Les impacts globaux et l’ubiquité des enjeux environnementaux appellent des remises en cause épistémologiques pour faciliter la prise en compte des préoccupations écologiques dans les réflexions actuelles sur les relations internationales. L’objectif principal de cet ouvrage est d’explorer la nature de ces remises en cause à partir d’une perspective théorique critique qui entend instaurer un nouveau dialogue entre les relations internationales et la pensée écologiste. Rédigé par une douzaine de chercheurs provenant de divers horizons, cet ouvrage collectif repose sur des textes issus de débats et d’échanges sur ce thème dans le cadre des rencontres annuelles de l’Association internationale de sciences politiques et de l’International Studies Association. Dans le premier chapitre, Simon Dalby analyse la problématique de la sécurité environnementale en soulignant les lacunes des approches traditionnelles sur la sécurité dans les relations internationales. Ces approches sont en effet surtout centrées sur l’analyse des conflits internationaux et des menaces externes pour la sécurité des États. Les enjeux écologiques représentent des menaces beaucoup plus diffuses, difficiles à appréhender, émergeant à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des nations, et remettent en cause le postulat d’un environnement stable et prévisible. La prise en compte de ces nouvelles menaces appelle une perspective holistique et interdisciplinaire qui aurait jusqu’à présent été négligée dans les relations internationales. Dans le deuxième chapitre, Rosalind Warner propose d’explorer les racines historiques et idéologiques des préoccupations environnementales, en soulignant notamment le rôle ambivalent du colonialisme et de l’émergence de l’écologie en tant que discipline scientifique. Ainsi, le souci de préserver les écosystèmes serait lié aux critiques de l’exploitation intensive de l’environnement durant l’époque coloniale et à la sensibilité nouvelle découlant du darwinisme, lequel a montré l’interdépendance et l’origine commune des espèces. Ces racines historiques auraient façonné deux principales approches écologistes encore présentes. La première repose sur une approche dite préservationiste, ancrée dans une vision assez romantique de l’environnement, dont l’intégrité doit être préservée des menaces de la civilisation industrielle. La seconde repose sur une logique plus conservationniste, centrée sur une utilisation rationnelle des ressources pour répondre de façon durable aux besoins du développement humain. Dans le troisième chapitre, Neil Harrison propose l’avènement d’un nouveau cadre théorique pour rendre compte des questions environnementales dans les politiques internationales. Après avoir souligné les limites et le simplisme du paradigme dominant sur les relations internationales, l’auteur s’inspire de la théorie des systèmes complexes pour proposer une vision moins restrictive, basée notamment sur les concepts d’agents adaptatifs, d’émergence auto-organisationnelle, d’autorité, et de systèmes ouverts. Cette vision élargie des relations internationales permettrait de mieux prendre en compte la complexité inhérente aux enjeux environnementaux et de générer des hypothèses de recherche nouvelles. Le quatrième chapitre, rédigé par Denis Madore, propose une approche nietzschéenne des enjeux environnementaux. Cette approche, qui repose sur une critique radicale de la modernité, tend à remettre en cause les hypothèses implicites de la quête d’équilibre entre les activités humaines et les impératifs environnementaux. Dans cette perspective nietzschéenne, le souci de gérer les problèmes écologiques et de promouvoir un développement durable à travers des règlements, des normes, et des politiques publiques apparaît comme une utopie attentatoire aux aspirations profondes de la nature humaine. Dans le cinquième chapitre, Eivind Hovden expose les relations possibles entre la protection de l’environnement et les théories critiques sur l’émancipation sociale issues en particulier de l’école de Francfort et du mouvement poststructuraliste. Selon l’auteur, ces théories critiques auraient négligé les enjeux environnementaux qui seraient en partie incompatibles avec certains postulats anthropocentriques sous-jacents. Une synthèse entre l’écologie et les théories critiques serait néanmoins souhaitable et possible, bien que les modalités précises de cette réconciliation demeurent nébuleuses. Le …
Laferrière, Éric et Peter J. Stoett (dir.), International Ecopolitical Theory, Critical Approaches, Vancouver, cb, ubc Press, 168 p.[Notice]
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Olivier Boiral
Faculté des sciences de l’administration
Université Laval, Québec