Comptes rendus : Économie internationale

Naming the System. Inequality and Work in the Global Economy.Yates, Michael D. New York, Monthly Review Press, 2003, 288 p.[Notice]

  • Peter Calkins

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  • Peter Calkins
    Centre de recherche en agroalimentaire
    Université Laval, Québec

L’auteur de ce livre éloquent mais polémique aurait pu l’intituler Invective contre le capitalisme. De façon erronée selon moi, Yates baptise « capitaliste » le vaste mélange hétéroclite de systèmes économiques en dedans et entre les pays du monde contemporain. Cette affirmation lui permet ensuite de proclamer que l’application de la seule théorie économique néoclassique aurait causé l’inéquité, l’exploitation des travailleurs, les dictatures, les guerres, le mauvais traitement des peuples authochtones, le refus de traiter le vih, la privatisaiton des services publics, voire le commerce du sexe (pp. 29-30) ! Yates se fixe comme objectifs d’expliquer la position des travailleurs au sein d’une telle « économie capitaliste mondiale » et d’encourager la population à se soulever contre le système. Il réclame rien de moins qu’une révolution sociale de fond en comble, ciblant particulièrement l’Angleterre, la France et les États-Unis, pays originaires de la théorie néoclassique ! Bien que les problèmes que signale Yates sont aussi réels que déplorables, leurs causes me paraissent d’ordre politique autant qu’économique, d’autant plus que la dimension économique de notre nouveau siècle s’éloigne nettement de la théorie néoclassique. En réalité, la plupart des économies d’aujourd’hui mélangent un capitalisme de marché basé sur un secteur privé, d’une part avec une économie du bien-être basée sur un secteur public responsable, d’autre part et ce, précisément à cause des doubles défis historiques lancés par la théorie marxienne et la puissance soviétique d’autrefois. Les injustices d’aujourd’hui ne doivent donc pas blâmer la théorie néoclassique mais la corruption politique et le succès stratégique mitigé de certains pays dans leurs efforts de gagner des marchés internationaux. De façon frappante, Yates oublie de mentionner que de tels marchés n’appartiennent pas au seul capitalisme. Les économies socialistes peuvent elles aussi se baser sur des marchés ; l’économie yougoslave a fonctionné à succès pendant des décennies sur le principe du socialisme de marché à firmes autogérées par les travailleurs. Étrangement, pour un expert dans le domaine, Yates néglige de mentionner la Yougoslavie, préférant demander au lecteur d’imaginer un tel cas (pp. 174-175) ! Dans ses quatre premiers chapitres, Yates expose les problèmes de l’inéquité, du chômage et des conditions de travail abusives du monde contemporain. Le chaptire 5 explique le « dogme » néoclassique qui aurait suscité de telles conditions, auquel Yates opposera la « perspective » radicale (chap. 6). Le chapitre 7, traitant des « contradictions » du capitalisme, analyse pourquoi – contrairement à ce que Marx avait prédit – le capitalisme est si « résistant », et décèle les « failles » que l’on devra exploiter afin de se battre pour établir un « monde meilleur » (chap. 8). Non seulement Yates tente de réduire le capitalisme à la seule théorie microéconomique néoclassique, il prétend sur le plan macroéconomique, que Keynes endossait « fortement » le capitalisme et fut « ennemi du socialisme ». Cette prétention me paraît tout simplement fausse, car Keynes était actif dans la société socialiste des Fabiens et souhaitait vivement un avenir socialiste planétaire pour l’an 2030. De plus, Yates passe sous silence les premier et deuxième principes de l’économie du bien-être standard, qui revendique la redistribution de la richesse au sein de l’économie afin que les équilibres de marché donnent ensuite des résultats socialement acceptables. Sur la base de telles distorsions, Yates de blâmer la théorie néoclassique pour les réalités complexes de l’économie planétaire. Il prétend par exemple qu’au début le capitalisme a résulté en des syndrômes de « saleté, vacarme, fumée, maladie et mort » (p. 165), mais néglige de mentionner que les mêmes fléaux étaient encore plus présents en Russie staliniste et en Chine …