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Pour ce 5e volume consacré au droit international, l’ihei de Paris proposait deux thèmes particulièrement d’actualité, mais qui s’inscrivent aussi dans une thématique de cours déjà professés à l’Institut. Au cours de l’année 2000/2001, le professeur Gerhard Hafner traitait du « contexte particulier de la responsabilité dans le droit international de l’environnement » (pp. 7-73) et le professeur Hüseyin Pazarçi des « détroits internationaux dans le droit international contemporain » (pp. 77-142).
En 67 pages d’une extrême richesse, le professeur Hafner montre très vite l’enjeu. La responsabilité, à la base de tout système juridique, est un élément essentiel du droit dans la mesure où elle implique la réparation. Mais la responsabilité a aussi un effet préventif en incitant à un respect plus grand des normes internationales. Et c’est là que se situe l’intérêt car les normes régissant l’environnement sont toujours menacées d’êtres violées. Le cours montre notamment la spécificité de ce droit, né des dommages dus à la pollution, mais qui subit un double élargissement : élargissement de la notion d’environnement (qui s’étend à la santé, à la vie végétale et animale, au bien-être de l’homme, à la gestion rationnelle des ressources, etc.) et élargissement du dommage, qui ne concerne plus seulement l’individu mais l’environnement lui-même (cf. convention de Lugano de 1993). De là, il en résulte des difficultés dans la mise en oeuvre de la responsabilité.
En effet, le triptyque illicéité/imputabilité/causalité du droit classique de la responsabilité n’est pas ici aisément transposable en raison de la spécificité de la norme, faite de permission et non d’interdiction, et qui n’est par ailleurs pas toujours contenue dans un traité, mais aussi de la spécificité de l’élément d’imputabilité (les dommages sont aussi causés par des personnes privées) et du lien de causalité du fait de l’interaction des phénomènes naturels.
Enfin, l’auteur dresse un panorama très complet des différents systèmes possibles et des différents systèmes de responsabilité pratiqués, qui vont de la responsabilité absolue des États pour les objets spatiaux à la responsabilité civile, abordés sous les angles de la définition du dommage, des questions de procédure et des systèmes de compensation.
À titre de conclusion, et selon le mot même de l’auteur, « il convient plutôt de parler d’une obligation d’indemnisation que d’une responsabilité » (p. 72).
En ce qui concerne le cours du professeur Pazarçi (pp. 79-142), celui-ci a choisi d’étudier d’abord le régime général avant de faire une étude de cas à partir des détroits turcs. Parmi les problèmes posés par le régime général, celui de la définition du détroit est d’une importance particulière car le droit international ne s’étant intéressé qu’aux détroits servant à la navigation internationale, il ne propose pas de définition précise. En définitive, il en résulte davantage une classification en fonction de la nature juridique des espaces reliés entre eux et du type de passage autorisé (passage en transit, inoffensif, archipélagique, libre, ad hoc) ainsi que des règles relatives au survol. Sur les détroits, les États disposent d’un certain nombre de compétences relatives au contrôle de la navigation, à la sécurité, à la protection de l’environnement et à la suspension du droit de passage au cas où l’État est partie à un conflit armé.
À la suite de ce catalogue que l’on aurait souhaité peut-être moins descriptif et plus riche d’exemples, l’auteur confronte les règles qu’il vient d’évoquer à celles qui s’appliquent aux détroits turcs du Bosphore, des Dardanelles et de la mer de Marmara telles qu’elles résultent de la convention de Montreux du 20 juillet 1936. Et notamment il rappelle que si la liberté de passage pour les navires de commerce est reconnue, ce n’est pas le cas pour les navires de guerre.
Le cours se poursuit ensuite par une analyse du décret turc du 23 décembre 1993 modifié le 18 mai 1994 et approuvé par l’Organisation maritime internationale dans une résolution du 5 décembre 1995. Ce décret, qui réaménage la convention de Montreux, a pour objet de renforcer la compétence de la Turquie en matière de sécurité de la navigation et de protection de l’environnement et n’affecte en rien les droits des navires. Face cependant aux critiques émises par certains, la Turquie a pris un nouveau décret (8 octobre 1998), qui assouplit les conditions de la longueur des navires pour leur passage dans les détroits et les conditions de passage des navires nucléaires, réglemente avec plus de précision les conditions de suspension du droit de passage et supprime la faculté de sanctionner les infractions commises à l’encontre de la réglementation relative à la séparation du trafic selon le code pénal turc.
Malgré cela, les détroits turcs restent, pour une large part, soumis à la compétence du droit turc. L’auteur voudrait aller plus loin et se prononce contre la suppression de la possibilité de suspendre le passage des navires.
L’intérêt de ces deux cours est d’avoir été professés par des auteurs qui ont une expérience très grande des thèmes étudiés. La qualité de membre de la cdi donne au cours du professeur Hafner un éclairage tout à fait intéressant sur le sujet ; quant au professeur Pazarçi, son passé de conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères l’a confronté quasi quotidiennement aux problèmes soulevés par le transit des navires dans cette région du monde.