Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis ont relancé les débats autour de la thèse du « choc des civilisations ». Dans ce contexte dramatique touchant les relations internationales, la recen-sion du premier volume de l’ouvrage de Guy Ankerl devient fort intéressante. Ce livre est le fruit des diverses responsabilités de son auteur qui a exercé comme professeur, consultant et conférencier dans des pays du Nord et du Sud. Il comprend une préface, une introduction, cinq chapitres et un appendice. Le premier chapitre est consacré à la communication et à la civilisation, le deuxième aux quatre civilisations musulmane, indienne, chinoise et occidentale, le troisième à cette dernière, le quatrième au globalisme et le dernier à un agenda fédératif. L’appendice résume le propos du livre. Au niveau déontologique, ce livre est basé sur le principe que l’autonomie et la liberté personnelle du chercheur sont garantes d’une approche scientifique des phénomènes sociaux. L’auteur ne s’est placé sous le patronage d’aucun auteur canonique. Au niveau théorique, ce livre se présente comme une critique fondamentale idéaliste du cadre binaire de pensée dominant en Occident qui divise le monde en Occident et non- Occident. Il comporte cinq hypothèses dont une principale. L’hypothèse principale veut que cette présomption fondamentale de l’Occident trouve son expression contemporaine dans la civilisation occidentale économiquement globalisante. Cet aspect est défini par l’auteur comme « l’influence disproportionnée de l’oligarchie dont les corporations ont une influence particulière sur l’État à l’aide du financement des campagnes électorales dans les démocraties contemporaines représentatives ou indirectes » (p. 307). Cette civilisation prétend que comme l’Occident préfigure l’ordre mondial global de demain, les problématiques de la présente civilisation devraient se réduire à l’étude de ses problématiques internes et des processus types d’adaptation du reste du monde à elle. Conformément à cette vision ethnocentrique intolérante et faussement universelle, le monde est composé d’individus isolés et non de peuples appartenant à différentes entités civilisationnelles. Son intégration de la pensée judéo-chrétienne ne l’a pas empêché de marginaliser d’autres éléments. Son projet de civilisation globale serait une invitation à son imitation. Ce processus suppose l’acceptation de deux prémisses : la réduction de la diversité contemporaine des civilisations à un schéma binaire où la civilisation occidentale est la seule civilisation et les autres sont des étapes successives sur le chemin de l’occidentalisation ; et le choix du critère économique comme seule mesure d’évaluation du rang des civilisations. À la place de cette conception, l’auteur propose un modèle multicontinental et multicivilisationnel du monde esquissé en 1978. Ce modèle se base sur la deuxième hypothèse qui prétend que la cohésion sociale est fondée sur trois éléments principaux : la collaboration économique dans la gestion des ressources pour la survie collective ; la conservation de l’héritage socioculturel à travers la Sainte écriture (Scripture) ; et l’auto-préservation du groupe par la procréation. La Sainte écriture ou le code particulier d’une civilisation est définie comme « un message sacré dont l’efficacité est liée à la promesse d’espoir et de salut » (p. 8). Le rang donné à chacun de ces éléments donne sa spécificité à une civilisation. À partir de ces trois éléments importants, l’auteur a identifié cinq civilisations majeures contemporaines : chinoise, indienne, islamique, (afro-) brésilienne et occidentale. Tout en préservant leur identité, ces civilisations changent en permanence. Une civilisation donnée se manifeste à travers une entité sociétale douée potentiellement d’une connexion sociale intense ou d’une cohérence base d’actions coordonnées. Le concept de civilisation est défini ici comme : « un mode collectif général continu qui encadre la vie des individus, formule leurs problèmes et manifeste son identité à travers un cadre historique …
Global Communication without Universal Civilization. Vol. 1 : Coexisting Contemporary Civilizations. Arabo-Muslim, Bharati, Chinese, & Western. A Scientific Essay.Ankerl, Guy. Geneva, Interuniversity Institute, 2000, 501 p.[Notice]
…plus d’informations
Aziz Enhaili
Doctorant en science politique
Université Laval, Québec