Dans cet ouvrage, le professeur Helleiner nous offre une analyse critique originale sur l’opportunité d’une union monétaire entre le Canada et les États-Unis. Cet aspect des relations monétaires est revenu au premier plan de l’actualité vers la fin des années 1990, à la suite d’un concours simultané d’événements, notamment la création en 1999 de l’euro et la forte dépréciation du dollar canadien qui met en jeu sa crédibilité et suscite des interrogations quant à sa pérennité face au dollar américain. Bien que ce champ d’analyse ne soit pas nouveau, puisque largement débattu dans la littérature économique, l’approche retenue par le professeur Helleiner présente des particularités intéressantes. La question des unions monétaires est souvent abordée par les économistes sous l’angle de la théorie des zones monétaires optimales (Optimum Currency Area). Cette politique économique renvoie à la fixation de la valeur de la devise nationale, laquelle possède des fondements historiques. Une bonne interprétation des faits survenus dans le passé aide donc à mieux comprendre le présent ainsi que le futur. C’est donc ce que nous convie à faire le professeur Helleiner pour le Canada. Comment cette politique de taux de change est-elle articulée sur diverses périodes ? Quels en sont les acteurs influents ? Comment faut-il incorporer l’intérêt des États-Unis et ménager les courants nationalistes ? L’analyse de ces diverses questions combine à la fois le politique et l’économique. C’est un heureux mariage pour un sujet aussi complexe. Par grand souci de pragmatisme, l’auteur explique les faits tout en ayant recours aux archives. Aussi, le lecteur attentif découvrira l’évolution au Canada de la pensée économique relative aux politiques des taux de change. Enfin, puisque nous sommes en présence d’un ouvrage bien structuré, nous suivrons la démarche de l’auteur. La thèse du professeur Helleiner est clairement énoncée dans l’introduction et est en conformité avec le titre de l’ouvrage. Il s’agit d’expliquer que le dollar canadien n’est pas voué à disparaître, mais qu’à l’instar de l’ale, voire de l’euro, le projet nord-américain d’Union monétaire (namu) va se concrétiser ou être rejeté seulement après des luttes politiques. Pour ce faire, le livre est divisé en deux parties : Le passé ou l’état des lieux et Le futur ou les propositions. Ainsi, la première partie décrit la pratique des politiques de taux de change au Canada de 1850 à 1985. Que faut-il retenir de cet exposé historique ? Il faut se rappeler que le débat sur le namu a commencé dès la naissance du dollar canadien (chap. 1). La décision de créer le dollar canadien vers 1853 n’a été prise qu’après un long débat sur l’opportunité de le rattacher au dollar américain ou à la livre sterling. Comme l’explique bien le professeur Helleiner, le sentiment nationaliste prévalant au Canada à cette époque a donné lieu à la création et à la consolidation du dollar canadien en dépit de l’intégration commerciale déjà observable entre les deux économies. Le rôle joué par des personnalités marquantes est clairement mis en évidence, notamment celui de Francis Hincks (inspecteur général de 1848 à 1851), l’instigateur de l’opposition des marchands de Montréal et du Royaume-Uni, ainsi que celui d’Isaac Buchanan (président de la Chambre de commerce de Toronto), connu pour son attachement à l’inconvertibilité du dollar canadien en or. Enfin, la conduite de la politique canadienne des taux de change a été très tôt marquée par une préférence pour un régime flexible. Suivant la chronologie des événements, le professeur Helleiner présente son analyse du reste de cette première partie d’ouvrage en trois chapitres. Le chapitre 2 fait ressortir avec une grande clarté les …
Helleiner, Eric, Towards North American Monetary Union ? The Politics and History of Canada’s Exchange Rate Regime, Montréal/Kingston, McGill-Queens University Press, 2006, 333 p.[Notice]
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Emmanuel Nyahoho
École nationale d’administration publique
Université du Québec, Montréal