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Cette étude du système juridique de l’onu s’inscrit dans le débat théorique qui oppose les partisans de l’hypothèse selon laquelle les Nations Unies réalisent un saut qualitatif dans le système juridique international, en développant un modèle hiérarchique et centralisé qui se rapproche du modèle étatique, aux tenants d’une vision plus traditionnelle – dont l’auteur revendique l’héritage – qui considèrent que l’interétatisme continue à régner, ce qui induit la relative banalité de l’onu par rapport au système juridique international. L’opposition de Jean-François Marchi aux excès des approches institutionnelles n’est donc pas nouvelle, mais elle participe d’une démarche extrêmement rigoureuse qui en fait l’originalité.
À la suite d’un propos liminaire où l’auteur non seulement définit les notions « d’accord » de l’État et de « droit des Nations Unies », mais dans lequel également il explicite l’objet, les intérêts et la problématique de sa thèse, l’ouvrage se divise en trois parties. La première traite de la manière dont la condition légale de l’onu dans l’ordre international est déterminée par l’attitude individuelle des États. Pour cerner cette situation que le droit international réserve à l’onu, Jean-François Marchi cherche d’abord à identifier les fondements sur lesquels repose la personnalité internationale (titre i) des Nations Unies dans l’ordre international. Dès lors que la qualité de sujet – c’est-à-dire une aptitude à posséder des droits et des obligations – est reconnue aux Nations Unies, il convient d’analyser la capacité internationale (titre ii) de l’onu. L’interrogation consiste, pour l’essentiel, à déterminer si les attributs des Nations Unies sont statutaires – comme pour l’État – ou bien s’ils ne sont que conférés, leur existence dépendant exclusivement de l’attitude des entités légalement habilitées à conférer ces attributs. L’auteur arrive à la conclusion que la condition légale de l’onu s’inscrit dans une « incontournable subordination » aux États, qui restent maîtres de l’étendue de la capacité conférée. Dans l’ordre international, souligne Jean-François Marchi, c’est toujours l’accord entre États qui fonde la condition légale de l’organisation internationale et qui permet de la caractériser.
La deuxième partie est consacrée au droit institutionnel de l’onu, en tant que cadre légal de son activité. Il s’agit de déterminer si les États restent, seuls, à l’origine des modalités légales de l’activité des Nations Unies ou si, une fois dotée d’une existence légale et animée par un dynamisme propre, l’onu parvient à s’affranchir, progressivement, de l’influence de ses États membres. L’étude du traité constitutif de l’Organisation (titre i), puis de la pratique constitutionnelle (titre ii) conduit Jean-François Marchi à considérer que l’idée de « droit interne » des Nations Unies est difficilement admissible dans la mesure où le fonctionnement de l’onu n’a rien de comparable avec la logique de l’ordre étatique. Au-delà de ses implications contractuelles, l’évolution de l’acte constitutif s’explique davantage par des mécanismes classiques de l’ordre international – comme la reconnaissance et l’opposabilité –, qu’en utilisant les critères internes de validité et de nullité.
Dans la dernière partie, il est question de la façon dont le droit dérivé de l’onu opère. Il s’agit, dans un premier temps, de déterminer la latitude dont disposent les Nations Unies dans l’édiction (titre i) d’actes unilatéraux. Une des singularités de l’onu réside dans le fait que parmi les actes qu’elle est appelée à adopter, certains (les décisions du Conseil de sécurité notamment) sont censés constituer des actes obligatoires pour les États, la Charte autorisant clairement le recours à la contrainte militaire. C’est en toute logique, donc, que l’auteur s’intéresse, dans un second temps, à l’exécution (titre ii) du droit dérivé, c’est-à-dire aux mécanismes en vertu desquels les objets légaux que l’onu édicte sont opposables à leur destinataire. Or, dans les faits, c’est la logique interétatique qui prévaut sur cette logique unilatérale, telle qu’elle est mentionnée dans la Charte. Dans la mesure où, explique l’auteur, la résolution fait appel à une participation de son destinataire – même si elle est formulée sous forme d’injonction – elle requiert l’acquiescement à sa validité.
Avec plus de 600 références mentionnées en fin d’ouvrage, la table des documents cités (conférence de San Francisco, jurisprudence, résolutions du Conseil de sécurité, documents de l’Assemblée générale et du Secrétariat général, etc.) et la bibliographie (qui distingue les ouvrages et thèses des cours, articles, travaux de sociétés savantes et commentaires du Pacte de la sdn et de la Charte des Nations Unies) constituent un recensement d’éléments scientifiques opératoires.
Servie par un style sobre, la thèse multiplie les angles d’approche, reprend le débat entre institutionnalisme et interétatisme avec application, mais reste destinée à un public averti. L’auteur, en outre, tend parfois à surestimer la marge de manoeuvre de l’acteur étatique en négligeant les écarts de « puissance » et les différents rôles revendiqués par les États dans l’arène internationale. Certains pourraient regretter, aussi, que la question de la « démocratisation » du processus décisionnel au sein des organisations internationales, et notamment dans le cas de l’Union européenne, ne vienne pas alimenter la réflexion. L’ouvrage s’avère, néanmoins, un outil intéressant pour tous les observateurs attentifs au fonctionnement de la Maison de verre et plus particulièrement à l’heure où les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies éprouvent les pires difficultés à s’accorder sur l’opportunité d’une intervention militaire en Irak.