L’ouvrage de Wilson Wong est un petit fascicule informatif et descriptif qui se présente comme un état des lieux sur la question des armes spatiales. L’auteur inscrit son propos dans le champ plus restreint des études stratégiques et espère renseigner autant qu’il veut convaincre sur le développement de l’armement et de la stratégie militaire dans l’espace. Wong parvient en outre à faire état des inquiétudes et des débats récents que suggère l’arsenalisation spatiale, dont ce bref ouvrage réussit à exposer plusieurs implications stratégiques et politiques. Si l’ouvrage se révèle succinct (il comprend uniquement deux chapitres en plus de l’introduction et de la conclusion), il compense par une synthèse magistrale de la problématique de l’arsenalisation spatiale. Dans le premier chapitre, Wong s’attarde à la définition des concepts opérationnels que l’arsenalisation spatiale met en lumière. Dans le second chapitre, il transporte la discussion sur le plan des stratégies potentielles concernant l’espace militaire aérospatial. Tout au long du texte, Wong insiste sur deux éléments centraux : c’est le politique qui décidera en dernier recours de l’arsenalisation de l’espace – et très possiblement le politique étasunien – et des armes spatiales représentent des investissements considérables. Il reconnaît d’emblée qu’il s’agit là d’un processus socialement construit, ce qui signifie donc logiquement qu’il devrait être aussi possible de pouvoir le prévenir, voire de l’empêcher de survenir. C’est cependant là où son argumentation est le plus faible, alors qu’il s’en remet sans grande prise de conscience au règne de la technologie et donc à la sujétion humaine face à elle – comme si la technologie n’était pas une construction sociale et qu’elle avait son existence propre, indépendante de l’agence humaine. En effet, bien que Wong essaie de maintenir une position qui se veut a priori nuancée et équilibrée en disant que « seulement parce que quelque chose peut être fait ne signifie pas pour autant que quelque chose devrait ou sera fait », il n’en conclut pas moins que l’existence des technologies militaires et des technologies spatiales sont plus à même d’entraîner, « malgré elles », l’arsenalisation de l’espace. Cela serait notamment le cas parce que « la technologie requise pour des armes spatiales atteindra assurément (ou elle l’a déjà atteint) le seuil où, comme pour les armes nucléaires, elle ne peut plus être “non découverte” [undiscovered] ». Ce constat fait cependant bien peu de cas du succès même mitigé du contrôle des armements et de la présence d’une norme globale de la non-utilisation de l’arme nucléaire depuis plus de soixante ans. Qui plus est, l’élément en apparence de moindre importance, celui de la question des coûts, aussi lié au développement technologique, ne devrait pas non plus être négligé. La construction et, surtout, l’installation et l’emploi d’armes spatiales sont des processus très coûteux en raison de la demande énergétique que cela requiert pour déplacer un objet hors de son orbite. Cela s’avère, par conséquent, un frein relativement important à tout déploiement d’armes spatiales dans un avenir rapproché. À ce titre, nous portons l’attention sur deux appendices très utiles qui éclairent le débat sur les diverses technologies spatiales et sur les difficultés techniques d’installer des objets en orbite. Au demeurant, il faut reconnaître les efforts de vulgarisation déployés par Wong et l’exercice de synthèse auquel il s’est astreint en ce qui concerne les pressions et les implications stratégiques liées à l’enjeu de l’arsenalisation spatiale. Si l’on n’entre pas dans ce débat sans avoir une vague idée de ce que peut représenter l’arsenalisation spatiale pour l’avenir de l’humanité et l’évolution de la politique globale, on n’en sort surtout pas sans savoir de quel côté penche l’auteur sur cette question. …
Wong, Wilson, Weapon in Space. Strategic and Policy Implications, coll. Silver Dart Canadian Aerospace Studies, vol. iii, Winnipeg, mb, Centre for Defence and Security Studies, The University of Manitoba, 2006, 95 p.[Notice]
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David Grondin
École d’études politiques, Université d’Ottawa Ottawa