À une époque où les conflits ethniques se multiplient, bien des observateurs avisés croient que la communauté internationale y réagit soit trop tard, soit avec trop peu de moyens quand elle ne refuse pas carrément d’intervenir par manque – ou par excès – d’intérêts pour ce faire. L’ouvrage du politologue Daniel Byman, analyste politique à la rand Corporation et directeur de recherche du Center for Middle East Public Policy de la même institution, se veut une contribution académique destinée à la fois aux universitaires et aux praticiens concernés par les guerres ethniques en général. Présentée à l’origine en tant que thèse de doctorat, cette monographie a un objectif très clair : tirer les leçons des conflits ethniques du passé afin d’identifier les stratégies pouvant aider les gouvernements à résoudre de manière durable de tels conflits. Il ne suffit cependant pas d’identifier ces stratégies, il faut aussi les évaluer en étudiant leurs forces et faiblesses afin d’en déterminer les chances et conditions de succès. Se basant essentiellement, mais non exclusivement, sur l’histoire des conflits ethniques du Moyen-Orient, l’auteur développe son analyse tout en y intégrant les informations tirées de plusieurs entrevues qu’il a menées dans cette région et aux États-Unis. Devant les pessimistes qui refusent de considérer que des solutions aux conflits ethniques sont possibles, Byman défend la thèse qui veut qu’en dépit des énormes défis que cela comporte, il est des politiques qui, lorsqu’appliquées en toute connaissance de leurs faiblesses et avec des mesures pour pallier celles-ci, permettent de rétablir durablement la paix après une guerre ethnique majeure. Outre la communauté de facteurs tels que la langue, les frontières ou la parenté, Byman établit, sans tenter de cacher le caractère arbitraire de ce choix, à 10 000, le nombre d’individus minimum pour constituer un « groupe ethnique ». Cependant, loin de consacrer la prépondérance aux liens réels qui unissent les membres d’une communauté, la définition employée insiste surtout sur l’importance du sentiment qu’ont ses membres d’appartenir à un groupe ethnique. L’auteur exprime ensuite sa conception du « conflit ethnique » qui : « […] est un conflit violent entre des groupes ethniques ou entre un groupe ethnique et des forces gouvernementales constituées d’un ou de plusieurs groupes ethniques » (p. 6). De plus, l’auteur soutient que pour qu’un conflit ethnique puisse être considéré comme étant « réellement terminé » (successfully terminated), le chiffre des décès qu’il provoque doit représenter annuellement moins de cent individus et ce, pour une durée minimum de vingt ans. En ce sens, l’analyse se concentre – ainsi que Byman l’admet lui-même – sur une valeur, la préservation de vies humaines. Par conséquent, elle néglige passablement d’autres valeurs telles que les droits humains ou la diversité culturelle. L’introduction, qui est aussi le chapitre 1, ne nécessite pas que l’on s’y attarde davantage alors que le chapitre 2, une typologie des causes des conflits ethniques, sert de fondement pour la suite. Le coeur du livre s’articule autour de six chapitres examinant chacun une stratégie potentiellement utile pour mettre fin à un conflit ethnique. Le chapitre 3 examine les mesures pouvant être prises par un gouvernement pour renforcer la sécurité de ses citoyens tout en contrôlant leurs agissements. En clair, il s’agit ici d’utiliser la force militaire et policière, d’une part, pour dissuader le recours à la violence par certains individus ou groupes et, d’autre part, pour rassurer ceux qui pourraient, en l’absence d’un tel contrôle, se sentir menacés et prendraient de ce fait les armes pour se défendre. Cette stratégie, largement utilisée, n’en comporte pas moins des effets pervers majeurs en provoquant des abus à l’égard …
Keeping the Peace. Lasting Solutions to Ethnic Conflicts.Byman, Daniel L. Baltimore/Londres, Johns Hopkins University Press, 2002, 280 p.[Notice]
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Martin Larose
Candidat au doctorat en histoire
Université de Montréal, Montréal