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Le respect des droits fondamentaux est l’un des principes fondateurs de l’Union européenne et la condition indispensable pour sa légitimité. En consacrant par la charte des droits fondamentaux, sa philosophie des droits de l’homme, l’Union européenne tente de remédier à l’absence de politique cohérente en matière des droits de l’homme.
Bréviaire de la politique des droits de l’homme de l’Union européenne, cet ouvrage collectif très dense apporte des éclairages sur le plan institutionnel, juridique, philosophique et doctrinal. Il s’agit, en effet, d’un recueil de 28 articles rédigés à partir de consultations réalisées, durant deux années, de tous les acteurs de la politique des droits de l’homme de l’Union européenne. Afin de commémorer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, des représentants de la société civile, des chercheurs, des experts, des fonctionnaires de l’Union européenne, des députés européens et des organisations non gouvernementales ont, ainsi, participé à l’élaboration de cet ouvrage qui offre par son approche analytique mais aussi synthétique les bases d’une politique cohérente des droits de l’homme de l’Union européenne.
Ce volumineux recueil composé de huit parties est présenté par les professeurs Philip Alston et Joseph H.H. Weiler. Ils posent les bases de la réflexion en expliquant les raisons pour lesquelles l’Union européenne doit élaborer une politique des droits de l’homme plus authentique et plus cohérente.
Un deuxième chapitre s’attache aux dimensions philosophiques des droits de l’homme au sein de l’Europe. À cette fin, le professeur Charles Leben s’interroge de manière provocante sur l’existence d’une approche européenne des droits de l’homme. Il conclut par l’affirmative en démontrant que l’Europe est marquée par la philosophie de l’individualisme révolutionnaire du xviiie siècle malgré l’interventionnisme étatique. Le professeur Martti Koskenniemi poursuit cette réflexion en s’attachant à l’incidence des droits de l’homme sur la culture politique. Il dénonce, en l’occurrence, le « bavardage des droits de l’homme » auquel conduit l’institutionnalisation des droits de l’homme. En écho, le professeur Klaus Günther critique la rhétorique des droits de l’homme. Aussi, il préconise d’accélérer les interactions entre droit et politique et de concevoir les droits de l’homme comme l’héritage de l’injustice et de la peur pour supprimer les effets pernicieux du discours sur les droits de l’homme.
Un troisième chapitre est consacré à l’examen du contexte dans lequel l’Union européenne réalise sa politique des droits de l’homme. Le professeur J.H.H. Weiler et la doctorante Sybilla C. Fries plaident pour l’établissement d’un principe général de compétence de la Communauté dans le domaine des droits de l’homme pour élargir son domaine d’intervention. Le professeur Steve Peers montre, par exemple, que la portée de la politique des droits de l’homme est minimale en matière de troisième pilier alors que les poursuites et les instructions se développent. Le professeur Carol Harlow se fait, d’autre part, l’avocat d’une place plus importante pour l’accès à la justice dans le cadre d’un plan d’action pour les droits de l’homme. Le professeur Catherine Barnard fait, ensuite, un bilan du principe de l’égalité des sexes dans l’Union européenne. Dans la mesure où le modèle communautaire repose sur l’égalité des chances, elle recommande de modifier la législation pour interdire et sanctionner les comportements discriminatoires qui se développent en fait. Le professeur Gerard Quinn se penche quant à lui sur le problème des droits des handicapés dans le droit de l’Union européenne pour insister sur le fait qu’il a fallu attendre le Traité d’Amsterdam pour que l’invalidité ait été intégrée dans le corpus du droit de l’Union européenne. Il expose, en outre, son plaidoyer pour une égalité de résultats et propose de nombreuses solutions pour supprimer les discriminations dont font l’objet les handicapés. Le professeur Conor A. Gearty nous interpelle sur le cas de « l’autre intérieur et extérieur » à partir du racisme, l’intolérance religieuse et la xénophobie. Bien qu’il défende la reconnaissance des discriminations positives, il énonce les risques qui peuvent en découler. M.M. Gregor Noll et Jens Vedsted-Hansen reprochent au contrôle de l’immigration de porter atteinte à la protection des réfugiés et ils invitent l’Union européenne à veiller à ce que l’harmonisation des politiques en la matière ne se fasse pas au détriment du droit d’asile. Le professeur Blanca Vilá Costa prolonge cette étude en démontrant que l’ensemble des règles régissant le statut des étrangers non communautaires n’est pas cohérent.
