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L’ouvrage de Brett et Specht explore les raisons qui poussent les adolescents et les adolescentes à choisir de joindre les forces armées. Il présente les résultats d’une recherche qualitative de terrain. Les auteures ont ainsi interviewé des adolescents soldats qui se définissent eux-mêmes comme des combattants volontaires. Les jeunes personnes interviewées proviennent de diverses régions du monde et regroupent une variété de conflits. En se concentrant sur la réalité des enfants-soldats qui sont volontairement devenus combattants, le texte remet en question plusieurs des thèses élaborées dans la littérature contemporaine en donnant la voix directement aux principaux intéressés. L’intérêt de l’ouvrage est en grande partie lié à la crédibilité de présenter la perspective des enfants-soldats eux-mêmes, en insistant sur les circonstances et les raisons qui ont mené à leur recrutement dans les forces armées. Une telle approche « de l’intérieur » a rarement été présentée dans la littérature.

Le premier chapitre de l’ouvrage identifie les facteurs environnementaux généraux sans lesquels un enfant ne joindrait probablement jamais les forces armées. Les facteurs passés en revue sont présentés en sept catégories distinctes : la guerre, la pauvreté, l’éducation et l’emploi, la famille et les amis, la politique et les idéologies, les caractéristiques spécifiques des adolescents, et la culture et la tradition. Les auteures concluent que même si les facteurs ne sont pas cumulatifs en soi, la combinaison spécifique de différents facteurs environnementaux contribuent à rendre davantage vulnérables certains enfants à un recrutement. Outre la présence de la guerre qui est nécessairement un facteur fondamental, la famille et l’éducation sont identifiées comme des facteurs critiques qui peuvent faire la différence chez des enfants à risque.

Le second chapitre explore les raisons contextuelles pour lesquelles certaines jeunes personnes joignent les forces armées alors que d’autres enfants soumis aux mêmes conditions générales ne franchissent pas ce pas. Encore une fois, les raisons sont regroupées en six catégories : la guerre et l’insécurité, les motivations économiques, l’éducation, la famille et les amis, la politique, et l’identité et les facteurs psychologiques.

Le chapitre trois s’attarde au « moment critique », au facteur crucial qui fait la différence entre la jeune personne qui choisit de joindre les forces armées et celle qui ne le fait pas. Les auteures se penchent donc sur le moment du choix, entre le fait de penser à s’enrôler et le fait de passer à l’acte. Le manque de revenu, la nécessité de subvenir aux besoins de sa famille, la perte soudaine de l’école, un événement familial malheureux et l’influence des pairs sont autant de moments catalyseurs dans la décision individuelle des jeunes de devenir combattants.

Dans le chapitre quatre, les auteures analysent ensemble les trois niveaux d’influence présentés dans les chapitres précédents et tentent de définir les liens entre les facteurs de risque. Elles constatent la complexité des relations entre les différents facteurs. Elles concluent également que les facteurs macrosociaux et microsociaux sont fondamentalement les mêmes. Ainsi, la guerre, la famille, la pauvreté, l’éducation et l’emploi sont les facteurs les plus significatifs pour les adolescents qui choisissent de s’enrôler dans les forces armées. De plus, il est intéressant de noter que, malgré la diversité géographique, politique, religieuse et culturelle des cas étudiés, ces facteurs émergent comme étant des traits communs.

Le cinquième chapitre présente le point de vue plus spécifique des jeunes filles et tente de mettre en évidence les différences d’arguments pour joindre les forces armées. Il semble que les jeunes filles mentionnent rarement la religion ou les considérations ethniques comme raison de leur volontariat et citent le plus souvent la fuite de situations d’exploitation et d’abus familiaux pour expliquer leur choix. Leur recrutement tend à exacerber ces problèmes parce que leur participation au conflit est habituellement taboue ; elle est en outre associée, à tort ou à raison, avec le fait que ces jeunes filles soient sexuellement actives. Le chapitre se conclut sur les considérations spécifiques à considérer lors de la démobilisation de jeunes filles soldats.

Le chapitre six discute du concept de « volontariat » lui-même et de la possibilité objective de l’associer à des enfants. La discussion élaborée par les auteures porte à croire que la distinction n’est pas claire et simple entre le recrutement volontaire et le recrutement obligatoire et/ou forcé. De plus, les auteures se penchent sur les aspects légaux de la question, en évaluant les instruments et la coutume du droit international public. Ainsi, quoique toutes les jeunes personnes interviewées pour cette recherche se soient déclarées combattants volontaires, les auteures sont conduites à douter dans la majorité des cas de l’objectivité de leur choix réel.

En fin d’ouvrage, les auteures présentent la pertinence de leur recherche pour le développement de programmes de démobilisation et de réintégration mieux adaptés à la réalité de leurs bénéficiaires. Elles regroupent les raisons qui contribuent à influencer les adolescents à joindre volontairement les forces armées en cinq catégories à savoir, la guerre, la famille, l’éducation et l’emploi, la pauvreté et l’influence des pairs. Elles avancent finalement la pertinence de considérer les résultats de leur recherche à la lumière du contexte plus général du travail des enfants et soulignent que les actions à prendre pour prévenir le recrutement d’enfants combattants devront être élaborées à l’intérieur de ce contexte plus général.

En conclusion, l’ouvrage de Brett et Specht est fort instructif et offre un éclairage nouveau sur la problématique des enfants-soldats. Leur recherche de terrain leur a permis de faire des interviews de fond avec une soixantaine d’adolescents combattants ou ex-combattants. Les discussions de l’ouvrage sont d’ailleurs entrecoupées de citations de jeunes soldats. L’ouvrage s’adresse à un large public : la rigueur méthodologique et le sens critique plaira aux spécialistes des questions des enfants-soldats, alors que le style simple rendra l’ouvrage accessible à un public plus néophyte.