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L’ouvrage sur « les contrats d’État à l’épreuve du droit international » est initialement la thèse de doctorat de Mme Lankarani soutenue sous la direction de Mme le professeur Brigitte Stern, le 10 décembre 1996 à l’Université de Paris i. Cet ouvrage préfacé par le directeur de recherche, comprend un avant-propos de Prosper Weil, professeur émérite à l’université de Paris ii et auteur de plusieurs écrits sur la problématique de l’ouvrage. La thématique abordée par l’auteur n’est pas neuve. Elle a fait l’objet d’une littérature abondante. Plusieurs débats ont fait couler beaucoup d’encre entre les détracteurs de la soumission des contrats d’État (ou de développement économique) au droit international et les promoteurs de l’insertion de ces contrats dans l’ordre juridique international. Bien évidemment, chaque courant a développé ses propres arguments et a affûté les moyens du combat argumentaire. Les auteurs qui mettent l’accent sur la préservation des intérêts des sociétés transnationales aspiraient à assimiler le « contrat » au « traité ». Ceux qui sont hostiles à ce que les sociétés transnationales soient hissées au rang de l’État, sujet primaire du droit international, mettaient en avant les principes de la souveraineté et de la puissance publique. En conséquence, la relation contractuelle entre un État et une personne privée étrangère ne peut s’inscrire que dans l’ordre juridique interne d’un État en l’occurrence le pays d’accueil.
Le livre de Mme Lankarani est venu apporter un nouvel éclairage sur la question de savoir si ces contrats d’État peuvent être rangés dans l’ordre juridique international et si ce dernier est « apte à encadrer et à juridiciser par ses concepts le contrat entre État et personnes physiques ou morales étrangères ». L’auteur mène son investigation dans deux domaines complémentaires au travers desquels il s’attelle à démanteler « les foyers favorables » à l’insertion des contrats d’État dans la catégorie des actes soumis au droit international. Pour ce faire, Mme Lankarani se livre à une analyse à la fois théorique et pratique pour rendre évident les écueils s’opposant à l’enracinement desdits contrats dans l’ordre juridique international. Dans la première partie, l’auteur passe au crible les éléments théoriques susceptibles de justifier un tel enracinement des contrats d’État dans le système juridique international. Il s’agit en l’occurrence des principes généraux du droit international (troisième source à côté du traité et de la coutume) et d’autres facteurs. De là, l’auteur a structuré son argumentation en trois chapitres.
Le premier chapitre est consacré à un travail d’identification et de détermination des principes généraux qui servent de fondement à la théorie de l’internationalisation des contrats d’État. Au terme d’un raisonnement juridique rigoureux, l’auteur établit le constat selon lequel le contenu de ces principes généraux couvrent des terminologies différentes (principes généraux du droit international, principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées). Il en conclut que l’ambiguïté et le flou qui entourent ces principes rendent fragile l’assise juridique de la théorie de l’internationalisation des contrats. Sur un autre front d’attaque, Mme Lankarani démontre que Pacta sunt servanda largement usité par le courant maximaliste de l’internationalisation des contrats d’État, ne peut être efficace que si les parties sont autonomes au sein de l’ordre juridique national. Or, selon l’auteur, dans le lien juridique qui unit l’État à l’investisseur étranger seul le premier est autonome, alors que le second ne l’est pas dans la mesure où il n’a pas de pouvoir qui lui permet « de devenir maître de ses actes dans l’ordre juridique international et d’en assumer les conséquences, mêmes limitées à l’exécution du contrat qu’il a conclu ». Au bilan, la troisième source est loin de constituer un fondement juridique valable pour ancrer le contrat dans la sphère du droit international.
Le second chapitre traite du champ couvert par la troisième source dans la recherche de l’internationalité. L’auteur démontre que les principes généraux de droit au sens du statut de la cij sont une source « limitée ou conditionnelle ». Autrement dit, leur rôle est d’empêcher le juge de prononcer le non liquet lorsque les règles conventionnelles ou coutumières font défaut par rapport au litige ou encore lorsqu’elles sont obscures. Ce champ restreint transparaît également en matière de répartition horizontale concernant les compétences nationales ou verticale s’agissant des compétences normatives du droit international par rapport au droit national. La jurisprudence établit clairement que « cette fonction appartient seulement et exclusivement à la coutume et à la convention ». L’auteur déduit au terme de cette démonstration que les principes généraux de droit réglementent les rapports ou situations qui relèvent du droit international. Mais ces principes s’éclipsent dès que la question litigieuse relève du domaine réservé à la compétence normative de l’État. L’internationalisation des contrats d’État par le biais des principes généraux s’avère donc fragile.
