La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondérante au sein des préoccupations de la communauté internationale. La possession par la République islamique de la bombe nucléaire pourrait en effet considérablement changer la donne dans une région qui ne manque déjà pas de sources d’instabilité. Ainsi enhardie, Téhéran serait plus à même de poursuivre ses objectifs d’hégémonie régionale, et ce, avec davantage de conviction et de ressources. Romain Yakemtchouk, professeur émérite à l’Université de Louvain, propose ici un compte rendu riche en détails des relations extérieures de l’Iran, du début du 20e siècle à nos jours. Cet ouvrage a l’originalité d’aborder le sujet du point de vue de Téhéran, fait peut-être trop rare dans les analyses disponibles en occident. Le lecteur, toutefois, sera probablement déçu par les nombreuses erreurs, la faiblesse de l’analyse et les longues descriptions purement factuelles. Dans le premier chapitre, Yakemtchouk examine comment la rivalité anglo-russe entre la fin du 19e siècle et les lendemains de la Seconde guerre mondiale a dominé les relations extérieures de l’Iran de l’époque. Il souligne avec justesse l’hostilité grandissante que ce grand jeu provoquait en Iran, tout particulièrement auprès d’un jeune député nationaliste du nom de Mohammed Mossadeq. Il explique pourquoi les intérêts de ces deux grandes puissances ont, par exemple, tué dans l’oeuf les premiers efforts iraniens visant à introduire des réformes constitutionnelles, et en quoi l’inconfort viscéral du Shah face à cette situation l’a poussé à tenter un rapprochement avec l’Allemagne du iiie Reich. Cette politique contribua à la décision anglo-soviétique d’envahir l’Iran en 1941, ce qui ne fit qu’augmenter le ressentiment de nombreux Iraniens, autant au sein des élites politiques et cléricales que des masses, à l’endroit de l’interventionnisme des grands. Yakemtchouk consacre ensuite un chapitre au règne du shah Mohammed Reza Pahlavi (1941-79). La nationalisation de l’Anglo-Iranian Oil Company par le gouvernement du premier ministre Mossadeq en 1951 et le coup d’État instigué par Londres et Washington qui s’ensuivit en 1953 sont des épisodes d’une envergure particulière : non seulement ils ont symbolisé la consécration des États-Unis en tant que puissance régionale dominante, mais encore ils ont déclenché une réaction en chaîne d’événements qui, inexorablement, ont entraîné le pays vers la révolution islamique de 1979. L’auteur s’attarde sur la doctrine Nixon, qui prévoyait un rôle de shérif régional pour l’Iran, et la mégalomanie grandissante du Shah qui, croulant sous les pétro-dollars, se coupait progressivement de sa population, qui restait majoritairement pauvre et analphabète. La frustration et la ferveur religieuse, cette dernière exacerbée par l’Ayatollah Ruhollah Khomeyni alors en exil, croissaient en même temps que les dépenses militaires et la corruption du régime. Le troisième chapitre analyse le contexte qui précéda et suivit la révolution de 1979. L’auteur insiste en particulier sur l’incompréhension de Washington devant le bouillonnement de mécontentement populaire et le puissant sentiment anti-américain en Iran, à la fois résultat de l’appui de Washington au Shah, si impopulaire et incompétent, et relent du coup d’État de 1953. Le retour triomphal de Khomeyni à Téhéran le 1er février 1979 marqua ainsi un tournant aussi bien dans l’histoire de l’Iran, que dans ses relations extérieures, et dans la région. La crise des otages américains cimenta ensuite l’hostilité des nouvelles relations bilatérales entre les deux anciens alliés, alors que la guerre vicieuse que se livrèrent l’Iran et l’Irak de 1980 à 1988 confirmait le manque cruel d’alliés de la jeune République islamique. Toutefois, si ces deux crises affaiblirent considérablement l’économie iranienne et déchirèrent le tissu social du pays, elles permirent à Khomeyni et à ses alliés de consolider leur autorité alors encore fragile. Yakemtchouk …
Yakemtchouk, Romain, L’Iran face aux puissances, Paris, L’Harmattan, 2007, 401 p.[Notice]
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Thomas Juneau
Doctorant, Département de science politique
Université Carleton, Ottawa