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Inconnue ou méconnue du monde académique, alors qu’elle est aussi ancienne que l’otan, l’Union de l’Europe occidentale (ueo) est en voie de disparition. Cet ouvrage nous présente cette organisation dans le détail et met en lumière le processus de démantèlement dont elle fait l’objet depuis sa création mais en se concentrant sur une période plus récente. Les auteurs entreprennent une longue description et analyse de la disparition progressive de l’ueo pendant la période 1998-2006, complétant ainsi un précèdent livre essai, plus dense, consacré à cette organisation (André Dumoulin, Éric Remacle, L’Union de l’Europe occidentale. Phénix de la défense européenne, Bruxelles, Bruylant, 1998, 605 p.). L’originalité de l’ouvrage tient dans l’analyse tant historique que technique de la disparition d’une organisation internationale, en l’occurrence l’ueo. La seconde réside dans le fait que cette analyse permet de mieux comprendre les relations actuelles entre, d’une part, l’Union européenne (ue) et l’otan, et d’autre part, celles entre l’ueo et l’ue.
Le premier chapitre est dédié à un rappel succinct mais nécessaire des origines de l’ueo et des événements qui ont concouru aux premiers « dépouillements » dans les années 1950, puis au « grignotage » de ses compétences dans les années 1990. Dans un deuxième chapitre, l’auteur examine les résistances de l’ueo et tente d’apporter des éléments réponses à la survivance de certains outils fonctionnels et politiques, alors que les États membres de l’ue ont décidé de se doter d’une Politique européenne de sécurité et défense (pesd). Enfin, en dernière partie, les auteurs s’emploient à établir les scenarii possibles pour l’article v du traité constitutif de l’Organisation internationale en question (défense collective) et l’Assemblée parlementaire.
À travers une analyse historique, le premier chapitre montre que l’ueo était dès le départ sujette à de nombreuses influences de la part d’autres organisations antérieures concurrentes et boudée par ses États membres. Les compétences initiales de l’ueo couvraient des domaines comme la coopération économique, culturelle et en matière de sécurité. La création d’autres organisations occidentales traitant de ces questions (cee, osce-ocde, Conseil de l’Europe ou encore l’otan), a réduit son champ d’activités aux questions de défense entre européens mais en liaison étroite, voire sous tutelle de l’otan. C’est ainsi que subsistait dès les années 1960 uniquement le noyau dur, l’article relatif à la défense collective du traité de Bruxelles de 1948, acte constitutif de l’ueo. La signature du Traité créant l’Alliance atlantique, le 4 avril 1949, la relégua au second plan, au rang de forum politique. Au cours des développements, l’auteur replace en perspective les relations entre ueo et otan et montre comment celles-ci auguraient de celles plus récentes entre l’Union européenne et l’otan, l’ue ayant commencé, dès 1993, sa fusion-absorption des fonctions opérationnels de l’ueo dans le cadre de sa Politique européenne de sécurité commune (pesc).
Poursuivant dans sa réflexion dans un deuxième chapitre, le politologue belge insiste davantage sur les relations entre l’Union européenne et l’ueo. Il détaille avec minutie le processus de transfert au gré des rencontres ministérielles, allant des compétences et des structures jusqu’au sort réservé au personnel administratif et politique et à l’immobilier. À travers ce focus, il met en avant les positions des États de l’Union européenne sur la vitesse à laquelle la passation doit s’effectuer. On a alors une photographie exacte des enjeux, des jeux de pouvoir et d’influence entres grands États européens et du climat de négociation permanente, propre à l’Union européenne.
Le dernier chapitre est consacré à deux grandes thématiques, questions qui restent en suspens et toutes d’actualité dans les affaires européennes quant à l’avenir de l’ueo : la sécurité collective (art. v du traité de Bruxelles de 1949) et le sort de l’Assemblée parlementaire. La survie de l’ueo dépend des réponses apportées à ces deux questions. Pour ce qui est de la disposition prévoyant l’intervention des États membres en cas d’agression de l’un d’entre eux, l’auteur défend l’hypothèse de sa pertinence en le confrontant au concept de solidarité régissant des relations entre les États membres de l’Union européenne et codifié par le Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le maintien de cette clause constituerait un garde-fou juridique indispensable à une solidarité commune contraignante dans la double hypothèse d’une atteinte majeure sur le continent européen et d’une défaillance de la solidarité transatlantique. Le débat est replacé par le politologue dans le contexte global de l’avenir et de la raison d’être de la politique de l’Union européenne en matière de défense, laquelle doit déboucher, si la volonté politique des États existe, sur une défense et une armée commune. On découvre un débat animé lors de la phase de négociation du traité constitutionnel européen, lequel introduit un devoir d’assistance mutuelle entre États membres. Ainsi la non-ratification de ce traité constitutionnel implique le maintien en vigueur de l’article v du Traité de 1949 ; a contrario, une éventuelle adoption de celui-ci soulèverait une autre question, celle de la dénonciation du traité de Bruxelles, ce dernier devenant alors caduc. C’est ainsi que André Dumoulin lie l’avenir de l’ueo à celui de l’Union européenne. De même, si l’Assemblée parlementaire est menacée de disparition, elle persiste encore mais pour combien de temps ? Elle subit la concurrence d’autres forums d’expression pour les représentants des États européens et des Alliés : les Assemblées parlementaires nationales, l’Assemblée parlementaire de l’otan et le Parlement européen. Cette coexistence tourne au détriment de l’Assemblée de l’ueo également en raison notamment de la réticence de l’Union européenne à voir siéger en son sein, même avec un statut d’observateur, les pays associés, traduisant ainsi la crainte d’une ingérence dans des questions relatives à la défense européenne, les pays non membres de l’Union européenne mais membres de l’otan.
Destiné à un public universitaire initié, voire expert, mais non exclusivement européen, cet ouvrage décortique un à un les rouages des relations entre trois organisations internationales agissant dans des champs de compétences qui se chevauchent, le tout sur fond de disparition de l’ueo. C’est là que réside le premier intérêt de cet ouvrage : il offre une illustration d’un volet du droit international public peu développé en milieu académique en raison de sa rareté, à savoir la succession ou la disparition d’organisations internationales. Sous une perspective de relations internationales, on découvre les éléments permettant de mieux comprendre l’actualité de la défense européenne. Les relations opérationnelles entre otan, ueo et Union européenne, de même que les interactions entre les États européens au sein de ces organisations, y sont mises en lumière et les articulations décortiquées. Enfin, les auteurs ont constitué, en annexe, une immense collection de documents relatifs à l’ueo, utiles à toute personne désireuse de se familiariser avec le fonctionnement et les institutions de l’Organisation.