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La révolution des affaires militaires requiert le développement de nouvelles technologies, définitions opérationnelles et structures d’organisation. Ce processus doit conduire l’armée américaine vers les missions nécessaires du xxie siècle. Cependant, le processus implique aussi des risques susceptibles de saper dangereusement les capacités militaires des États-Unis. Il s’agit de mettre en évidence l’intérêt d’une transformation progressive, impliquant simultanément tous les services et l’ensemble des partenaires concernés. L’effort de transformation a été engagé pendant l’administration Clinton. En 2001, la Revue Quadriennale de la Défense (Quadrennial Defense Review) a fixé plusieurs objectifs, notamment la protection du territoire national (homeland) et des réseaux d’information, le développement et le soutien de la puissance américaine vers des théâtres lointains, le refus de la sanctuarisation des ennemis et le renforcement des technologies de l’espace et de l’information. Les événements de septembre 2001 ont donné plus de poids au premier objectif.
Dans une première partie « Les fondations de la transformation », Sam Tangredi (chap. 1) considère que la transformation des affaires militaires implique la mise en place sérieuse des priorités des objectifs et des missions. Aujourd’hui, les États-Unis doivent adopter un nouveau modèle de hiérarchie dans les missions, capable d’identifier dans les intérêts ceux qui sont « de survie », vitaux ou simplement importants nationalement. Les allocations de ressources doivent dépendre des réponses ainsi apportées. Si l’on a abandonné la stratégie de la victoire simultanée sur deux théâtres d’opération, la nouvelle stratégie doit permettre aussi plus de flexibilité pour une plus grande diversité de missions. Pour Thomas Hone et Norman Friedman (chap. 2), la question est de savoir comment les nouvelles technologies peuvent s’appliquer au secteur militaire. Ils mettent en évidence le potentiel d’une douzaine de technologies, dont certaines ont déjà fait l’objet de développements importants dans le domaine commercial. Après une présentation historique, Richard Krugler (chap. 3) insiste sur la nécessité de ne pas recourir aux solutions extrêmes en matière militaire. Le pluralisme des idées et des organisations est plus efficace qu’un plan centralisé et risqué.
Dans la seconde partie « La transformation des services », Thomas McNaugher et Bruce Nardulli (chap. 4) mettent en avant l’importance des transformations à engager dans les services de « l’Army ». Le plan de l’Armée prévoit de mener simultanément des stratégies à long terme (Objective Force), à moyen terme (Interim Force) et à court terme (Legacy Force). À long terme, il faut construire le système de combat futur. Ainsi de petits véhicules en réseau (de 16 à 20 tonnes) devraient remplacer les chars M-1 Abrams de 70 tonnes et les véhicules d’attaque M-2 Bradley de 32 tonnes. Les paris sont faits en faveur d’améliorations importantes dans la technologie d’information, les senseurs et les robots. Pourtant cette démarche est dangereuse si les progrès technologiques ne s’avèrent pas suffisamment rapides. Au fond, avec le combat contre le terrorisme, l’armée a l’opportunité de modifier ses technologies et ses objectifs, ce qui la conduit à une réorganisation nécessaire, qui doit cependant rester très contrôlée. Pour William O’Neil (chap. 5), la Marine (Navy) est devenue une force aérienne considérable. Elle s’est adaptée à cette condition, en créant des plates-formes sur presque tous les navires de guerre. La Marine ne souhaite pas changer trop rapidement, car il faut 15 ans pour concevoir et construire un bâtiment de guerre, lequel est mis en service pendant au moins 35 années. Aujourd’hui, la Marine est sur la bonne voie, avec une capacité stratégique dominante depuis la fin de l’Union soviétique, malgré la diminution des coûts des missiles ou des mines des adversaires potentiels. Depuis septembre 2001, la Navy a une nouvelle mission, le soutien des gardes-côtes dans la protection du territoire contre les attaques terroristes. L’amélioration technologique des armements de la Air Force est considérable et elle porte sur l’espace, l’espace aérien et l’espace cybernétique, note David Ochmanek (chap. 6). Aujourd’hui, les États-Unis disposent des armes les plus performantes et d’une domination importante de l’espace aérien. Cependant, plus d’avions militaires sont nécessaires pour faire face aux menaces de demain. À court terme, il faut remplacer les missiles de croisière et les véhicules de combat automatiques sans assistance humaine, et améliorer les armes disponibles. Par contre, il ne faut pas tout modifier, compte tenu de l’importance de l’avantage des États-Unis dans ce domaine.
