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Ce livre apporte une contribution importante à la littérature sur le développement grâce à une analyse détaillée des promesses et des impacts de l’aide internationale. Puisque Chakravarti tire ses conclusions non seulement de la littérature académique antérieure mais aussi de ses propres expériences de carrière, il arrive à des recommandations informées qui suscitent chez le lecteur le désir de les voir appliquer à tout contexte qui sombre dans le sous – ou le mal développement.
En effet, la plupart des gouvernements avec qui l’auteur a travaillé ne manifestent aucun engagement sérieux ni réel au développement économique ni à la réduction de la pauvreté, malgré leur discours officiel. C’est pourquoi, en dépit des flux massifs d’aide au cours du dernier demi-siècle, cette aide n’a apporté, sauf exception rarissime, aucun soulagement véritable aux pauvres, aucun appui statistiquement significatif au niveau du bien-être matériel et psychique, aucun apport réel au développement socioéconomique. La marginalisation issue de la mondialisation de l’économie mondiale ne fait qu’approfondir et intensifier la pauvreté absolue, poussant bien des États à sombrer dans une oppression et une violence qui perpétuent le cycle vicieux. Afin de répondre à ce malaise, Chakravarti avance qu’il faut donner plus d’attention aux rôles économique et politique structurants que l’aide internationale n’a maintenant plus que le choix d’assumer.
Pour arriver à ces conclusions, l’auteur revoit l’impact de l’aide sur la croissance, le modèle est-asiatique du développement, le rapport entre l’inégalité et la croissance, l’importance de la bonne gouvernance, et le rôle de l’État. Les paradigmes qui n’ont pas fait leurs preuves sont l’équivalence entre l’aide et l’investissement productif, la bienveillance des États du sud, le rôle potentiel de l’assistance technique, et l’intérêt de maintenir une vaste gamme d’institutions internationales. Les paradigmes qui commencent à faire leur preuves sont la nécessité de certaines conditions politiques et économiques préalables, et le rôle de l’aide ciblée pour renforcer ces conditions en faveur de la croissance économique véritable.
L’argumentation de Chakravarti est organisée dans une séquence de sept chapitres : 1) introduction, 2) la littérature récente sur le cadre conceptuel de la croissance et de ses déterminants, 3) les résultats empiriques de l’aide sur la croissance, y compris les sous-composantes d’une telle aide, 4) l’influence des institutions financières internationales sur l’impact de l’aide, 5) la validité de la nouvelle approche à la réduction de la pauvreté, 6) une analyse des lacunes des projets de réduction de la stratégie soumis par divers pays à la Banque mondiale et 7) des recommandations pour la restructuration des objectifs, du contenu et des modalités de gestion des flux d’assistance.
Le lecteur y apprend, entre autres que l’aide internationale a atteint un sommet de 68 milliards de dollars américains en 1995, et que la proportion d’octrois inconditionnels basés sur la coopération technique grandit. Le pourcentage des pays pauvres qui dépendent d’un rapport aide : pnb de 10 % ou plus est passé de 26 à 50 % entre 1980 et 2001. Malgré cette injection massive de fonds pour le développement depuis cinq décennies, plus de 40 % de la population du tiers monde vit dans la pauvreté au sein de structures étatiques stagnantes.
Les véritables bases de la croissance économique étant le capital humain initial, l’éducation primaire des femmes, la stabilité monétaire, une faible part du pnb allant à la consommation gouvernementale, et un cadre juridique clair et respecté ; un capitalisme efficace pour la démocratie est devenu la seule et unique cible valable de l’aide internationale dans l’avenir. En ce, il est important de noter que ce livre s’oppose idéologiquement au livre de Murphy, rapporté ailleurs dans ce numéro d’Études internationales, qui raille contre le modèle capitaliste libéral ! L’expérience est-asiatique confirme à ce titre l’importance de la gouvernance institutionnelle dans la promotion d’un haut taux d’épargne et la correction des défaillances de marché. L’aide internationale doit donc cibler la création de structures étatiques fortes et minces qui garantissent les libertés civiques, l’assainissement de la corruption, la stabilité macro-économique, l’émergence de marchés efficaces, et par le fait même un haut taux d’investissement dans le capital physique et humain.
L’auteur se sert des résultats empiriques les plus récents portant sur l’aide et la croissance pour démontrer de façon magistrale à quel point la bonne gouvernance peut se réaliser par une telle restructuration radicale de l’architecture de l’aide internationale. Les gouvernements des pays donateurs et les institutions de financement internationale telles le fmi et la Banque mondiale doivent transférer le cap de leurs programmes d’aide du partage de ressources et des mesures de la réduction de la pauvreté à des réformes politiques et institutionnelles de fond. Seulement de cette manière l’aide peut-elle devenir un outil efficace pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté au cours du 21e siècle.
Mais à l’heure actuelle, l’État agit plutôt en filtre détournant de l’aide vers la corruption et l’inefficacité. Même les rapports soumis par les gouvernements pour réduire la pauvreté ne captent pas le nouveau paradigme structurant. Il est essentiel, d’ailleurs, de coordonner l’aide avec les flux de fdi provenant du secteur privé. Pour ce faire, l’auteur propose des Accords pour le développement qui unissent les donateurs comme groupe aux récipiendaires spécifiques. Un Accord unique à chaque pays engagerait les récipiendaires à un ensemble de réformes institutionnelles et économiques visant des cibles mesurables. Sinon, la plupart des pays pauvres continueront à sombrer dans des trappes d’équilibre de bas niveau keynésiennes.
Ce livre présente une perspective critique, entière et novatrice sur l’aide, les institutions et le développement. Les théoriciens, les chercheurs, les ong, les autres praticiens du développement ainsi que tout lecteur à coeur sensible et à tête remplie trouveront beaucoup de matière à réflexion et à l’action dans ce livre. Bravo !