Comptes rendus : Organisations internationales

The Legitimacy of International Organizations.Coicaud, Jean-Marc et Veijo Heiskanen (dir.). Tokyo, United Nations University Press, 2001, 578 p.[Notice]

  • Jean-Christophe Graz

…plus d’informations

  • Jean-Christophe Graz
    Centre for Global Political Economy
    University of Sussex, United Kingdom

Cet ouvrage collectif est le résultat du programme de recherche « paix et gouvernance » conduit sous les auspices de l’Université des Nations Unies. Son objectif est d’identifier différents contextes dans lesquels évaluer la problématique de la légitimité du système actuel de gouvernance internationale. Il réunit principalement des juristes, mais la plupart des contributions cherchent à se situer au-delà de la technicité de l’argumentation juridique et abordent des enjeux philosophiques, doctrinaux, politiques, économiques ou culturels. L’ouvrage est organisé en trois parties. La première examine les éléments de théorie juridique associés au problème de légitimité des organisations internationales, en particulier le principe démocratique et le constitutionnalisme. La seconde aborde les transformations actuelles de l’environnement international dans lequel évoluent les organisations internationales. La troisième inclut des études de cas consacrées à l’Organisation mondiale du commerce (omc), à la nouvelle architecture financière internationale, à la Banque mondiale et la question des femmes et, enfin, à la place des pays en développement dans le régime en charge du changement climatique. L’introduction de Heiskanen prend la hauteur suffisante pour replacer le débat sur la légitimité des organisations internationales dans le cadre conceptuel de la philosophie politique, tout en abordant la façon dont les développements les plus récents de la question suggèrent une rupture radicale de paradigme. Il rappelle comment la philosophie des Lumières et les fondements du libéralisme s’opposent sur la question du pouvoir légitime ; il revient sur les trois principaux problèmes que pose l’extrapolation de ce débat au niveau des organisations internationales : l’absence de relation représentative directe entre la population et les organisations internationales ; l’absence de communauté politique unifiée ; la fonction plus administrative que gouvernementale des organisations internationales. Selon l’auteur, certains traits marquants de la mondialisation néolibérale, notamment en matière de communication, de représentation de la « société civile », de nouvelle gestion publique et du pouvoir accaparé dans un cadre informel et privé, conduisent à l’émergence d’une « démocratie entrepreneuriale » (corporate democracy). De ce point de vue, « contrairement aux deux écoles dominantes de la philosophie sociale et politique moderne, le Libéralisme et les Lumières, le modèle émergent [de légitimité] n’est pas basé sur le concept de souveraineté populaire, ou de citoyenneté universelle avec des droits politiques égaux et interchangeables ou fongibles, mais sur le concept purement entrepreneurial de partie prenante (stakeholder) » (p. 12). L’orientation générale de l’ouvrage est de réunir des chercheurs contribuant à une analyse de la légitimité des organisations internationales ouverte sur de nouvelles perspectives. Plusieurs d’entre eux mettent en avant les sources de plus en plus variées sur lesquelles doivent désormais compter les organisations internationales dans leur recherche de légitimité. Mais peu partagent l’analyse de Heiskanen sur l’étendue de la rupture paradigmatique. Susan Marks, dans le chapitre intitulé « Democracy and International Governance », s’appuie sur les thèses de David Held consacrées à l’émergence d’une démocratie cosmopolite. Ce point de vue constitue aujourd’hui une des théorisations majeures de la mondialisation. Mais, en affirmant que l’idéal démocratique doit désormais suivre un double cours – l’un, pan-national, à l’intérieur de chaque État-nation ; l’autre, transnational, à travers les institutions de la scène internationale –, cette doctrine est avant tout la dernière en date des tentatives de synthèse entre l’idéal des Lumières et le constitutionnalisme libéral. Les deux chapitres suivants, de Philip Allot et Jose Alvarez, sont des essais de doctrine constitutionnelle, le premier puisant dans plus de deux mille ans de philosophie occidentale, le second naviguant parmi les interprétations contradictoires des Chartes des organisations internationales du système des Nations Unies. Allott poursuit son projet de rénover l’école anglaise des relations internationales, en particulier …