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Cet ouvrage qui en est à sa troisième édition, a pour ambition d’apporter un éclairage original sur la construction européenne, sous forme de recueil de discours d’hommes politiques et de textes fondateurs théoriques rédigés par les académiciens. À travers les controverses qui animent les débats sur l’intégration européenne, les auteurs tentent de jeter des ponts entre les réflexions des hommes politiques qui font l’histoire et les analyses des académiciens qui essayent de la comprendre. S’il existe en apparence une distance entre les deux groupes, force est de constater, soulignent les auteurs, que l’action des uns alimente la réflexion des autres et dans le sens inverse les études académiques influencent les idées des hommes d’action, même si ces derniers dénoncent la nature abstraite des analyses. L’ouvrage, tout en offrant un regard lucide sur ces interactions, permet de situer les différentes thèses dans le cadre d’un classement pertinent.
Le plan de l’ouvrage qui est organisé en trois parties offre les articulations entre une vision pragmatique de l’Europe à travers les points de vue des hommes politiques et une vision théorique qui tente de comprendre les déterminants de l’intégration. La première partie de l’ouvrage reprend une dizaine d’écrits et de discours d’hommes politiques. On y trouve les pères fondateurs comme Robert Schuman ou Jean Monnet ainsi que Jacques Delors dont les initiatives ont permis plus tard d’approfondir l’intégration, en panne depuis les bouleversements économiques des années 1970. Dans cette partie figurent également les tenants d’une Europe des Nations, comme Winston S. Churchill, Charles de Gaulle ou Margaret Thatcher. Par rapport à la deuxième édition, cette partie est augmentée par le texte du Traité de Nice et les réflexions de Joschka Fisher, de Jacques Chirac, de Tony Blair et de Paavo Lipponen sur le projet de Constitution.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’exposé en première main des théories de l’intégration, comme le fédéralisme, le fonctionnalisme, le néo-fonctionnalisme, l’inter gouvernementalisme et l’intégration économique. Ainsi, les différentes spécialités et courants en sciences sociales trouvent un porte-parole dans le domaine. Ces théories, qui ont influencé les discours des hommes politiques figurant dans la première partie, permettent de mieux comprendre leurs représentants actuels qui continuent à alimenter les débats.
Enfin, la troisième partie explore les nouvelles tendances observées dans la théorie de l’intégration. Le choix des textes, difficile à opérer dans la mesure où les écoles se sont multipliées en corollaire au déclin des grandes théories, reflète la diversité des réflexions. Bien que les courants néo-fonctionnaliste ou fédéraliste, comme l’approche intergouvernementale continuent d’animer les débats académiques, on assiste à la prolifération des courants au sein des institutionnalistes et à la montée en puissance des approches en termes de gouvernance. Cela étant, les textes de cette troisième partie peuvent être classés en trois groupes. Les quatre premiers textes qui entrent dans la catégorie de grandes théories, reprennent les approches fédéraliste, néo-fonctionnelle, intergouvernementale et institutionnaliste. Dans le deuxième groupe, figurent trois exemples de l’approche de la gouvernance qui n’essayent pas de répondre au pourquoi et au comment de l’intégration, mais qui cherchent le système de gouvernement des citoyens sous l’hypothèse d’une Europe suffisamment intégrée. Enfin, les textes qui achèvent cette dernière partie situent le débat sur l’intégration dans une perspective constructiviste.
Comprenant un recueil de discours d’hommes politiques qui ont marqué le destin de l’Europe, ainsi qu’une revue des réflexions académiques sur l’intégration européenne dans leur diversité, cet ouvrage sera d’une grande utilité pour ceux qui cherchent à tirer les enseignements de l’histoire, dans le cadre d’une réflexion de long terme et à comprendre les perspectives futures. Documentaire et analytique à la fois, il séduira sans doute également les non-spécialistes qui s’interrogent sur l’avenir de l’Europe.