Le troisième chapitre est consacré à la réfutation des autres critères avancés par les « laudateurs » de l’internationalisation du contrat tels que la répercussion interétatique des contrats, leur règlement arbitral et les clauses de choice of law. L’auteur, établit que l’internationalisation des contrats d’État ne peut reposer sur la clause d’arbitrage ou encore la clause d’electio juris dans la mesure où « l’arbitrage est un instrument pratique qui n’a nul besoin de s’enfermer dans le carcan d’un ordre juridique et qui peut se passer de toute allégeance à tel ou tel ordre juridique ». Mme Lankarani termine son raisonnement par le fait que les contrats d’État ne sont ni des contrats de droit international, ni d’un contrat quasi international mais d’un contrat autosuffisant autorisé par un système national.
Dans la seconde partie, Mme Lankarani tente de vérifier ses conclusions et ses analyses par la pratique internationale, notamment les points de vue de la jurisprudence internationale, de la codification et du développement progressif du droit international et de la Convention de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement.
Dans le chapitre 4, l’auteur fait appel à la jurisprudence des deux cours internationales pour appuyer son raisonnement du rejet de l’internationalité des contrats d’États. Dans les affaires du chemin de fer Panevezy et de l’Anglo-iranian Oil Co, la Cour conclut que « ces contrats qui sont exclus en tant que tels de l’ordre juridique international, car ne soulevant pas de questions relevant du domaine du droit international, se meuvent en dehors de l’orbite du droit international ». Par ailleurs, l’auteur corrobore cette jurisprudence par celle des tribunaux arbitraux. Dans l’affaire Amoco où la société invoquait « l’illégalité internationale de l’acte de nationalisation qui l’avait frappée en 1980 en tant que violation de son contrat contenant une clause de stabilisation », le tribunal a rejeté l’internationalisation en considérant, entre autres, que la clause de la stabilisation ne peut à elle seule servir de fondement juridique à l’application du droit international.
Quant au chapitre 5, celui-ci fait état des projets et rapports de la cdi quant à la qualification juridique de ces contrats (les contrats d’État sous l’angle du droit des traités, le droit de la responsabilité internationale...). La tendance générale qui se dégage de ces études est l’exclusion des contrats d’État du domaine de l’international. Le droit international ne s’applique qu’entre sujets primaires (États) et dérivés (Organisations internationales) et les obligations contenues dans les contrats d’État sont juridiques mais ne relèvent pas de l’ordre juridique international.
L’essentiel du chapitre 6 gravite autour de la problématique de l’article 42-1 de la Convention créant le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements. L’auteur réfute d’ancrer le contrat d’État dans l’ordre juridique international par le simple fait de soumettre le différend qui résulte de l’application desdits contrats à l’arbitrage. Mme Lankarani s’appuie sur l’idée selon laquelle « un tribunal devrait en premier lieu prendre en considération le droit national et le droit international n’intervient qu’en cas de lacune du droit interne sur le point litigieux ». Autrement dit, le droit international est d’application secondaire et donc joue un rôle correctif.
L’ouvrage de Mme Lankarani est incontestablement une référence précieuse sur la problématique de l’internationalisation des contrats d’État. La démonstration est implacable et l’analyse juridique est rigoureuse. La critique principale qu’on pourrait formuler à l’égard de ce travail est que l’auteur a « négligé » les derniers développements doctrinaux sur la question et la prise en considération du paramètre du processus de la mondialisation tel qu’il se développe et tel qu’il se saisit de la discipline juridique. Cela étant, l’auteur a désamorcé une grande partie de ces critiques sous la rubrique « Épilogue » où un nouvel état des lieux fut établi. En somme, il s’agit d’un travail de réflexion très stimulant et très spécialisé qui risque de n’intéresser que la communauté des universitaires et des praticiens.