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L’importance du régionalisme est allée en croissant depuis plusieurs décennies. En même temps, les préoccupations concernant la possible déviation du commerce et des investissements causée par les groupements régionaux entre pays industrialisés ont nettement augmenté. Il y a une tendance au régionalisme tant en Europe qu’en Amérique du Nord, entre pays industrialisés et aussi entre pays industrialisés et pays en développement, dont l’expression hémisphérique est aujourd’hui la proposition de l’alca. La question, pour les pays en développement, est de savoir si l’intégration constitue un facteur ayant une incidence positive pour combler leur retard économique. Partant de cette préoccupation, le livre commence et s’articule autour du thème qui part de cette question : le régionalisme est-il bon pour les pays en développement ?
Selon l’éditeur, la réponse est un « non » qualifié (nuancé ?), parce que l’intégration régionale n’est pas seulement essayée entre des pays industriels mais aussi entre des pays en développement, et, dans certains cas, elle peut produire des bénéfices pour ces pays. C’est autour de cette préoccupation et du constat des faiblesses et bénéfices d’un tel processus que s’organise l’ensemble des chapitres du livre.
Dans l’introduction, l’éditeur signale que la tendance à la formation de blocs s’est intensifiée en partie par la fragilité de l’omc, qui dans une grande mesure est due à l’insistance des États-Unis sur les normes concernant les conditions de travail et l’environnement qui auraient des effets dommageables pour les pays en développement en les privant des avantages comparatifs, en plus d’affecter leur souveraineté.
Étant donné la structure du commerce entre des pays de développement économique inégal, le régionalisme commercial des groupes de pays en développement n’est pas un contrepoids puissant pour l’ue et l’alena. Par conséquent, l’impact des groupements régionaux du monde en développement n’intéresse pas tellement les pays industriels. Par contre, dans les pays en développement, la déviation du commerce et des investissements en Europe et en Amérique du Nord soulève un grand intérêt. L’idée que la croissance de l’ue et de l’alena encouragerait les importations des pays en développement et freinerait de cette façon les effets de distorsion, a été franchement mise en question, un fait dont l’importance est soulignée dans l’introduction.
Le chapitre 2 étudie le régionalisme d’un point de vue théorique et le chapitre 3 d’un point de vue empirique. Le chapitre 2 signale que la formation d’une zone de libre-échange suppose une négociation des distorsions. Une telle association élimine les droits de douane entre les États membres et établit ainsi une relation de prix sans distorsions entre eux, mais il existe une discrimination contre les pays que n’en sont pas membres. L’effet net sur le bien-être est ambigu et ne peut être déterminé a priori. Pour cette raison il est nécessaire de rechercher les conditions dans lesquelles une zone de libre-échange (zle) ou une union douanière (ud) représente un mouvement vers l’optimum de Pareto, c’est-à-dire, le libre-échange universel. Ce chapitre révise des modèles théoriques qui essaient de répondre à cette question.
Le chapitre 3 présente plusieurs méthodes pour estimer les effets économiques de l’intégration économique régionale. On trouve ici plusieurs approches ex ante, des modèles ex post, un modèle de gravitation, une simulation d’accroissement des importations, et une autre approche de régression.
Étant donné que les modèles d’équilibre général computable (egc) sont devenus très populaires, la dernière section présente une vue générale des innovations qui ont été introduites dans ces modèles, tels que ceux qui lient le commerce et l’investissement étranger à l’accroissement de la productivité et la croissance endogène à l’équilibre général computable.
Les chapitres 4 et 5 contiennent le coeur de la recherche empirique. Tandis que le chapitre 4 étudie l’effet des groupements régionaux sur les exportations des pays en développement, celui qui le suit analyse l’impact des groupements de pays industriels sur les investissements étrangers directs.
Le chapitre 4 étudie les effets de déviation du programme de marché unique en Europe (ce-92) sur les exportations des pays en développement en Asie du Sud-Est et ailleurs. Les promoteurs du marché unique avaient affirmé que l’effet de croissance interne entraîné par ce programme serait puissant au point de compenser, et au-delà, les effets de détournement commercial au détriment des pays tiers qu’il impliquerait nécessairement. L’auteur de ce chapitre souligne, au contraire, qu’un tel résultat ne peut être démontré empiriquement. Et cette opinion plus sceptique a donné lieu à une vive préoccupation concernant la possible émergence d’une « forteresse européenne ».
