Existe-t-il une identité politique européenne ? C’est la question, ambitieuse et passionnante, qui se trouve au centre du livre de David Michael Green. La problématique d’une identité européenne a été déjà traitée, aussi bien par des historiens que par des politistes. On rappellera au nombre des études historiques le projet Identité européenne mené par René Girault et qui aboutit par exemple au livre Identité et conscience européennes au xxe siècle (Paris, Hachette, 1994). Ce qu’apporte l’auteur au débat est une vision de politiste, basée sur une enquête statistique portant sur les années 1970-2000. Pour Green, la question d’une identité européenne se pose au présent et s’articule autour de plusieurs axes : l’existence d’une identité européenne, les fondements de celle-ci, ses variables, ses formes, l’existence d’une scène politique européenne. L’Europe unie s’étant après 1945 surtout construite par le haut, poser la question d’une identité commune équivaut à poser celle des évolutions futures de l’intégration européenne et de la possible émergence d’une Europe politique. Cette Europe politique peut-elle prendre ses racines dans une identité commune ? L’étude de Green porte sur des matériaux statistiques recueillis sur la période 1970-2000. L’auteur a, en plus de différentes enquêtes disponibles telle que l’Eurobaromètre, utilisé à la fois une enquête statistique quantitative et un questionnaire qualitatif. Les questions techniques liées à l’utilisation par Green de ces outils statistiques sont traitées en introduction. Les questions classiques des études statistiques sont évoquées, et Green revient souvent sur la limitation de ses échantillons, qui le force à nuancer nombre de ses conclusions. On ne prétendra pas ici, faute des connaissances appropriées, revenir sur l’argumentaire statistique développé par l’auteur. Celui-ci insiste sur l’empirisme de sa méthode, son côté concret, et l’importance de mêler qualitatif et quantitatif pour obtenir une image multiple et aussi précise que possible. Comme toute étude d’opinion ou de mouvements collectifs, l’affaire n’est pas aisée mais Green est honnête avec le lecteur. Le livre prend à bras le corps des questions importantes avec des outils qui semblent limités mais dont l’auteur fait un usage intelligent et stimulant. L’enquête de David Michael Green est extrêmement intéressante de par les éléments qu’elle met en avant et les conclusions qu’elle tire. Le livre s’ouvre sur une copieuse introduction en deux parties. L’auteur revient d’abord sur la question de l’identité politique, puis sur la spécificité de l’identité européenne. Ces deux chapitres constituent d’intéressantes mises au point sur les principales questions de méthodologie liées au phénomène de l’identité politique et à la question de l’identité européenne. L’auteur y présente différentes approches et opinions sur l’existence et les contours d’une identité européenne. En cela, le livre fait déjà oeuvre utile en rassemblant sous une même couverture la description de différents courants de pensée sur cette question. Dans les quatre chapitres suivants, Green analyse le matériau rassemblé au cours de son enquête. Il s’intéresse d’abord, dans le chapitre 3, aux différents niveaux d’identité européenne selon les données rassemblées par pays et à travers différents critères de classification. Dans le chapitre 4, l’auteur étudie les variations entre différentes sortes d’identité européenne rencontrées dans les questionnaires. L’auteur traite là de la nature et du contenu de l’identité européenne, et teste différentes hypothèses sur les contours de ce sentiment. Le chapitre 5 explore encore plus substantiellement le contenu de l’identité européenne telle qu’elle se montre dans le matériau rassemblé par Green, et le chapitre suivant traite de la profondeur, de la puissance de cette identité, avec une pointe de dramatisation introduite par la citation d’Anthony Smith en exergue : « qui serait prêt à mourir pour l’Europe ? ». Le chapitre 7 rassemble les conclusions de …
Green, David Michael, The Europeans. Political Identity in an Emerging Polity, Boulder, co, Lynne Rienner, 2007, 201 p.[Notice]
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Louis Clerc
Département d’histoire politique
Université de Turku, Finlande