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Cette quatrième édition du Guide du maintien de la paix réalisé par le cepes, ouvrage collectif toujours attendu, est structurée cette fois en quatre grandes parties : un dossier de sept textes faisant le point sur les effets du rapport Brahimi édité en août 2000, l’analyse des événements autour des opérations de paix entre juillet 2004 et juin 2005, la position canadienne à ce sujet en partant de l’« Énoncé de politique étrangère » du 19 avril 2005 qui détermine à la fois la restructuration des forces armées nationales et le réengagement dans les opérations de paix, et enfin une partie documentaire intégrant la chronologie des événements mondiaux qui se sont déroulés lors des 28 opérations de paix, les statistiques sur le nombre de pays participants et leurs missions, ainsi que les sites internet associés aux différentes contributions (sous la responsabilité de Stéphane Tremblay et Mélanie Pouliot).
Le dossier spécial Brahimi analyse les recommandations et autres données parfois inattendues du rapport onusien. Il s’agit de décrire les différentes propositions du document, les apports originaux autant que les obstacles à sa pleine « autorité » (Jean-Marie Guéhenno) ; la prévention des conflits considérée comme pilier du système onusien malgré les difficultés de mise en oeuvre (Lucien Manokou) ; la restructuration du Département des opérations de maintien de la paix et les problèmes inhérents à la coordination des outils (Catherine Délice) ; les besoins d’intervention rapide et les difficultés d’assurer les multiples demandes (Josiane Tercinet) ; la difficile mise en oeuvre de l’intégration des activités au sein des missions actuelles (Xavier Zeebroek) ; l’approfondissement des liens avec les organisations régionales et sous-régionales (Madeleine Odzolo Modo) ; l’évolution du concept de « responsabilité de protéger » et l’application de la sécurité collective pour réduire ou atténuer les exactions étatiques ou communautaires (Galia Glume).
Quant aux événements des années de référence, ils concernent le Darfour, Haïti, l’Afghanistan et les multiples opérations en Afrique avec la participation de l’Union africaine. L’expansion des opérations de paix parfaitement décortiquée par Emad Awwad et Béatrice Pouligny concerne au total 120 000 militaires et policiers de 110 pays mais cette survisibilité ne peut dissimuler les insuffisances et dysfonctionnements de l’onu, les problèmes de communications, la question de la déliquescence des États et celle de l’intervention de l’otan en Afghanistan (Marc André Boivin).
Certes, l’onu reste l’institution la mieux adaptée à la plupart des missions de consolidation de la paix dès lors qu’elle reste le symbole de la légitimité internationale. Mais les Nations Unies souffrent encore et toujours de contraintes provenant des États membres : la volonté d’investissement nationale dans les capacités de maintien de la paix et le degré de participation aux opérations des États membres, dont certains peuvent avoir une lecture différente de la géopolitique de la crise, intérêts nationaux ou stratégiques obligent. Et de mettre en avant la difficulté d’assumer les trois principes qui sous-tendent les opérations de paix de l’onu : le consentement des parties sur le terrain, l’impartialité et le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense.
On perçoit à la lecture de l’ouvrage la complexité d’asseoir les interventions de l’onu dans un espace coopératif de plus en plus dense alors que le contenu du maintien de la paix impose de devenir de plus en plus « vigoureux », sécurité humaine oblige. Difficulté que les différents auteurs nous livrent en pâture, qu’il s’agisse de la codification de la doctrine, des règlements administratifs et financiers, des délais d’intervention et de la logistique, de l’importance de la prise en compte du consentement des parties et du respect culturel des populations au sein même d’États affaiblis, des difficultés autour de la disponibilité des contingents, de la réserve et du recrutement du personnel civil, etc.
De toute évidence, l’approche intégrée devient le maître mot, autant que la diplomatie préventive autour de son secrétaire général. Parfaitement structuré, permettant d’approcher à la fois la complexité d’une onu en devenir autant que la politique canadienne spécifique et pluridimensionnelle sur la sécurité, ce petit annuaire est des plus utiles comme outil d’analyse et comme « mémoire » d’événements souvent peu connus.