D’autre part, il y a beaucoup de raisons de croire que l’alena causerait une déviation de commerce similaire ou plus grande encore pour l’Asie, parce qu’il y a un grand nombre de commodities parmi les exportations des pays en développement d’Asie qui sont concurrents de ceux du Mexique et du Canada. Cependant, en utilisant le Japon comme « pays de contrôle », on estime qu’il y a un effet de création de commerce extérieur dans le cas de l’alena ; ce résultat, cependant, est probablement dû à d’autres facteurs, au-delà de l’intégration nord-américaine. D’une façon plus générale, selon les auteurs, les résultats parlent plutôt contre l’approche régionale et en faveur d’une approche multilatérale de la libéralisation du commerce. Ainsi, étant donné que le régionalisme continuera sans doute à faire partie de la réalité mondiale, la meilleure stratégie pour l’Asie et pour les pays en développement en général est d’exercer des pressions sur l’omc pour promouvoir un régionalisme ouvert et un minimum de discrimination contre les pays non-membres des groupements régionaux.
L’importance de l’investissement étranger direct (ied) dans les économies des pays en développement en général, et en Asie en particulier, a augmenté pendant les années récentes parce que, en plus d’apporter des capitaux, il a été vu comme un moyen de stimuler le transfert de technologie, d’accroître l’efficacité de l’économie et d’ouvrir des marchés pour les exportations. C’est de cela que s’occupe le chapitre 5, qui évalue les effets de l’ec-92 et de l’alena sur l’ied en Asie.
L’évidence empirique présentée dans ce chapitre suggère que le commerce et les investissements sont intimement liés entre eux et que l’ied est associé avec la croissance robuste des exportations. Cependant la crise financière de 1997-1999 met en question l’importance de l’ied. D’après les auteurs, autour de 1990 le taux de croissance de l’ied en Asie a baissé et le financement des déficits est venu principalement des flux d’investissements plus volatils que l’ied. Cette modification dans la composition des flux de capitaux vers l’Asie a rendu la région plus vulnérable à la crise.
Le livre considère ensuite plusieurs dimensions importantes de l’ied, en commençant par la théorie qui détermine ce qu’est l’ied, y compris les effets potentiels de l’intégration économique régionale et les liens entre commerce et investissement. Plusieurs tendances dans l’ied local sont analysées de façon empirique afin d’identifier les possibles effets de l’intégration régionale et d’offrir ensuite une évaluation empirique des liens commerce/investissement.
Théoriquement, on distingue entre l’investissement de portefeuille, dont les flux peuvent avoir un rôle constructif dans le développement économique en fournissant de l’argent étranger et des fonds d’investissement et l’ied qui implique un degré substantiel de contrôle par ses propiétaires. Étant donné que l’ied est associé à une participation à l’organisation et à la gestion de la part de l’investisseur, il est courant que se produise un ensemble plus complexe d’interactions économiques entre le pays d’origine et le pays récepteur de l’argent en question.
À partir de ce point, les auteurs révisent plusieurs théories sur l’investissement étranger direct. Bon nombre des variables indiquées par ces théories sont examinées dans les sections empiriques de ce chapitre. Concernant l’ied et la théorie de l’intégration économique, les auteurs font une distinction conceptuelle entre deux effets: la création et la déviation d’investissement. Dans la section suivante sont évalués les effets généraux de l’intégration économique sur les flux d’ied pour les cas de l’EC-92 et l’alena. Vu l’importance de l’ied pour la croissance, les pays en développement ont un intérêt spécial pour une possible déviation de ces flux provenant de ses principaux émetteurs – les pays développés – causée par l’intégration régionale en Europe et en Amérique du Nord. La structure temporaire de beaucoup de modèles liant les investissements au commerce suggèrent que les modifications dans l’ied, à un moment donné, causent par la suite des modifications dans le commerce.
Les conclusions des auteurs signalent qu’un examen superficiel de l’ied ne montre pas d’évidence de déviation d’investissement de la part de la « triade » ; cependant, il est évident que l’alena a produit une augmentation des investissements et le custa (Canada et États-Unis) a conduit à l’accroissement de l’ied des États-Unis au Canada. Étant donné la profondeur de la crise asiatique et les implications qu’elle a eues pour l’ied dans la région, le chapitre se termine avec des considérations sur l’effet de la crise dans l’ied asiatique.
Le chapitre 6 est concentré sur la coopération au sein de l’asean, y compris les idées d’une possible union monétaire. Les pays de l’asean sont très différents en matière de structure économique, degré de développement, orientation politique, culture, religion, histoire, etc., raison pour laquelle la coopération économique n’est pas facile. Même la structure économique de l’asean a été dessinée de façon à éviter une intégration trop approfondie. Au cours des années récentes, les pays de l’asean ont cependant procédé à une libéralisation progressive de leurs économies, ce qui a fait chuter les prix des commodities, en particulier le pétrole, et a obligé les pays dépendants des commodities à promouvoir les exportations de produits manufacturés. Le chapitre fait le tour de ces questions en évaluant la coopération, réelle et monétaire, dans ce groupe.
