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Il est curieux, voire même déconcertant, que les deux meilleurs chapitres de ce volume soient également les deux derniers. La conclusion de John MacKay sur l’avenir de l’apec pourrait retracer bien avant la Deuxième Guerre mondiale l’histoire des idées qui ont mené à la création du Forum de la Coopération économique Asie-Pacifique (apec), en 1989 ; toutefois, il faut ici louanger l’auteur pour être retourné aussi loin en arrière. Une comparaison des efforts d’avant et d’après-guerre de l’Institute of Pacific Relations aurait quand même été utile, surtout à la lumière de la discussion de MacKay sur la soi-disant redéfinition de la « sécurité » dans l’actuel contexte institutionnel contemporain. L’avant-dernier chapitre de Stewart Goodings sur l’interaction (ou l’absence d’interaction) entre l’apec et la société civile est sans doute l’élément le plus intéressant du livre, l’auteur explorant un terrain où peu se sont aventurés – une lacune qu’il souligne à juste titre comme ayant empêché l’organisation de ratisser plus large que les gouvernements, le milieu des affaires et le monde universitaire. Si son chapitre évite de tirer des leçons des affrontements passés entre la société civile et l’apec – comme, malheureusement, en 1997 à Vancouver – il n’en est pas pour le moins significatif, puisqu’il apparaît dans un ouvrage réalisé par un organe de l’apec, le apec International Assessment Network (apian), et qu’il pourrait être précurseur d’un fructueux changement de direction.
Les onze autres chapitres – certains écrits par des fidèles de l’apec, d’autres par des recrues, la plupart rattachés dans les deux cas à des instances ayant un intérêt direct pour la poursuite des activités de l’apec et la poursuite du processus continu d’évaluation – constituent les éléments plutôt statiques d’une revue interne. Le fait que plusieurs analystes semblent croire que les problèmes de l’organisation pourraient être résolus par une institutionnalisation plus poussée, essentiellement par l’expansion de son secrétariat international, est donc prévisible. Ce constat est également préoccupant, dans la mesure où l’un des défis les plus persistants concerne l’identité et la crédibilité de l’organisation aux yeux des groupes d’intérêts et du public. Le chapitre du directeur de l’ouvrage sur les questions budgétaires fait cette observation, tout comme un autre essai de Goodings qui se concentre spécifiquement sur le secrétariat. Une contribution de David MacDuff et Yuen Pau Woo, qui reconsidère l’idée d’une ocde Pacifique en se basant sur la courte histoire de l’apec, place aussi beaucoup d’espoir sur une réorganisation du quartier général en affirmant que cette approche contribuerait à créer plus de liens entre l’apec et l’ocde. Le duo d’auteurs omet cependant toute discussion sur les différences et les prédispositions culturelles dans sa promotion de l’idée d’une ocde Pacifique, avant de conclure par l’affirmation usuelle selon laquelle toute variante pacifique est définie par les couleurs locales au lieu de suivre une approche européenne.
Dans un essai qui semble vouloir calmer la faction pro-institutionnalisation, Hadi Soesastro, partisan de longue date de la région Pacifique, entame l’ouvrage en admettant qu’il y a eu une perte de la mémoire historique au sein de l’institution en raison de la faiblesse relative de son secrétariat, puis en reconnaissant les avantages possibles d’un bureau central renforcé, avant de brusquement faire marche arrière pour ménager la chèvre et le chou (p. 44) : « It needs to be recognized… that the apec regime will be a weak one. It is weak because of the region’s diversity and because it is market driven. But why should this be a problem…? » Étant donné son commentaire sur la mémoire historique, il concède, curieusement, que l’apec semble avoir perdu de son attrait depuis 1994 (p. 40), alors qu’un autre collaborateur – Joseph Damond, dans un essai sur les initiatives de l’organisation sur le plan de la politique commerciale – suggère que l’apec était à l’apogée de sa gloire entre 1994 et 1996 (p. 89).
Plusieurs des essais de l’ouvrage recensé sont très peu, ou pas du tout, documentés. Parmi les autres contributions portant sur la libéralisation commerciale (par Ippei Yamazawa et Robert Scollay), l’investissement (Myrna Austria, la seule collaboratrice), la coopération économique et technique (Medhi Krnogkaew) et l’omniprésent développement des ressources humaines (Nigel Haworth), il y a au moins de l’humour grâce à l’utilisation d’un acronyme pour décrire la Réunion des hauts fonctionnaires de l’apec, dont l’Assemblée plénière est dénommée en anglais Committee of the Whole, ou cow (vache en anglais). Considérant qu’au moment d’écrire ces lignes nous nous trouvons dans une autre période d’incertitude causée par la maladie de la vache folle, cette fois en provenance des États-Unis, on se demande si certains des analystes, exaspérés par les faiblesses du secrétariat de l’apec, semblent dire qu’il faut remédier à celles-ci, sans quoi l’organisation elle-même risque de devenir une vache folle – ou, à tout le moins, une institution qui reflète les défis économiques et politiques reliés à la gouvernance multilatérale qui font surface à chaque épisode de vache folle. Le chapitre de Michael Mullen sur les interactions entre le milieu des affaires et l’apec est tout aussi suggestif, puisqu’il est écrit par un ancien directeur du us National Centre on apec devenu consultant dans la capitale américaine. Ce départ est-il révélateur de l’importance actuelle de l’apec au niveau international, régional et national ?