Cet ouvrage est très particulier. L’auteure, professeure émérite à l’Université de Strasbourg, est bien connue pour ses travaux sur l’histoire de la construction européenne depuis 1945. Elle nous propose cette fois non pas un nouvel ouvrage, mais un recueil de dix-huit contributions qu’elle a publiées, les plus anciennes depuis 1986, mais le plus souvent depuis quelques années, soit dans des revues, soit plus fréquemment dans des ouvrages collectifs auxquels elle a participé. Ces contributions sont très différentes les unes des autres. Certaines n’ont que quelques pages, à propos d’une réunion ou de la signature d’un traité. Certaines analysent des étapes importantes de l’histoire européenne, telles que la création du Conseil de l’Europe ou de la ceca, ou le sommet de La Haye en 1969. D’autres rendent compte des discussions et des compromis quand les principaux pays – la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni – s’opposaient. Les dernières abordent le problème de la réunification allemande et de l’impulsion qu’elle a donnée à l’élargissement vers les pays de l’Est. Les unes et les autres sont l’occasion de parler des hommes qui ont le plus marqué cette histoire et qui l’ont souvent façonnée : Robert Schuman dans les années 1950 et Jacques Delors trente ans plus tard, mais aussi Jean Monnet, François Mitterand, Helmut Kohl… Cette diversité ne nuit pas à l’ouvrage. Comme le sous-titre l’indique, ce sont bien les choix politiques et les changements institutionnels que l’auteure entreprend d’analyser. Et elle réussit fort bien, car elle nous rend très accessible une histoire malgré tout assez longue (plus de soixante ans) et infiniment complexe. On mesure les efforts d’imagination qu’ont dû fournir les diplomates et les concessions auxquelles les pays ont dû consentir, à tour de rôle. On prend conscience de l’influence décisive qu’ont eue la France et quelques responsables politiques français, non seulement dans le lancement de l’aventure dans les années qui ont suivi la guerre, mais encore quarante ans plus tard quand il s’est agi de remplacer les monnaies nationales par une autre, et une seule, qui était à créer. Les questions les plus intéressantes concernent la dimension politique du projet européen, qui a suscité les projets de noyau dur, d’Europe à la carte, d’Europe à deux vitesses… et qui n’est toujours pas réglée aujourd’hui. On mesure à quel point l’Union européenne a été une construction laborieuse, et à quel point elle reste une construction à certains égards fragile. Les conséquences de la crise financière actuelle dans les pays de l’Union sont de ce point de vue éclairantes. Elles sont éclairantes surtout parce que les pays d’Europe sont allés jusqu’à se donner une monnaie commune. L’existence de l’euro est un avantage aujourd’hui pour certains pays, mais un handicap pour d’autres. On peut regretter que la monnaie – l’écu hier, l’euro désormais – ait peu de place dans le recueil de M.T. Bitsch. La monnaie n’est pas seulement un aspect essentiel de la construction européenne, elle est son aboutissement. Les pays candidats sont tenus d’aller jusqu’au bout du processus. Et ils ne peuvent franchir la dernière étape que s’ils respectent « l’acquis communautaire », lequel comprend notamment le passage à l’euro. Mais l’auteure a choisi de privilégier la dimension politique. C’est pourquoi ses références ne renvoient quasiment jamais à des travaux scientifiques, mais presque toujours à des entretiens, des discours, des notes de ministères, des comptes rendus de réunions, des documents d’archives, des déclarations de partis politiques ou d’hommes d’État… Et il en est parfois près d’une dizaine par page ! C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de bibliographie, ni à la fin de chaque contribution, ni à la …
Marie-Thérèse Bitsch, La construction européenne. Enjeux politiques et choix institutionnels, coll. Euroclio, n° 39, Études et documents, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2007, 324 p.[Notice]
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Michel Lelart
CNRS
Laboratoire d’économie d’Orléans
France