Comptes rendus : Théorie, méthode et idées

Henderson, Errol A., Democracy and War. The End of an Illusion ?, Boulder, co, Lynne Rienner, 2002, 165 p.[Notice]

  • Julie Gagné

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  • Julie Gagné
    Chaire de recherche du Canada en sécurité internationale
    Institut québécois des hautes études internationales
    Université Laval, Québec

Jack Levy a déjà affirmé que la théorie de la paix démocratique est probablement ce qui est le plus près d’une loi empirique dans le domaine des relations internationales. Dans Democracy and War. The End of an Illusion, Errol A. Henderson présente justement une réévaluation critique de cette théorie. Ce qui rend cette étude particulièrement intéressante est qu’elle défie la théorie de la paix démocratique sur son propre terrain, en utilisant les mêmes données empiriques et des méthodes statistiques similaires à celles employées par ses défenseurs. Ainsi, Henderson réfute une des théories les plus communément acceptées par la communauté scientifique. Ces résultats mettent sérieusement en doute les fondements théoriques de la « croisade démocratique » que poursuit nombre de pays occidentaux au nom de la quête de la paix mondiale. La paix démocratique : statistiques convaincantes, théories décevantes. Dans son introduction, Henderson présente les deux principales versions de la proposition de la paix démocratique. La version dyadique, qui est aussi la plus communément acceptée, propose que les États démocratiques ont une propension moins grande que les États non démocratiques à se faire la guerre entre eux. Quoique largement confirmée par la littérature empirique, la thèse repose selon l’auteur sur des arguments théoriques – structuraux/institutionnels ou culturels/normatifs – peu convaincants. La théorie de la paix démocratique implique également que les démocraties, prises individuellement, devraient être plus pacifiques – que les non-démocraties. Contrairement à plusieurs autres études qui affirment que cette variante monadique de la paix démocratique est étayée, l’auteur avance qu’elle ne présente pas des assises empiriques suffisantes pour prouver sa validité. En somme, Henderson souligne que les deux propositions de la théorie de la paix démocratique font toujours face à un débat théorique important ; mais c’est au coeur des évidences empiriques que s’attaque l’auteur pour rejeter la théorie de la paix démocratique dans son ensemble. Les démocraties ont-elles moins tendance à s’affronter entre elles ? Tout d’abord, Henderson examine la proposition dyadique de la paix démocratique pour évaluer dans quelle mesure les démocraties ont moins tendance à s’affronter entre elles. L’auteur reprend l’étude d’Oneal et Russett, l’une des plus importantes et des plus convaincantes études validant la proposition dyadique de la paix démocratique. Il modifie légèrement l’analyse des deux auteurs en évitant de considérer les cas de conflits prolongés comme de nouveaux cas de différends, ainsi qu’en mesurant séparément l’impact de la démocratie et celui des similarités politiques et des interdépendances commerciales. Suite à ces modifications et en utilisant les mêmes données et des techniques statistiques identiques à celles d’Oneal et Russett, Henderson ne trouve aucune relation significative entre une dyade démocratique et la probabilité d’un conflit international. Henderson détruit ainsi un des supports fondamentaux de la thèse de la paix démocratique et ébranle par le fait même la stratégie d’élargissement démocratique, développée depuis la fin de la guerre froide et ayant pour but de garantir la paix mondiale. Les démocraties sont-elles plus pacifiques que les non-démocraties ? Henderson teste ensuite la proposition monadique de la paix démocratique, qui suppose que les États démocratiques sont de façon générale plus pacifiques que les États non démocratiques. En tenant compte d’un ensemble de facteurs économiques, politiques et culturels qui sont reliés à l’occurrence des guerres interétatiques, Henderson obtient des résultats qui infèrent la proposition monadique de la paix démocratique et qui indiquent même que les démocraties ont en fait une plus grande propension à s’impliquer et à initier des guerres interétatiques et des différends militaires internationaux. L’auteur précise alors qu’un élargissement démocratique risque d’augmenter, plutôt que de diminuer, la probabilité des conflits internationaux. Puis, dans un souci d’analyser la validité …