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L’ouvrage de Finn Laursen est un compte rendu complet du traité d’Amsterdam qui a été adopté le 18 juin 1997. Il examine les positions des États membres, des principaux acteurs et des différents enjeux qui ont été au centre des débats menant au traité : le poids des votes dans le Conseil de ministres, la flexibilité, le nombre de commissionnaires, les provisions sur la justice et les affaires intérieures, la politique de défense et de sécurité commune. Ainsi que le souligne Andrew Moravcsik et Finn Laursen, les deux choses essentielles à examiner sont la formation des préférences et le marchandage interétatique. Chaque État membre a des intérêts nationaux à défendre, qu’ils soient économiques ou géopolitiques. Les États qui ont le plus d’intérêts travailleront plus pour obtenir les résultats qu’ils escomptent.
L’emploi et la politique sociale ont été deux parmi de nombreux sujets sur lesquels ont insisté les États dont l’Autriche ou le Danemark. Les États nordiques ont également poussé le dossier du développement durable et l’intégration des considérations environnementales dans la politique agricole commune et la politique des transports.
L’extension de la majorité qualifiée dans le processus de décision a été parmi les sujets les plus controversés de même que le poids des votes au conseil des ministres. L’introduction de la majorité qualifiée dans certains domaines peut vouloir dire que les États sont en minorité au Conseil des ministres. L’exemple du Danemark est représentatif. L’introduction de la majorité qualifiée dans le domaine environnemental pourrait menacer les normes environnementales au Danemark qui sont plus élevées que partout ailleurs dans l’ue. Modifier le vote au Conseil qui mènerait nécessairement au renforcement de la position des grands États devrait être mené de concert avec la renforcement du rôle de la Commission et l’extension de la majorité qualifiée. Un compromis a été trouvé à la réunion de Ionnina en Grèce en 1994. La minorité de blocage a été fixée à 27 voix à la condition que le Conseil recherche une solution satisfaisante s’il y avait une minorité entre 23 et 26 votes contre une proposition. Ce problème est récurrent dans l’ue et l’élargissement de l’ue à 25 ne l’a pas résolu. Le poids de votes figurait aussi lors des négociations du traité de Nice. Aucun compromis n’a été trouvé et l’Espagne a été un adversaire des autres pays de l’ue dans ce dossier.
Pour l’Allemagne, le sujet le plus important était l’élargissement de l’ue aux pays d’Europe centrale et orientale, le partenariat avec la Russie. Pour achever la stabilité en Europe, il serait nécessaire d’approfondir l’intégration, ce qui voulait dire : la réforme des institutions communautaires, le renforcement du noyau fort de l’ue, l’intensification des relations franco-allemandes, l’amélioration de la capacité de l’ue d’agir dans la politique étrangère et de sécurité commune. La position allemande a été largement influencée par les intérêts des Länders.
La France a insisté sur le rapprochement de l’ue et de ses citoyens, l’évolution de la politique étrangère et de défense commune. La France était assez réticente à l’élargissement à l’est qui pourrait mener à une dilution de l’ue. Ainsi, l’élargissement devrait se faire préalablement à tout élargissement. La France a toujours aussi été réticente au renforcement des institutions supranationales. Le processus de décision devrait être laissé aux institutions intergouvernementales.
L’article 113, qui gouverne la politique commerciale commune a fait l’objet de nombreux débats. La Commission réclamait en effet, que l’article inclue les services et la propriété intellectuelle sur lesquels avait statué la Cour européenne de justice en 1994. La France était opposée à cette extension tandis que la Belgique y était favorable. La préoccupation de la France était donc d’éviter d’attribuer plus de pouvoir à la Commission dans le domaine des services et de la propriété intellectuelle. Pour la France, il était également nécessaire de renforcer le pouvoir des parlements nationaux ce que n’approuvaient ni l’Allemagne, ni l’Espagne. La politique étrangère et de défense commune a fait l’objet d’intenses débats. Au centre des discussions, la place de l’Union de l’Europe occidentale et son rôle face à l’otan. Pour les Atlanticistes comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, il n’était pas question d’affaiblir l’otan ou de faire de l’ueo le bras armé de l’ue ce que partageaient également les pays neutres et non-alignés (Autriche, Finlande, Irlande et Suède).
La Grande-Bretagne était prête à abandonner son opt-out sur la politique sociale et soutenait l’inclusion d’un chapitre sur l’emploi. Le principal intérêt de la Commission dans ces débats sur le traité d’Amsterdam tournait autour de l’article 113 et du renforcement de son rôle en matière de services et de propriété intellectuelle. Le parlement européen n’a pas joué un rôle prépondérant dans la préparation du traité. Le processus de décision communautaire réside principalement dans le conseil des ministres et le Conseil européen malgré les procédures de codécision et de coopération.
Après la fin de la guerre froide, la priorité est donnée aux questions d’émigration et de frontières externes. Le troisième pilier celui de la justice et des affaires internes était donc au devant de la scène. Il ne pouvait être question de l’application de la majorité qualifiée dans ce domaine. Les visas, l’asile et la politique migratoire ont été transférés dans le premier pilier. Les États membres ont aussi décidé d’intensifier leur coopération contre le crime, le terrorisme et les drogues. Une des plus belles réalisations de cette coopération a été l’arrestation à Milan du chef présumé des attentats de Madrid en mars 2004. Le mouvement des personnes a été intégré dans le titre iv du traité.
Enfin la flexibilité a été un thème important du traité et était en filigrane dès 1996. Le concept est imprécis et veut dire des choses différentes pour les États membres. Pour l’Allemagne et la France par exemple, la flexibilité veut dire l’approfondissement de l’intégration tandis que pour la Grande-Bretagne cela veut dire l’opt-out. Cependant tous les États membres rejettent l’option pick and choose. Un certain nombre d’États hésitent comme la Suède, la Grande-Bretagne, la Grèce, le Danemark et le Portugal. L’Espagne est persuadée qu’elle est un pays clé comme la France ou l’Allemagne et de fait, est devenu un partenaire difficile dans l’Union.
Le Traité introduit trois formes de flexibilité : la clause d’habilitation, la flexibilité cas par cas et la flexibilité prédéfinie. La clause d’habilitation signifie que les États membres peuvent poursuivre une intégration plus profonde dans un certain nombre de domaines politiques. La flexibilité cas par cas permet aux États membres de s’abstenir de voter ou de déclarer qu’ils n’appliqueront pas une décision qui pourtant impliquerait l’Union. La flexibilité prédéfinie couvre un champ spécifique et s’applique dès l’entrée en vigueur du traité : l’acquis de Schengen, le protocole no 4 sur la position de la Grande-Bretagne et de l’Irlande dans le titre 4 sur les visas, asile et immigration, le protocole no 5 sur la position du Danemark dans Schengen.
La grande perdante dans ce livre est la politique commerciale commune qui est le pilier de l’ue. Peu d’analyses y sont consacrées ce qui est dommage car c’est un des domaines dans lequel l’ue a le plus de visibilité. Enfin il manque un index, ce qui est impardonnable dans un ouvrage si exhaustif.