Le quatrième chapitre concerne les droits sociaux. Le professeur Miguel Poiares Maduro y montre la conciliation des droits sociaux avec la liberté économique alors que Sylvana Sciarra y révèle la convergence des règles du droit du travail entre la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et le traité d’Amsterdam.
Les défis pour l’avenir sont examinés dans le cinquième chapitre. La citoyenneté européenne est étudiée par Ulf Bernitz et Hedvig Lokrantz Bernitz. Une place conséquente est, bien entendu, laissée ensuite à l’étude du droit de l’environnement par Pavlos E. Eleftheriadis.
Dans le sixième chapitre, les droits de l’homme sont exposés dans la perspective de la politique étrangère de l’Union européenne. L’engagement de la responsabilité des sociétés multinationales en cas d’atteinte aux droits de l’homme est prôné par le professeur Menno T. Kamminga tandis que Bruno Simma, Jo Beatrix Aschenbrenner et Constanze Schulteye mettent en exergue les progrès des activités de coopération de l’Union européenne. Andrew Clapham s’attaque, ensuite, à l’inefficacité de la politique étrangère de l’Union européenne en matière des droits de l’homme.
Les aspects externes et internes de la conditionnalité relative aux droits de l’homme sont abordés dans le septième chapitre. En ce qui concerne l’adhésion et la participation à l’Union européenne, Manfred Nowak insiste sur la nécessité que les États membres, les États candidats et les pays tiers avec lesquels l’Union européenne lie des relations respectent les droits de l’homme. Barbara Brandtner et Allan Rosas mettent en lumière le lien entre les droits de l’homme et les préférences commerciales, et Eibe Riedel et Martin Will poursuivent cette réflexion en étudiant les clauses relatives aux droits de l’homme dans les accords extérieurs des communautés européennes.
Le rôle des institutions et intervenants principaux est étudié dans le huitième chapitre. Dean Spielmann conclut à l’équilibre du mouvement de balancier entre concurrence et complémentarité des juridictions de Strasbourg et de Luxembourg. À partir d’un bilan des instruments de protection des droits de l’homme en Europe, Giorgio Gaja conseille de privilégier le rôle du Conseil de l’Europe. Pour le Parlement européen, Reinhard Rack et Stefan Lausegger regrettent que son rôle, pourtant fondamental, en matière de protection des droits se limite à donner de simples avertissements au lieu de véritablement sanctionner. Cette interrogation est prolongée par Kieran St C. Bradley selon lequel il faut exiger des résultats concrets. Bruno De Witte propose, d’autre part, une évaluation critique des résultats obtenus par la Cour de justice des communautés européennes. Pour terminer, Emmanuel Decaux replace le débat dans le cadre de la société civile et exhorte l’Union européenne à développer sa coopération avec les organisations non gouvernementales pour renforcer l’efficacité de la politique des droits de l’homme.
Compte tenu de toutes ces virtualités, le lecteur ne peut qu’avoir envie de se plonger dans cet ouvrage. De plus, l’impressionnante bibliographie, l’index analytique complet et la présence en annexe du programme d’action pour les droits de l’homme – « montrer l’exemple » – font de cet ouvrage un outil précieux pour les étudiants, les universitaires mais aussi les praticiens. Enfin, la nature pluridisciplinaire des analyses en fera, c’est certain, le livre de référence en la matière.