La région a été affectée par des crises diverses qui ont souligné la nécessité d’approfondir la coopération et de promouvoir des initiatives en vue d’attirer des ied. Le chapitre offre une vision générale des réformes économiques et de la coopération dans l’asean, analyse des études qui estiment ex ante les effets des gains plus significatifs de l’afta, et considère l’économie d’une union monétaire dans l’asean.
Les auteurs analysent l’intégration économique dans l’asean depuis les premières initiatives jusqu’à aujourd’hui et évaluent une possible union monétaire. L’idée d’une telle union dans l’asean est née de la crise asiatique, l’instabilité monétaire et d’autres incertitudes. La conclusion est que, malgré les difficultés, l’intégration économique peut être une option viable pour l’avenir. Les études empiriques du chapitre se concentrent en trois thèmes principaux: la symétrie de la structure économique, les flux de facteurs et le degré d’intégration. Finalement on esquisse le développement de l’asean comme une zone de libre-échange qui serait la culmination d’un long processus d’intégration économique et de réforme politique.
Le chapitre 7 tente d’analyser des « effets d’anticipation » que peut avoir générés la zone de libre-échange de l’asean. Toujours par rapport à l’asean sont aussi révisées les questions explorées par Freund et McLaren pour le cas, le chapitre considérant l’importance des changements anticipatoires dans la conduite des agents économiques à travers le temps. Étant donné que les initiatives de coopération économique dans l’asean, pendant de nombreuses années, n’ont guère eu de substance, l’hypothèse des auteurs est que les annonces d’une intégration économique « plus approfondie » à travers une zone de libre-échange asean n’auraient pas de crédibilité, et n’auraient pas les mêmes effets d’anticipation que dans l’ue.
Le dernier chapitre traite de l’intégration économique dans le mercosur et les Amériques. On essaie une approche plutôt historique, dont l’objectif est de saisir les changements rapides des différents accords conclus dans les Amériques, depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui (alalc, aladi, mercosur). Est considéré ensuite le degré de similitude entre les deux régions mentionnées plus haut, mais, compte tenu de la littérature déjà existante sur l’intégration latino-américaine et hémisphérique, le chapitre n’ajoute pas d’éléments nouveaux à ce qui est déjà connu.
L’histoire signale que jusqu’à 1980 la tendance orientée « vers l’intérieur » s’est basée sur la substitution d’importations au niveau régional. Par conséquent, ces accords n’ont jamais été mis en route ou ils se sont condamnés d’eux-mêmes. La réalité a changé et, à partir de cette époque, ces nations ont commencé à réformer leurs économies, sur la base d’une stratégie de développement orientée vers l’extérieur ; cette modification a été induite, en partie, par le succès de telles politiques en Asie et en partie imposées par le fmi. Selon les auteurs, la décision de s’écarter du paradigme de substitution d’importations a ouvert la possibilité de conclure des accords avec les nations développées, ce qui produirait de grands bénéfices, surtout pour les pays en développement, dus aux expectatives de gains majeurs grâce aux économies d’échelle, aux transferts de technologie et à l’accroissement des flux d’investissement. En plus, les conditions préalables pour de tels accords forcent les pays en développement à adopter des politiques basées sur le marché.
Les auteurs passent ensuite en revue le mercosur et d’autres initiatives qui ont surgi en Amérique latine et dans les Caraïbes, comme le Pacte Andin, le mcca et la caricom. En comparant l’expérience de l’asean avec celle des Amériques, ils signalent qu’il y a une considérable similitude entre la structure des exportations de plusieurs pays de l’asean et de l’Amérique latine, bien que dans le cadre de cette similitude générale il y a tout de même des différences significatives. La raison pour l’intégration formelle est liée à la nécessité d’adopter des politiques orientées vers l’extérieur comme partie de quelque initiative régionale pour minimiser toute déviation potentielle de commerce, augmenter la création de commerce externe et maximiser le potentiel des bénéfices dynamiques. Ils laissent entendre que ces pays ont intérêt à conclure des accords régionaux avec les pays qui constituent leurs marchés les plus importants, qui fréquemment sont les pays développés de la région, l’apec pour l’asean et les États-Unis pour l’alca, fait grâce auquel on prétend justifier cette dernière initiative.
En synthèse, le livre mène à trois conclusions importantes : a) en signant des accords préférentiels de commerce, les pays développés doivent essayer de minimiser les possibles effets discriminatoires sur les pays en développement ; b) les pays en développement ont un intérêt spécial dans la réussite des négociations de l’omc qui minimiseraient la discrimination à leur encontre, et c) les unions douanières ou zones de libre-échange entre pays en développement doivent regarder aussi vers l’extérieur s’ils veulent augmenter leur propre bien-être. L’apport essentiel du livre est justement dans la présentation de ces différents scénarios de processus de régionalisation économique qui existent à l’échelle mondiale.