Dans la troisième partie, « La coordination des opérations militaires transformées », Paul Davis (chap. 7) présente dix principes qui devraient présider les transformations nécessaires, parmi lesquels l’utilisation maximale de la technologie, l’anticipation de la nature des guerres futures, l’organisation des capacités nécessaires à la réalisation de certaines opérations ou la mise en place sécurisée des soutiens politiques et économiques en faveur de la transformation. Davis propose un système d’analyse des capacités capable de favoriser la mise en place de stratégies adaptées aux menaces. Douglas McGregor (chap. 8) considère que les États-Unis doivent abandonner les tactiques militaires encore valables depuis la Seconde Guerre mondiale. Il faut au contraire mettre en place un commandement centralisé et un contrôle de toutes les composantes stratégiques. Charles Barry (chap. 9) rappelle que les États-Unis doivent prendre en compte le poids de leurs alliances, notamment de l’otan et de la vision européenne de la défense. Il convient de faire en sorte que l’Europe, qui n’a pas de vision commune suffisante en matière de défense, travaille en coopération avec les États-Unis.
Dans la quatrième partie, « Élargissement des aspects de la transformation », Michèle Flournoy (chap. 10) considère d’abord que la prévention doit être conduite de manière agressive et proactive et qu’une politique de protection doit être engagée, dans le cadre d’objectifs bien définis. Elle propose de nombreuses transformations organisationnelles, en partie acceptées par l’administration Bush. Peter Wildon et Richard Sokolsky (chap. 11) mettent en évidence les forces militaires disponibles et ils concluent que la théologie de la « guerre froide » continue à gouverner la politique stratégique américaine. Ils proposent une modernisation des stratégies et des armes disponibles. Pour Stephen Randolph (chap. 12), les forces de l’espace contribuent à l’avantage comparatif des forces américaines, au point qu’elles sont quasiment hégémoniques Cependant, les coûts sont encore prohibitifs et l’exploitation reste très délicate d’emploi. Les États-Unis doivent continuer à investir dans la R&D et à soutenir la base industrielle nationale correspondante. Jacques Gansler (chap. 13) souligne la vulnérabilité des États-Unis dans le domaine du cyberspace. Les autoroutes de l’information mettent en oeuvre des flux qui ne sont pas toujours facilement contrôlables et qui se prêtent, de ce fait, aux actions terroristes. Il convient donc de créer un système internet fiable contre tous les types d’attaque. Pour Mark Montroll (chap. 14), le complexe de la R&D de défense est très puissant, mais des problèmes sérieux s’annoncent à l’horizon. Aujourd’hui, les grandes entreprises renâclent à investir dans la R&D militaire jugée finalement pas si rentable que cela. Le Pentagone aurait beaucoup à apprendre des pratiques des firmes commerciales qui conduisent à des recherches importantes sur l’identification et l’acquisition de technologies nécessaires, éventuellement disponibles ailleurs. Pour Paul Needham (chap. 15), les initiatives nombreuses entreprises pour réduire la logistique de projets de forces militaires devraient aussi tenir compte des expériences civiles, même si le service ainsi obtenu n’offrira plus les mêmes normes de sécurité. Il y a donc un choix à faire, peut-être différent selon les situations réelles des services, entre le coût et le risque.
Cet ouvrage, très technique, s’adresse aux parlementaires, aux spécialistes de l’art militaire, aux personnels des industries d’armement et bien sûr aux responsables de la défense. Il s’agit d’un ouvrage très sérieux, bien documenté, mais parfois un peu trop technique.