Depuis le début des années 1990, une vaste littérature s’est développée autour de la relation complexe et de plus en plus imbriquée entre les médias, les conflits, et les forces armées nationales. Beaucoup d’ouvrages en la matière ont pris le parti des médias en mettant notamment l’accent sur la désinformation délibérée de la part des gouvernements. Au Canada, le sombre épisode de la débâcle somalienne de 1992-1993 a stimulé de telles analyses. Dans From the Outside Looking In, plus d’une dizaine d’analystes, de journalistes et d’anciens militaires adoptent toutefois un angle d’approche différent, soit celui de cibler le leadership militaire canadien afin non seulement de lui fournir une meilleure compréhension de l’influence des médias sur leur travail, mais également de souligner comment il peut lui-même se servir de ce pouvoir afin de redresser l’image ternie des Forces armées canadiennes auprès des Canadiens. C’est en ce sens que l’introduction de l’ouvrage met en évidence le fait que, si les militaires canadiens souhaitent regagner la faveur populaire, ils doivent reprendre confiance en les médias, ne serait-ce qu’à cause de leur capacité d’influer sur les croyances et les attitudes des Canadiens. Le journaliste Derek Stoffel, qui signe le premier chapitre, retrace les expériences difficiles entre les médias et les Forces armées canadiennes au cours des années 1990, mais observe une certaine amélioration depuis quelques années. Plusieurs éléments demeurent néanmoins à corriger selon lui, dont la fâcheuse tendance du Bureau des affaires publiques (bap) du ministère de la Défense nationale à dicter les faits aux médias, plutôt que de favoriser la transparence et l’ouverture. En refusant de commenter ou en limitant au maximum l’information disponible aux journalistes, le bap amène ces derniers à devoir se fier aux analyses d’observateurs extérieurs, souvent, conclut Stoffel, très critiques des Forces armées canadiennes. Alors que Steve Lukits souligne l’importance des relations entre les militaires et les médias, David Bercuson fait ressortir un thème récurrent chez plusieurs auteurs : le devoir des officiers canadiens d’exprimer clairement aux médias les besoins et les lacunes (en termes d’équipement et de personnel notamment) des Forces armées canadiennes et ce, afin de faire valoir leur point de vue et, par le fait même, d’exercer une pression politique sur les dirigeants canadiens. La tendance des officiers supérieurs à ne pas agir ainsi représente, selon David Rudd, une dimension malsaine de la culture stratégique canadienne, qui ne peut que nuire à la confiance qu’ont les Canadiens envers leurs forces armées. Le rôle des think-tanks, poursuit Rudd, est ainsi fondamental à l’éducation populaire et à la rectification des faits. Pour Chris Wattie, cette tâche revient aux généraux et aux amiraux qui doivent mieux informer les Canadiens sur les missions et les rôles de leurs forces armées, plutôt que de se faire porte-parole du discours gouvernemental. Le major-général à la retraite Lewis MacKenzie renchérit sur cette idée, tout en observant une volonté parmi plusieurs nouveaux généraux, dont l’actuel chef d’état-major de la Défense Rick Hillier, d’exprimer publiquement les besoins réels et de défendre l’institution militaire canadienne. La nouvelle tendance des Forces armées canadiennes à soigner leur image médiatique explique, selon Carol Off, l’appui populaire significatif des Canadiens à l’égard de leurs militaires, un appui probablement à son plus haut niveau historique en temps de paix. En revanche, poursuit Linda Slobodan, les officiers militaires, qui ont pour devoir de défendre leur institution et leur personnel afin que les Canadiens comprennent les efforts et le courage de leurs militaires, ont jusqu’à présent failli à cette tâche. Vantant les mérites de la revue Esprit de Corps, Scott Taylor met en relief l’une des sources …
Horn, colonel Bernd (dir.), From the Outside Looking In. Media and Defence Analyst Perspectives on Canadian Military Leadership, Kingston, on, Canadian Defence Academy Press, 2005, 266 p.[Notice]
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Justin Massie
Department of Political Studies
Queen’s University, Kingston, on