc. En somme, une part du mécontentement des mouvements altermondialistes a gagné les populations et les élus de nombreux pays membres de l’omc.
Le cycle de Doha est le premier à aborder des questions d’environnement et de développement. Les auteurs de ce livre en rajoutent en plaçant la barre encore plus haute et en abordant de front les questions des droits de l’homme liées au commerce. Plus précisément, il est question de droits économiques, de droit au développement social ainsi que de droit à la nourriture et à la santé. Les auteurs concluent que l’omc doit aller plus loin et intégrer ces droits dans le cadre des négociations multilatérales. Ils concluent que le régime multilatéral du commerce (gatt-omc) a depuis plus de cinquante ans contribué largement au développement économique mondial et à la stabilité. Ce régime rejoint des secteurs plus complexes maintenant. Ils touchent de près aux facteurs contribuant au développement. Les règles de l’omc ont maintenant un impact potentiel sur tous les secteurs de la société et du droit. D’un point de vue économique et social, le régime multilatéral doit offrir des normes stables et basées sur la règle de droit.
Le livre comporte une analyse importante du processus de règlement des différends et aborde la faible capacité de plusieurs membres en voie de développement à faire valoir leurs points de vue étant donné leurs ressources restreintes. Le chapitre sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (adpic) est particulièrement bien mené. G. Dutfield conclut que des règles sur les propriétés intellectuelles pourraient devenir un moteur de développement pour plusieurs pays. Il juge cependant que l’impact économique et social de la réforme des adpic est difficile à prédire. Trop souvent, selon lui, des pays en voie de développement sont poussés à négocier des règles dans ce domaine et à céder à des groupes de pression locaux et internationaux. Des pays en développement se voient ainsi contraints de mettre en oeuvre des règles négociées à la hâte dans des forums régionaux et multilatéraux sans pouvoir en saisir pleinement l’impact à moyen et long terme.
Terminons en soulignant la qualité du chapitre portant sur le nouveau régionalisme et les ententes de libre-échange. Dans la dernière décennie, près de 200 accords de libre-échange ont été signalés à l’omc en vertu de l’article 24. Le quart de ces ententes a été amorcé depuis l’échec de la conférence ministérielle de l’omc à Cancun en septembre 2003. L’auteur analyse cette prolifération d’accords bilatéraux, plurilatéraux et régionaux et son incidence sur les négociations multilatérales du cycle de Doha. Il observe que de plus en plus ces ententes sont conclues entre des pays industrialisés et des pays en développement. Souvent ces accords permettent de négocier des règles dans des domaines délibérément exclus du cycle de Doha. Des progrès ont ainsi été atteints dans des dossiers touchant aux règles dites de Singapour. L’auteur souligne qu’il est encore trop tôt pour saisir l’incidence de cette intégration approfondie des pays en voie de développement, mais qu’il s’agit maintenant d’un facteur majeur avec lequel l’omc doit composer.
La démarche sous-jacente à ce livre s’apparente à celle qui anime une publication d’un think tank plutôt que la publication d’un ouvrage universitaire traditionnel. Malgré cela, cette monographie comporte une source importante d’informations sur la participation des pays en voie de développement au cycle de Doha. Chacun des dossiers est placé dans son contexte général et situé en relation avec l’évolution des négociations multilatérales. Ce livre intéressera tout observateur de la scène commerciale mondiale, de même que les spécialistes des questions touchant les pays en voie de développement.